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Campagne
C’est le sort commun des ouvrages de l’esprit d’être à la fois maltraités et portés aux nues. Mais Campagne, de Mme Raymonde Vincent, a plus qu’aucun autre roman divisé la critique. C’est qu’il met en scène des paysans et qu’il n’est guère de sujet, en France, sur lequel nous nous entendions moins.
Au vrai, sous le nom de paysans, nous désignons des espèces fort différentes, et c’est pourquoi nos expériences ne concordent point. Si je m’en rapporte à ce que je connais, j’ai eu affaire, dans ma vie, à deux races paysannes, la landaise et la garonnaise, qui ne se ressemblent en rien, bien que leurs territoires se touchent. La terre aride et consumée des Landes et la grasse plaine de la Garonne ont pétri deux espèces d’hommes à leur image et à leur ressemblance.
La phrase fameuse de La Bruyère, sur les paysans “animaux farouches”, a toujours beaucoup scandalisé les personnes qui tiennent à ce que l’ancien régime ait assuré à la paysannerie une enviable condition de vie. Mais ces animaux farouches, courbés vers la terre (“… et quand ils se redressent on s’aperçoit que ce sont des hommes”), je les ai connus, je les ai vus de mes yeux, dans ma petite enfance, à l’époque où la résine ne rapportait pas encore et où un pin se vendait de cinq à dix francs.
C’étaient les femmes qui travaillaient aux champs; elles se relevaient pour répondre à notre salut; et, dans cette créature édentée et sans âge, nous avions souvent peine à reconnaître la petite métayère qui, deux années plus tôt, en robe de mariée, précédée du violon, était venue nous faire son compliment et nous embrasser à la ronde. Et puis la prospérité vint. En très peu d’années les maisons de torchis disparurent, les métayers se nourrirent mieux, évoluèrent… mais j’ai gardé une image très nette de ce peuple taciturne, chétif, sauvage, parlant un patois difficile, nourri de “cruchade” et où la tuberculose faisait d’affreux ravages.
Or, à vingt kilomètres de là, les bords de la Garonne étaient peuplés de beaux garçons et de belles filles bien nourris et fort occupés d amour. Peuple riche, où chacun possède sa vigne et où les frontières de la paysannerie et de la petite bourgeoisie sont à peine tracées.
Et, à ce propos, si l’on veut donner une image favorable de la condition du paysan français à une époque et dans une région déterminée, le plus sûr est de choisir ses exemples sur ces confins où une famille, encore attachée à la terre, se mêle déjà à la classe supérieure. C’est ainsi que Paul Bourget cherche dans La Vie de mon père, de Restif de la Bretonne, le type même du paysan de l’ancien régime, et l’on imagine aisément les conclusions qu’il en tire. Or les Restif étaient une ancienne famille noble, ruinée par les guerres de religion, mais encore bien apparentée. Le père de Restif remplit dans son village les fonctions de notaire et de juge et règne avec grandeur sur tout ce petit peuple. Son fils, à Paris, est deux fois au moment d’épouser des filles de robins et de commerçants fort riches, et c’est le père Restif qui s’y oppose. Sans doute il se glorifie de labourer lui-même, mais de nombreux bouviers et valets de charrue sont à ses ordres. On comprend que la discussion à propos des “animaux farouches” ne soit pas près de s’éteindre, puisque sous le nom de paysans on désigne aussi, et à bon droit, ces aristocrates de la glèbe dont le père de Restif était le type.
Ceux du Berry, que Mme Raymonde Vincent nous décrit dans Campagne, ne ressemblent presque en rien à mes Landais ni à mes Garonnais. Et pourtant, ce n’est pas assez de dire que je les ai aimés, je les ai aussi reconnus. C’est que toutes ces paysanneries, si différentes les unes des autres, une nappe commune les alimente, c’est qu’elles se rejoignent par les racines. Mais, pour en prendre conscience, il faut tenir soi-même à la terre. Bien sûr, nous y avons tous tenu, nous venons tous de la charme, qui que nous soyons, grands ou petits; l’ouvrier est presque toujours un paysan dévoyé: on le voit marcher lourdement sur l’asphalte des villes, comme s’il arrachait encore ses souliers à la terre grasse qu’il ne laboure plus. Et je connais des garçons de la bourgeoisie ou de la noblesse qui s’étiolent, dépérissent à Paris et ne recommencent à vivre, à s’épanouir que lorsqu’ils se retrouvent aux champs.
Les critiques qui n’ont pas aimé Campagne sont ceux qui ont perdu le contact avec la terre. C’est parce que je suis campagnard que je l’ai aimé. Un jour que j’étais allé voir Francis Jammes, il disait plaisamment à sa femme, en me regardant: “Tu ne trouves pas que Mauriac c’est tout à fait un paysan?” Je sais aujourd’hui qu’il avait raison. A mesure que je vieillis, je me rapproche de mes arrière-grands-parents dont je retrouve les lettres, les livres de comptes. Et je finirai dans la peau d’un vieil homme qui, de sa terrasse, scrute le ciel, flaire le vent, s’inquiète de la gelée, de la sécheresse et de la grêle.
Sans doute n’ai-je jamais rencontré de paysans aussi graves, aussi purs que ceux de Campagne. Mais je tiens de mes grands-oncles que ceux dont je suis sorti appartenaient à cette espèce moralisante et sentencieuse –du type du père de Restif, justement. Ce qui reste de leur correspondance en fait foi. Il existe en revanche, dans les humbles héros de Mme Raymonde Vincent un trait que je reconnais bien: cette impuissance à imaginer, à se représenter ce qui n’est pas. Leur défaut d’imagination amortit chez eux toute souffrance, limite toute joie. Un romancier issu d’une souche paysanne bénéficie de cette immense réserve d’une faculté dont sa race, pendant des siècles, ne s’est pas servie.
Il semble que, sur ce point, les paysans subissent l’influence des animaux dont la vie se mêle à la leur. Il faudrait, je crois, beaucoup insister sur cette imprégnation. On ne l’a fait le plus souvent qu’en ce qui touche à la vie sexuelle; et ce n’est peut-être pas l’essentiel. A ce propos, on a beaucoup trop reproché à l’auteur de Campagne la chasteté de ses paysans. Là encore, qu’il y aurait à dire! Certes, nous connaissons les vices et les crimes dont les campagnes gardent la recette –ces campagnes où je me suis aperçu, un jour qu’un de mes vignerons était mort par accident, qu’aucun médecin ne vient constater le décès, et que le permis d’inhumer n’est même pas requis!
Et pourtant, il n’empêche que la chasteté paysanne existe, une chasteté farouche. Les médecins de campagne savent combien il est souvent difficile d’examiner les femmes. Il est de certains sujets sur lesquels l’homme de la terre ne plaisante pas. Un joyeux Parisien de mes amis me racontait qu’au cours d’une période militaire avec des réservistes, tous paysans et mariés, il se livra à quelques plaisanteries faciles sur leurs femmes, mais dut s’interrompre très vite pour n’être pas mis en pièces. Chasteté qui a peut-être aussi une origine animale et vient de la fidélité paysanne à l’instinct. Pour beaucoup d’entre eux, comme pour leurs bêtes, l’amour a un temps, une saison. En dehors de la période où ils le ressentent, ils n’essaient pas de le revivre.
Les héros de Campagne vivent dans l’instant, et en cela je les reconnais. Et de même ils sont incapables, comme tous les paysans que j’ai fréquentés, de formuler un jugement esthétique, en contemplant la terre qu’ils travaillent et qui les nourrit. Ni dans les Landes ni sur les bords de la Garonne, je ne me souviens d’avoir entendu un paysan s’appliquer à définir le charme de son pays. Mais ils sentent profondément ce qu’ils n’expriment pas. C’est quand ils s’en séparent qu’ils deviennent artistes: lorsqu’ils prennent de la distance, pour le juger… Ainsi Mme Raymonde Vincent a-t-elle pris le recul qu’il fallait; elle s’est un peu éloignée de sa terre pour la peindre –un peu trop peut-être… Il n’empêche que son livre est un beau livre, où est glorifiée cette union profonde, ce mariage de la terre avec l’homme qu’est l’existence paysanne, cette préfiguration de la mort qui est la vérité de la vie.
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La Maison au bord du fleuve
(Souvenirs bordelais)
J’AVAIS écrit autrefois Mes plus lointains souvenirs, cédant à ce désir que nous éprouvons tous de ressusciter un instant ce monde de notre enfance connu de nous seul, les bonnes gens disparues, les paysages familiers des vacances, tout ce modeste univers anéanti qui ne survit plus que dans notre cœur. Ces plus lointains souvenirs, quand nous nous décidons à les rédiger, nous nous les racontons surtout à nous-même, sachant bien que nos lecteurs n’imagineront pas ce visage, ce sourire, cette maison, ce tournant d’allée tels qu’ils furent, tels qu’ils demeurent vivants encore en nous et dont le charme est, par essence, incommuniquable.
Or à la même époque où j’étais un petit garçon de Bordeaux dont la vie s’écoulait sur les quais, dans une cour de récréation, dans les vieilles rues brumeuses ou dévorées de soleil, où j’étais un enfant qu’un landau emportait, durant les soirs de juin, vers une propriété à sept kilomètres de la ville, une petite fille qui s’appelait Jeanne Alleman respirait le même parfum d’épices et de saumure que les magasins du quartier Saint- Michel épandent sur le trottoir, écoutait les mêmes sirènes crier dans le brouillard, s’émouvait à voir les troupeaux d’émigrants bariolés et sordides, rêvait devant les voiles de morutiers et se répétait les noms des transatlantiques. Son cœur battait comme le mien quand passait dans la rue, avec un grand bruit de ferraille, la voiture à pétrole de Mme Escarraguel. Mon enfance revit dans la sienne, la recoupe si j’ose dire, et il se trouve que nous sommes deux, par miracle, à connaître les choses indicibles de notre passé obscur. Grâce à l’auteur de La Maison au bord du fleuve (1), je ne suis plus seul tête à tête avec mon enfance. Quelqu’un est en tiers dans notre colloque: je sais tout de ce que cette petite fille a rêvé et elle connaît jusqu’au moindre parfum des rues d’autrefois qui a fait frémir mes narines.
Il existe dans ses souvenirs tels épisodes que j’ai vécus moi-même avec une exactitude hallucinante: par exemple l’histoire du cheval emballé, les longs trajets en voiture dans le milord, sur les routes du Bazadais… comme si Dieu nous distribuait à tous la même enfance, pareille à ces cahiers d’écolier où les lettres sont tracées d’avance en pointillé et qu’il n’y a plus qu’à recouvrir.
Aujourd’hui, Jeanne Alleman est devenue Jean Balde: La Vigne et la Maison, qui a obtenu le prix Northcliffe, et Reine d’Arbieux, grand prix du roman de l’Académie française, l’ont placée au premier rang des romanciers de la terre de France; le recueil de souvenirs qu’elle nous donne aujourd’hui a une saveur, un bouquet concentré qui est celui de tous ses livres, mais qu’on trouve ici, si j’ose dire, à l’état pur. Ce n’est pas seulement le vieux Bordeaux, la Tresne, le Bazadais, Arcachon qui revivent dans ces pages. La ville et le fleuve courbe, toute la douce et brûlante Guyenne se composent et s’ordonnent autour d’une figure centrale, d’une figure de jeune fille: jeune fille de la race royale des Jacqueline Pascal, des Eugénie de Guérin.
Que sa modestie, que sa délicatesse se rassurent: je ne parlerai pas d’elle, sinon pour m’enchanter moi-même jusqu’aux larmes d’une page comme celle-ci que je ne me retiens pas de citer: “Pendant seize ans, ma vie s’est usée entre Bordeaux et La Tresne en allées et venues presque quotidiennes. L’hiver, je partais souvent dans la nuit noire. Sur le quai de la gare, en attendant le petit train poussif, astucieusement baptisé tramway de Cadillac –sans doute pour décrocher l’autorisation de passer sur la route– je regardais monter une aube mouillée derrière les ramures du château La Tresne. Quand je débarquais à La Bastide, les commerçants ouvraient leurs volets. Le soir, après la journée de cours, traversant le pont, mes yeux se reposaient sur le fleuve scintillant des feux des bateaux. Les retours nocturnes sur la route déserte ne m’effrayaient pas. Il y avait de beaux soirs d’hiver où la lune brillait comme un quartier de glace sur les peupliers. Une lampe étoilait dans l’ombre notre Casin et je respirais l’odeur de la terre grasse.”
Nous sentons bien qu’ici la beauté formelle ne suffirait pas à nous émouvoir: la palpitation de ces mots si simples est celle d’un cœur vivant. Ce qui s’exprime dans ce texte admirable, c’est ce que Pascal fait tenir en quatre mots griffonnés en marge du manuscrit des Pensées: “grandeur de l’âme humaine…” Nous ajouterons: “grandeur de l’âme féminine”, qui est bien ce qu’il y a au monde de plus grand. Grandeur qui s’ignore d’une jeune âme donnée jour après jour, riche de sa foi en Dieu, de sa tendresse pour les siens, et du don de poésie qui lui a été départi. Poésie de Jean Balde, poésie familière, que la muse de Jammes a inspirée, et toute mêlée à l’humble vie.
Petite-nièce de Jean-François Bladé, notre amie girondine n’avance pas comme une muse romantique, une lyre à la main, le front perdu dans les étoiles. En vérité, un livre de souvenirs comme La Maison au bord du fleuve renseignerait mieux qu’un étranger sur la vie de la province française, sur le drame d’une famille terrienne, que les plus savants ouvrages.
Ce livre jette aussi une vive lumière sur le secret de la formation d’un écrivain. Ce qui nous y apparaît d’abord, c’est comment Jean Balde a composé son propre bouquet, mais ce qu’elle nous livre vaut pour beaucoup d’autres. Ce recueil bordelais n’intéresse pas seulement les Bordelais. Que Jean Balde en ait eu ou non le dessein, il se trouve que La Maison au bord du fleuve nous découvre la nappe profonde où l’inspiration de tout un groupe d’écrivains a trouvé son aliment. J’ai dit que les rues et les routes suivies par le milord des parents de Jean Balde coupent celles où j’ai roulé vers la même époque, meurtri par le dur strapontin de la victoria familiale. Quand Jean Balde se rendait de La Tresne à Bazas, elle passait au bas de la terrasse de mon Malagar. Pas très loin du jardin de La Tresne où elle a grandi, un petit lycéen, qui s’appelait Jacques Rivière, passait de rêveuses vacances, et c’est dans ce cimetière de Cenon qu’il repose depuis quinze ans. Un peu plus haut, un autre enfant s’appelait André Lafon: celui-là aussi attend la résurrection dans cette terre qu’il a tant aimée. Je ne sais où allait Jean de la Ville de Mirmont, durant les mois chauds: à Royan, je crois… Martial Piéchaud avait sa maison près de Cadillac: tous, nous étions formés, dirigés, orientés par ce fleuve, par ces coteaux, par ces landes, par cette mer. Tous nous étions les familiers de ce monde un peu comique, mais charmant, des Chartrons, de la Rousselle, du haut commerce et du Palais. Si le pauvre Thibaudet vivait encore, j’imagine qu’il aurait attaché beaucoup d’importance à ce livre de Jean Balde qui est une source. Lui qui aimait à grouper les écrivains par régions et par crus, il aurait trouvé dans les souvenirs de notre amie le meilleur guide pour explorer le terroir girondin.
Il est admirable que cette race de vignerons et de marchands ait produit ces quelques artistes dont le trait commun (moi mis à part!) est le détachement, le désintéressement.
Je me rappelle Jean Balde jeune fille, son indifférence à l’argent, au confort de la vie, au luxe. Je songe à Jacques Rivière à vingt ans, tel qu’il m’apparut dans une chambre misérable d’un sordide hôtel de la rue de Tournon; j’évoque André Lafon dans une chambre au sous-sol du lycée Carnot, où il était surveillant; et la fenêtre de cet ami des étoiles et des nuages ouvrait à ras du trottoir. Je me rappelle cette vaillance, cette acceptation des charges les plus lourdes, ce parti pris héroïque de transfigurer le réel, d’avancer entouré des poètes que nous chérissions… C’est cette sainte jeunesse qui palpite entre les pages du livre de Jean Balde, c’est elle que j’y viendrai chercher souvent. Mais ceux mêmes dont les souvenirs sont d’une autre époque ou d’une autre ville aimeront La Maison au bord du fleuve s’ils demeurent sensibles à la poésie des vieilles familles et des vieux domaines, s’il leur plaît de voir revivre ce que Fogazzaro appelait “un petit monde d’autrefois”.
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1937-12-03
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La Maison au bord du fleuve
(Souvenirs bordelais)
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Avant l’oubli
LE second volume des mémoires si vifs et si divertissants que M. Henri Lavedan, avec une modestie un peu coquette, intitule Avant l’oubli, nous incite à poser le problème des époques littéraires: où commence et où finit une époque littéraire? De même que le siècle de Louis XIV se clôt bien avant la mort du grand roi, les souvenirs d’Henri Lavedan nous montrent assez que la période qu’il illustra ne correspond pas exactement à une période politique. Ils donnent raison à ce critique qui prétendait que le second Empire survécut à la guerre de 70 et qu’il a duré jusqu’aux premières années de ce siècle.
On a souvent cité le mot, sans doute apocryphe, d’un familier des Tuileries regardant la foule envahir le Château le 4 septembre: “C’est égal, nous nous serons bien amusés!” Au lendemain de la Commune, le même aimable homme aurait pu ajouter: “Ce qu’on va recommencer à s’amuser!” Et en effet, de 1872 à 1905 environ, le familier des Tuileries ou son fils en ont eu encore pour un bout de temps, comme on dit, à s’en fourrer jusque-là. L’importance de l’enquête d’Agathon fut de marquer la limite au delà de laquelle ce fut fini de rire.
Je ne voudrais point qu’on pût voir ici de la malveillance à l’adresse de la génération dont M. Lavedan fut une des gloires. Ses mémoires témoignent d’une faculté étonnante et même admirable pour accepter les règles du jeu, pour feindre d’attacher de l’importance aux menues conquêtes de la vie parisienne. On y sent partout une gourmandise attentive à déguster, à savourer chaque satisfaction d’amour-propre, à gober toute douceur que Paris (ce qu’on appelle Paris) réserve à ses vedettes –et non seulement les faveurs éclatantes: fauteuil à l’Académie, pièce reçue à la Comédie-Française, mais de ces petites choses qui ont, paraît-il, eu leur prix et qui, après tout, l’ont peut-être encore, telles que l’accès dans un grand cercle.
C’est le charme de ces mémoires que l’auteur ne se guinde pas, ne rougit pas de s’être, tant amusé des hochets que la réussite mettait à portée de sa main. J’ai fort goûté les pages où il s’attendrit sans vergogne, pour notre plaisir et pour le sien, sur les vieux menus des soupers de centième. Il n’affecte pas de n’en éprouver aucun regret. Il avoue avec bonne grâce, avec gentillesse, qu’il voudrait bien y être encore. Je ne sais si je me trompe en discernant chez M Henri Lavedan une sorte de coquetterie du manque de sérieux dont nous ne sommes pas dupes, mais qui a bien de l’élégance.
Frivolité trop étalée pour n’être pas voulue. Au fond de lui-même, l’auteur du Vieux Marcheur et du Nouveau Jeu, né dans l’atmosphère grave et religieuse du Correspondant, et dont je crois que Mgr Dupanloup tapota les joues innocentes, savait sans doute que la vie telle que Paris la propose à ses jeunes vainqueurs est une partie qu’il faut toujours finir par perdre. Mais, en attendant la fin, nous le sentons résolu à la considérer comme une partie de plaisir. Il existe un courage de la frivolité. On n’a pas besoin de croire au jeu pour trouver qu’il est amusant de gagner.
Aux yeux d’un écrivain de cette race, l’œuvre n’est pas une fin en soi. Elle le porte dans le sens de ses ambitions qui tendent toutes à l’agréable plus qu’elles ne visent au grand. Né chrétien et français, c’est-à-dire moraliste (et c’est là qu’il excelle), M. Henri Lavedan ne perd jamais de vue que la littérature est d’abord un moyen de participer à la vie délicieuse de Paris et, d’un mot: d’être dans le train.
Notre génération est la première qui ait délibérément manqué ce train-là, ce train de plaisir, qui ait tenu à le manquer, qui ait fait exprès de le manquer. Chez nos aînés, des individus isolés restaient volontairement sur le quai. Mais c’est notre génération presque entière qui s’est détournée du Boulevard. Non qu’au fond elle ait été meilleure: les hommes se suivent et se ressemblent. Simplement elle fut la première à approcher assez l’abîme pour en sentir le vent sur sa face. Six ou sept ans avant la guerre, nous étions avertis, nous savions que c’était fini de rire. Entre tous nos aînés, ceux qui auraient pu nous fournir de recettes pour décrocher les diverses timbales de la réussite retenaient moins notre attention que ceux qui nous parlaient de la menace qui pesait sur nous et qui nous proposaient des disciplines, ou du moins des attitudes, Bourget, Barres. Maurras, Péguy, Claudel, Gide, ont bénéficié de notre inquiétude, de notre angoisse d’enfants menacés.
Une certaine forme de réussite était ce qui nous attirait le moins. Quel prestige avait à nos yeux le plus petit signe, chez un aîné, de détachement, de désintéressement, de pureté! Dans des ordres très différents, les premiers numéros de L’Action Française, ceux de la Nouvelle Revue Française, les premiers livres de Jammes, de Claudel, de Gide, les Cahiers de Péguy représentaient à nos yeux la vraie gloire, la seule gloire; les maîtres du théâtre et de la chronique, et le plus fameux de tous, Rostand n’avaient de valeur pour nous qu’en tant qu’exemple à ne pas suivre. Et bien sûr, nous manquions de mesure, d’équité. Je me rappelle comme je fus scandalisé, un jour que j’étais allé voir Barrès au lendemain de Chantecler, de l’admiration, ou plus exactement de l’espèce d’envie gentille qu’il manifestait: “Ces transatlantiques... c’est tout de même quelque chose !” me disait-il, faisant allusion aux Américains qui avaient, disait-on, frété un bateau pour assister à la première de Chantecler.
Il arrive parfois que les aînés subissent l’influence de leurs cadets. Ce qu’il faut admirer dans les passionnants mémoires de M. Henri Lavedan, c’est à quel point on l’y sent étranger à nos goûts, à nos préférences, indifférent à notre attitude devant la vie, en un mot fidèle à sa propre jeunesse. Je doute qu’il attache beaucoup d’importance à ce qui s’est passé hors de la sphère où il a évolué avec une si constante réussite. Il est vrai que son récit s’arrête un peu avant les années où nous avons commencé d’émerger. Mais au ton même de ce récit, à la complaisance que l’on y sent à chaque page, il est évident que ce qui comptait à ses yeux, il y a trente-cinq ans, a toujours le même prix, et qu’il n’a pas dû réviser son échelle des valeurs. Je me trompe peut-être. Il se peut qu’il connaisse au contraire fort bien tout ce qui a été pensé et écrit, tout ce qui a été passionnément admiré dans le monde qui commence où le Boulevard finit et où d’ailleurs une partie de son œuvre a eu un durable écho. Mais j’inclinerais à croire que l’auteur célèbre du Prince d’Aurec et du Marquis de Priola s’en est tenu à son univers à lui, qui était brillant et peuplé des gens les plus agréables et les plus spirituels de l’Europe, en soupçonnant peut-être l’importance de ce qui se passait dans d’autres étoiles, mais fermement résolu à n’en tenir aucun compte.
Et, après tout, c’est une science que d’être heureux! Il y a un art de donner du prix à ce qui n’en à guère, mais sans être dupe, que possédait éminemment l’auteur d’Avant l’oubli, et que nous avons perdu. Les roses qu’a cueillies Henri Lavedan au long de sa vie brillante et comblée ne se sont pas fanées entre ses mains; elles parfument encore les pages de ses charmants mémoires, et on sent bien qu’elles enchantent et consolent sa vieillesse. Nous autres, nous ne savons plus rien cueillir qui ne se flétrisse et ne se réduise en poussière. Ce sont les événements sans doute, c’est l’air rendu irrespirable, l’impossibilité de se détendre, c’est l’état d’éveil où nous sommes tenus dans une France plus menacée qu’elle ne fut jamais, à aucun moment de son histoire. Nous n’en avons que plus d’agrément à ressusciter ces époques heureuses et douces, menacées elles aussi, bien sûr! mais d’une façon moins pressante, moins directe: ces époques où l’on pouvait penser à autre chose qu’à la fin de la civilisation et où ceux qui, comme Henri Lavedan, avaient reçu mission de divertir leurs contemporains, s’en acquittaient avec tant de grâce, d’éclat et de bonheur.
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Avant l’oubli
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Rien ne nous rend sensible le temps écoulé, la rupture en nous de l’homme déclinant avec le jeune être plein d’illusions, rien ne nous déconcerte davantage qu’un livre passionnément admiré dans notre adolescence et dont rien ne nous étonne plus aujourd’hui que la faiblesse. C’est ce que j’ai ressenti, ces jours-ci, en relisant Antoinette de Romain Rolland, découvert au fond d’un placard, à la campagne, et qui lors de sa publication, dans la série des Jean-Christophe m’avait arraché bien des larmes.
Je ne vois guère que cela qui se modifie en nous: nos admirations. On reste soi-même, on ne change pas; simplement on perd ce pouvoir que détient la jeunesse d’envelopper de sa propre lumière l’objet le plus terne, de l’embraser d’un feu qui vient d’elle-même. Nous ne changeons pas, mais nous perdons, peu à peu, ce pouvoir d’embellissement, de transfiguration.
J’y avais déjà songé, cet été, en visitant au Palais du quai de Tokio la Rétrospective de la peinture française: Eugène Carrière y est représenté par une seule toile qui, dans ce fleuve de lumière, du maître de Moulins à Manet et à Cézanne, dans cette longue chaîne éblouissante, creuse un trou noir, étale une flaque grisâtre. L’avons-nous aimé pourtant, ce Carrière! Avons-nous rêvé devant cette atmosphère épaisse de “tragique quotidien”, comme nous disions après Maeterlinck, devant ces visages sculptés eût-on dit, dans leur propre mystère, mal dégagés de leur drame confus. Et en vérité, les “maternités” de Carrière gardent aujourd’hui leur signification humaine; son Christ me touche encore et Marie, au pied de la croix, qui retient un sanglot, me fait toujours penser au vers de Jammes: “avec ce gonflement de douleur qui étouffe”… Mais cela ne concerne pas l’histoire de la peinture; cela semble plus proche peut-être de la sculpture, d’une sorte de sculpture en trompe-l’œil, où la glaise serait délayée et étalée… L’art de Carrière ne se rattache que de très loin à celui des hommes qui assemblent des couleurs dans un certain ordre et qu’on appelle des peintres.
L’aventure de Romain Rolland est d’un autre ordre. Son Jean-Christophe tient une place importante dans l’histoire des sentiments au début de ce siècle; mais Antoinette que j’en détachais comme une merveille supérieure au reste de l’œuvre, ressemble à tous les romans de l’époque: c’est un livre construit selon une recette éprouvée, un livre non pas mauvais peut-être ni même médiocre; disons qu’il ne présente d’autre intérêt que de nous renseigner sur l’espèce de miroirs qui attiraient les alouettes de 1910...
Une première réflexion nous frappe lorsque nous relisons un vieux “succès” de cette époque: en vieillissant, chacun de nous s’est créé une certaine idée du style, peut-être discutable, arbitraire, mais d’après laquelle nous jugeons sans appel des ouvrages de l’esprit. Il suffit souvent d’un alinéa, d’une phrase, pour détruire à jamais en nous toute possibilité d’enchantement, pour nous détourner de l’auteur, pour nous faire évader de son empire. Si un inconnu m’apportait aujourd’hui le manuscrit d’Antoinette, sans doute interromprais-je net ma lecture dès la page 56, à cette fin de chapitre: “Les pauvres gens qui se sentent menacés, font volontiers comme l’autruche; ils se cachent la tête derrière une pierre, et ils s’imaginent que le malheur ne les voit pas”.
J’aurais probablement tort: il arrive au meilleur écrivain de céder à la facilité d’une image qui a traîné partout, de ramasser ce dont personne n’ose plus se servir. Mais c’est un fait que ce rien m’arrête aujourd’hui alors qu’il n’avait pas déconcerté ma vingtième année.
Nous avons l’impression ou l’illusion d’avoir acquis dans l’âge mûr pour fixer notre jugement ce que nous ne possédions guère autrefois, ou à un degré bien moindre: le sens de l’authentique. Dans Antoinette (je ne vise pas ici l’ensemble des Jean-Christophe) dans cette Antoinette qui me paraissait, il y a trente ans, une œuvre rare et singulière je ne vois plus qu’un livre de seconde main. Presque rien de jailli, ni où on sente une expérience prise à la source.
Il ne m’échappe pas à quel point peut sembler injuste cette accusation d’inauthenticité, portée contre un livre, trente ans après sa publication. On m’objectera que si une étude –un portrait de jeune fille qui alors m’avait paru être la vie même– revêt aujourd’hui des couleurs fausses, nous devons en chercher la raison en dehors du livre même, dans l’évolution des mœurs, dans un changement d’atmosphère, dans le temps écoulé.
Hé bien, non, le temps écoulé ne fait rien à l’affaire. Lorsqu’au dernier chapitre de L’Éducation sentimentale, Frédéric Moreau dit à Mme Arnoux: “la vue de votre pied me trouble…” cette réflexion du héros de Flaubert parait peut-être comique au lecteur de 1937 accoutumé à voir sa bien-aimée en short et à prendre avec elle des bains de soleil, mais il ne doute pas que ce ne soit là ce que Frédéric a réellement ressenti à la vue du pied de Mme Arnoux. Le temps ne mord pas dans un roman sur ce qui était vrai à l’époque où il a été écrit, et par rapport à cette époque, le restera toujours. En revanche le temps dégage cruellement le détail faux, la fausse observation, qui ne manquent pas dans Antoinette. Veut-on un exemple? Mme Jeannin dont le mari, banquier de province, s’est tué après avoir fait faillite, se réfugie à Paris où elle a une sœur richement mariée a un magistrat important. Il ne faut rien connaître de la bourgeoisie française pour nous raconter que la parente riche, aussi féroce que M. Romain Rolland la veuille imaginer, prêtera deux cents francs à sa sœur et à ses neveux et les jettera à la rue (ou alors il s’agit d’un cas très singulier et qu’il importerait de rendre croyable.) Quand ce ne serait que par amour-propre, par orgueil familial, par peur du qu’en-dira-t-on, elle leur assurera non seulement le pain et le logement, mais de quoi tenir leur rang, sauver la face, quitte à le leur faire payer par un martyre à la petite journée dont l’étude pourrait même fournir un beau sujet.
Mais c’est l’appel surtout à une sorte de tragique truqué qui m’a frappé dans Antoinette. J’avais gardé un souvenir bouleversant de la rencontre d’Antoinette et de Jean-Christophe dont les trains se croisent et s’arrêtent un instant dans une gare et qui ne peuvent qu’échanger un regard à travers les vitres. Mais ce que j’avais oublié et ce qui, je l’avoue, m’a consterné, c’est que l’auteur ravi de son invention, récidive quelques pages plus loin et nous montre Antoinette et Jean-Christophe séparés à jamais dans une rue de Paris par un embarras de voitures et un cheval abattu ! Comment à vingt ans étais-je sensible à de si gros effets? C’est que je m’identifiais avec le frère d’Antoinette, Olivier. Le héros du livre c’était moi-même.
Le pouvoir d’illusion et de transfiguration que détient un jeune lecteur vient surtout de ce qu’il se jette dans un livre comme un fleuve en rejoint un autre, et qu’il s’y mêle, que sa propre vie gonfle celle des personnages inventes; il n en retient que ce qui lui permet de se regarder vivre dans un autre. Le tragique douteux d’Antoinette devenait vrai en passant par moi. Ce n’était d’ailleurs là qu’un épisode. Nous savions que l’histoire se terminait par l’étude d’une amitié: celle d’Olivier et de Jean-Christophe, qui dans mon souvenir m’apparaît comme le plus beau tournant de ce roman-fleuve d’avant guerre. Les romanciers étudient toujours l’amour qui n’est pas une passion aussi courante dans la jeunesse, et dont nous rêvons longtemps avant de la ressentir, alors que de l’amitié, pain quotidien des jeunes gens et qui tient tant de place dans leur vie de chaque jour, il n’est presque jamais question dans les livres. Antoinette mourait et Olivier rencontrait Jean-Christophe. Je crois me rappeler qu’ici l’histoire reprenait un caractère d’authenticité... mais oserais-je le jurer? Peut-être est-il plus prudent de n’y pas aller voir et d’interrompre une expérience dangereuse. Je demeure convaincu que ce Jean-Christophe, est digne de l’admiration que nous lui avions vouée. Mieux vaut rester sur ce souvenir attendrissant que j’ai gardé de lui: la plus grande charité envers certains auteurs de notre jeunesse, c’est de ne pas les relire.
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La Paix des profondeurs (Eyeless in Gaza), par Aldous Huxley (Plon).
CE que le lecteur français demande à un roman d’outre-Manche, c’est de l’introduire dans un monde singulier, inaccessible; c’est de lui donner des Anglais une connaissance par le dedans. M. Aldous Huxley, dont j’admire le très beau talent, m’apporte toujours cette même déception: je reconnais dès le premier abord ses horribles personnages; ils ne sont pas plus anglais que français; ils appartiennent à un milieu qui, mieux encore que celui des fortifs, pourrait être appelé “le milieu” tant il est identique à lui-même, de Paris à Londres et à New-York. M. Aldous Huxley fatigue et irrite dans la mesure où il a subi l’influence –non certes française, mais parisienne. Les affranchis d’après guerre et d’avant-garde, le petit monde grouillant du “Bœuf sur le toit”, les milieux vaguement surréalistes lui ont laissé une impression ineffaçable: il les a pris terriblement au sérieux.
Il est intelligent, certes; mais il est aussi naïf. Il a une façon d’être indulgent qui rend injuste pour l’intelligence. Il en a la bosse, si j’ose dire. Oui, cela ressemble à une maladie; il se tient la tête à deux mains. Parfois, n’en pouvant plus, il est obligé d’interrompre son histoire et de consacrer tout un chapitre aux idées qui lui viennent, foisonnantes, sur tous sujets. Le trop-plein de son esprit l’étouffe; il faut qu’il s’en délivre coûte que coûte, bien qu’au long d’un récit interminable il ait eu déjà la ressource de s’en décharger sur ses personnages: car ce sont tous des “intellectuels”, au pire sens du mot.
Il est étrange que Dickens, que George Eliot aient peint des milieux ordinaires, des êtres moyens ou médiocres, et qu’ils aient pourtant accru notre connaissance de l’homme, alors que leur jeune successeur, attaché à l’histoire de créatures exceptionnelles et qui ont fait le tour des idées, nous laisse, quand nous fermons son livre, sur une impression de nigauderie et de néant. Le moindre fantoche de Dickens nous parait plus riche de substance humaine que ces créatures d’Huxley, réduites à un cerveau et à un sexe, et dont l’auteur nous rapporte comme un trait digne d’admiration qu’elles ont serré la main de Guillaume Apollinaire et qu’elles ont lu Max Jacob!
Et sans doute ce n’est pas à son insu que M. Aldous Huxley nous en fait une peinture si terrible: leur néant ne lui échappe pas. Ce serait ne rien comprendre à ce roman que de ne pas y voir d’abord une fresque satirique du monde moderne. Mais on voudrait être assuré que l’auteur ne tient pas ses personnages, en dépit de leur stupidité prétentieuse, pour des créatures supérieures. Il faudrait s’entendre sur ce qu’est l’intelligence. Je ne doute pas qu’il n’existe en anglais des termes convenables pour définir l’esprit de finesse. Mais le monde d’Huxley en est singulièrement dépourvu, comme on peut en juger au ton ironique et méprisant de tous ses bonshommes dès qu’il s’agit de religion.
Ce n’est certes pas leur absence de foi, ni leur indifférence en matière de religion qui me choque, mais le ton de dédain, l’air supérieur dont ils traitent cet océan brûlant de la charité qui de toutes parts les cerne. Ils pourraient vivre loin de cet océan, et pourtant le comprendre, en pressentir la grandeur. Il est inimaginable que le grand écrivain anglais qu’est M. Aldous Huxley ose parler avec tant de dédain de ce qui fut la foi, l’espérance, l’amour d’un Newman, d’un Coventry Patmore, d’un Chesterton. Chez son ami D.-H. Lawrence, apparemment si antichrétien, je n’ai jamais souffert, de ce mépris misérable: c’est que celui-là savait…
Et cependant ce point de vue religieux nous permet de rendre justice au livre de M. Aldous Huxley: sur ce plan-là, seulement, les hommes et les femmes qu’il décrit prennent une valeur. Tous et toutes, je les connaissais, bien avant d’avoir lu La Paix des profondeurs et Contrepoint; depuis un quart de siècle je suis mêlé à eux et par certains côtés de ma nature, et à certains moments de ma vie, j’ai été l’un d’eux. Ainsi puis-je joindre mon témoignage à celui d’Huxley: l’animal humain supérieur, riche et libre, lorsqu’il est séparé de Dieu, se montre capable d’une férocité pire que celle du peuple: exactement d’une certaine sécheresse sans remède. Tel est le pouvoir de la pauvreté: une vertu se conserve dans le peuple déchristianisé: entr’aide, camaraderie, charité fraternelle, désintéressement… Mais ici, nous sommes plongés au plus épais de ce monde auquel pensait peut-être le Christ lorsqu’il a dit qu’il ne priait pas pour le monde.
Le seul être bon et noble du livre se tue à vingt ans parce que son meilleur ami l’a trahi –et l’a trahi sans amour, sans plaisir, par lâcheté pure. Chez tous les autres, éclate ce vice étrange et qui n’est répandu, il me semble, que dans cette écume dorée de Paris et de Londres: la méchanceté consciente, la férocité froide et lucide au service de cette idolâtrie de soi dont l’excès du luxe est le signe extérieur… Ici, nous ne saurions sous-estimer l’apport de M. Aldous Huxley. Il a monté en épingle cette abomination, il l’a isolée. Chacun de ses héros nous permet de l’étudier à loisir sous un angle particulier. Le monstre à cerveau protubérant, à tube digestif et à sexe grouille dans La Paix des profondeurs, et pourtant il n’en est aucun qui ne soit différent des autres et dont l’horreur ne soit irremplaçable.
La Paix des profondeurs…, c’est le titre de la dernière partie du livre anglais et qui a été donné à l’ensemble de la traduction française. Il trahit chez l’auteur le désir d’échapper à son propre enfer. Car c’est bien d’un enfer qu’il s’agit; d’un enfer qui n’est peut-être supportable, au long de ces deux volumes que grâce à l’invention bizarre de M. Aldous Huxley qui rompt le fil du récit, se moque de la succession du temps et de l’unité dans la durée, de la personne humaine: de sorte que nous passons du 15 septembre 1934 au 21 juillet 1914, puis au 21 septembre 34, au 14 avril 28… Je ne sais si l’auteur attache une immense importance à cette innovation: je crois qu’il aurait tort; il y a là un procédé, des plus arbitraires, qui ne nous rapproche pas de la vie, qui empêche toute familiarité avec les personnages et nous interdirait de les aimer vraiment s’ils étaient aimables… Mais cette gymnastique à laquelle il est condamné distrait le lecteur: il s’agace, il s’amuse, il se détend et reprend le souffle… pour finalement retomber dans le même enfer ou M. Huxley lui-même, visiblement, ne se supporte plus, d’où il cherche à s’évader; et c’est pourquoi il invente La Paix des profondeurs.
Oserons-nous lui avouer que cette paix qu’il nous propose nous paraît dérisoire? Il existe tout de même un humanisme auquel on peut demander des principes de vie. Il y a Rabelais et Montaigne, il y a Spinoza, il y a Nietzsche. Je ne sais si les dix dernières pages, dans la traduction française, ne trahissent pas la pensée de l’auteur: c’est si vague, si pauvre, si verbeux!… Rien ne va à l’essentiel. Le mal qu’on nous a découvert est immense, et voilà donc le remède qu’on nous propose! L’humanité bourgeoise qui en est réduite à cette paix-là, nous comprenons qu’elle sourie à la révolution, qu’elle préfère n’importe quelle loi d’airain à l’atroce tyrannie de sa convoitise et de sa haine, qu’elle tende le COU au couperet: elle n’a plus rien à perdre, elle n’est plus rien.
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Une paix dérisoire
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Par Denis de Rougemont (Albin Michel)
J’aime ce livre et plus encore le sentiment qui l’a inspiré. M. Denis de Rougemont a réfléchi sur toutes les questions qui se posent à l’homme d’aujourd’hui, et il leur a donné une réponse au moins provisoire. Il sait pourquoi il est protestant depuis qu’il a lu Kirkegaard et Karl Barth. Il sait ce qu’il entend par révolution et là aussi il a fait son choix en se ralliant au groupe personnaliste d’Esprit.
Mais pensant, parlant, écrivant, il s’est avisé tout à coup qu’il n’avait jamais eu de contact réel avec l’objet de ses réflexions: les êtres et les choses de France. Nous parlons du peuple, des bourgeois, des paysans; pratiquement que savons-nous d’eux? Entre l’intellectuel qui traite de la vie et la vie elle-même, l’humble vie quotidienne des êtres, se dresse une glace embuée derrière laquelle grouille un monde confus et inaccessible.
M. Denis de Rougemont remarque justement que le Werther de Gœthe succombe parce qu’il se livre à son vertige individuel et rompt avec l’ordre social, alors qu’un Werther d’aujourd’hui souffre au contraire de l’opposition entre sa règle, son harmonie intérieure et l’affreux désordre du dehors. Aussi notre jeune huguenot profite-t-il de ce qu’il se trouve sans occupation régulière pour plonger au plus profond de la vie provinciale française. Dans une île de l’Ouest, dans un village du Midi, il oubliera tout ce qu’il sait abstraitement pour ouvrir les yeux, tendre l’oreille. Et en même temps sa pauvreté l’aidera à demeurer en contact avec les animaux, avec les outils, les ustensiles, à faire, en un mot, tous les gestes usuels de ceux qui ne veulent pas mourir de faim.
Ce souci de retrouver, de toucher la terre, la vie toute nue, je l’observe chez d’autres garçons de cette génération, comme s’ils en avaient assez d’être enrôlés. L’Action Française elle-même a ses “insurgés”. Chaque ligue, chaque parti impose une “ligne générale” hors de laquelle ces réfractaires ont décidé de battre les buissons Un mouvement se dessine de libre-pensée, au sens le plus haut. Dans le même esprit, un compagnon de voyage, d’André Gide en U.RS.S., M. Pierre Herbart, a rédigé ses carnets de voyage dont il me déplairait de parler ici, car j’aurais l’air de vouloir utiliser les réactions de ce communiste, en Russie stalinienne. J’y relève tout de même cette réflexion devant la danse, incompréhensible pour lui, de paysans russes: “L’envie me vient de les prendre un à un par les épaules et de leur demander: qui es-tu, toi? Impossible de m’habituer aux rapports imbéciles que, d’un bout du monde à l’autre, on a avec les êtres.” Denis de Rougemont aurait pu inscrire cette plainte en exergue de son livre.
Telle est la question posée: établir des rapports normaux entre les êtres. Mais c’est cela justement qui échappe à la prise de l’intellectuel. La bonne volonté n’y suffit pas. L’étrange est que Denis de Rougemont, dans un village du Midi de la France, ne se sente pas moins étranger que M. Pierre Herbart dans la Russie des Soviets. Notons qu’en France, tout autant qu’en Russie, ce qui sépare l’intellectuel des autres hommes, c’est le langage. Les mots n’ont pas le même sens (le très petit nombre de mots que nous avons en commun avec le peuple). Et naturellement ils ne sauraient mettre en branle les mêmes idées, mais ils n’éveillent pas non plus les mêmes images. Peut-être même que par gestes, un paysan français et un paysan russe se comprendraient-ils et se sentiraient-ils également étrangers (et pour les mêmes raisons) à ce jeune intellectuel de Paris, à ce personnage inclassable (un écrivain), séparé de tout groupe évoluant hors de toute hiérarchie visible. Sa pauvreté ne le rapproche pas des pauvres, parce qu’il ne se nourrit pas seulement de pain et qu’il détient une immense richesse cachée. Son chômage n’est pas un vrai chômage, puisque son cerveau ne cesse de travailler et qu’il ne s’interrompt jamais de réfléchir et de se complaire dans ses pensées. Qu’elle est tragique, au fond, cette lutte quotidienne de notre petit philosophe huguenot pour embrasser, pour étreindre la créature de Dieu, le prochain, le frère insaisissable! M. Pierre Herbart y réussit mieux que lui, semble-t-il, mais par effraction, si j’ose dire, il surprend un être en pleine solitude (comme ce jeune homme, sur un bateau…) il exige la confidence, entrevoit l’âme dans un éclair.
Encore si Denis de Rougemont avait affaire à un peuple musicien! En observant la place de sa petite ville, il a l’impression d’assister à un film sans musique. Ce serait beaucoup, le soir, de mêler sa voix à des chœurs pareils à ceux qui s’élèvent d’une foule allemande ou russe. Les fumées qui montent des masures et des châteaux composent un seul nuage… mais ce serait mieux encore de retrouver ce peuple à la table de communion, ou simplement à la sortie de la grand’messe…
L’homme pensant et l’autre se rejoignent en Dieu. Ce que contemple Pascal à genoux, c’est aussi ce qu’adore une vieille femme qui ne parle que patois. Le 18 juillet, au Parc des Princes, au milieu de 80.000 Jocistes, perdu dans un foule ouvrière, pour la première fois peut-être, je n’éprouvais aucune gêne, aucune timidité; je ne souffrais d’aucune solitude. Ce n’est pas du dehors qu’on approche les êtres, et notre intellectuel chômeur pourrait s’obstiner pendant des années à vivre dans un village sans en connaître mieux les gens. Leurs mots ne sont pas les siens, leurs pensées ne sont pas ses pensées. Tout ce qui est notion, connaissance acquise du dehors –et Dieu sait s’il en a l’esprit encombré!– le sépare d’eux à jamais et sans remède.
Non, il n’y a rien à attendre d’une observation patiente menée de l’extérieur. A quoi sert de se heurter à une “croûte” d’habitudes, aux propos invariables sur la pluie et le beau temps aux réflexes prévus? Par delà, s’étend un abîme d’autant moins franchissable pour l’observateur qu’il ne s’agit pas d’un abîme conscient: les gens ne nous livrent rien parce qu’ils ignorent tout d’eux-mêmes et s’ils ne nous répondent pas, c’est qu’ils ne s’interrogent jamais.
Il faut intervenir, il faut éveiller dans l’interlocuteur cette part de lui-même qu’il a en commun avec nous, mais qui est engourdie et comme morte. L’être avec lequel il nous est possible d’entrer en contact n’apparaîtra pas sans notre effort, le guetterions-nous pendant toute notre vie.
Comme Colomb avait foi dans les Indes, il faut croire à cette âme qui ne se manifeste jamais. Un vieux paysan avec lequel nous vivions depuis notre petite enfance et à qui nous n’avions jamais entendu dire une seule parole qui ne se rapportât pas aux choses les plus usuelles, prononça, durant sa dernière maladie des paroles très hautes et très saintes, comme si, à l’approche de la mort, à travers une chair à demi détruite, l’âme délivrée retrouvait enfin le secret de sa dignité, ou plutôt le pouvoir de l’exprimer, de la rendre manifeste. Et ce qu’il disait, c’est ce qu’ont dit les agonisants que nous avons aimés, c’est ce que dira Denis de Rougemont…
Si le langage nous sépare des hommes que nous voulons connaître, servons-nous le moins possible des mots abstraits. Qui dira le crime du langage philosophique, ce cocon que secrète un esprit, et où il se retranche? Si l’ordre que nous avons appris à mettre dans nos pensées désoriente nos frères, oublions tous les systèmes. Si la politique nous les rend haïssables ou nous rend haïssable, prenons une permission, oublions le parti où nous sommes inscrits. Il n’en est aucun, aujourd’hui, qui ne mérite notre abandon. De tout notre bagage intellectuel, ne retenons que cette forme de raisonnement, qui est le raisonnement par analogie. Puisqu’il y à en moi ce désir de Dieu, cet amour, la même source en eux existe aussi, mais recouverte, obstruée, au point qu’eux-mêmes ont oublié le chemin qui y conduit. Puisque tel ou tel obstacle s’oppose en moi à ce jaillissement, il doit en être ainsi pour eux- mêmes.
Sans doute est-il question dans ce Journal de pasteurs avec lesquels Denis de Rougemont entre en contact, et dont la vocation était justement de “découvrir” la source dans chacune de leurs brebis. Or ils semblent bien y avoir échoué… Que de lettres ai-je reçues de presbytères campagnards où j’entendais la même plainte, où m’était avouée la même apparente défaite! La grande épreuve des pasteurs de campagne de toutes confessions, c’est le sentiment que personne n’a plus besoin d’eux, c’est que leur ministère ne semble plus correspondre à une exigence essentielle de l’être humain, hors quelques rites dont la signification est oubliée.
Mais ce n’est pas là un état naturel: l’homme d’aujourd’hui est le produit d’une doctrine, d’une méthode officiellement pratiquée depuis près d’un siècle. Il n’a fallu que quelques années pour créer en Russie soviétique cette race asservie et domestiquée que Gide et Herbart nous décrivent, et qui a perdu ce que possédait le dernier des moujicks: la liberté des enfants de Dieu. Et c’est pourquoi nous devons creuser à une telle profondeur dans un électeur de 1937, traverser des couches épaisses pour retrouver cette figure familière, pour reconnaître, à travers la boue qui les souille, les traits fraternels, l’air de famille, et pour réentendre enfin le langage commun à tous les fidèles de cette Sainte Cène dont Denis de Rougemont nous parle, dans son beau et noble livre, avec un discret amour.
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1937-07-30
Title
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Journal d’un intellectuel en chômage
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La Pêche miraculeuse
VOILA sans doute la première “vie romancée” qu’ait écrite l’auteur de Franz Liszt. Ce n’est pas que dans La Pêche miraculeuse Guy de Pourtalès nous raconte sa propre histoire: il écrit après tant d’autres ses “Mémoires imaginaires”. Mais en nous faisant le portrait de l’homme qu’il aurait voulu être, ou qu’il croit avoir été, il se découvre, et nous voyons mieux l’homme qu’il est. C’est l’intérêt profond de ses œuvres où la fiction apparaît comme un arrangement du réel, une transposition, où le décalage permet de brouiller les pistes et les figures, sans rien changer d’essentiel à ce qui fut. Ce gros et beau livre de quatre cent trente-deux pages constitue le bilan d’une vie, et cela est inestimable.
Un gros livre… un peu trop gros. Peut-être le panorama excède-t-il la portée du regard de notre auteur: le meilleur écrivain étudie ses frontières avec un soin lucide; à la base de toute réussite, il y a, chez un artiste, la connaissance exacte de ce qui demeure hors de sa prise. A mesure que le récit de Pourtalès côtoie de moins près l’histoire sentimentale du héros pour rejoindre l’Histoire tout court, l’intérêt diminue. Ce que Tolstoï a réussi dans Guerre et Paix ce passage insensible de la fiction à la réalité, cette atmosphère commune aux créatures inventées et aux personnages historiques: Napoléon, Alexandre, Kutusof, Pourtalès ne fut-il pas trop ambitieux d’y prétendre? Je souhaite que, sur ce point, mon impression ne soit pas partagée par d’autres lecteurs, mais ses souvenirs de guerre m’ont paru surajoutés et comme épinglés sur le tissu vivant d’un récit par ailleurs admirable: le sang à travers eux ne circule pas.
Malgré soi, on passe vite pour rejoindre Paul de Villars, Louise, Antoinette, toutes ces créatures que nous n’oublierons plus dans cette Genève des vingt premières années du siècle où Paul de Villars a eu l’heureuse fortune de naître.
Fortune périlleuse, comme le sont toutes nos chances: pour qui veut peindre son époque cela semble d’abord une bénédiction que d’être né à un carrefour de l’Europe. Le danger est la dispersion; le risque est de perdre en profondeur ce que l’on gagne en surface. Le héros de La Pêche miraculeuse, inégalement attiré par l’Allemagne et par la France, par Calvin et par Rousseau, par la Grâce et par la Nature, par l’esprit de caste et par l’amour de l’art, si jamais il écrit un livre devra l’appeler, non plus La Pêche miraculeuse, mais La Rose des vents.
Issu d’une famille patricienne et huguenote, il a observé sur lui-même les signes de cette révolution qu’à toutes les époques et dans tous les pays les enfants croient découvrir lorsqu’ils se comparent à leurs parents. Cette fresque d’une société qui se décompose, si elle ne constitue pas le meilleur de La Pêche miraculeuse restera comme un témoignage essentiel que l’historien des mœurs européennes ne devra jamais plus oublier. Je reproche seulement au peintre de ne pas avoir suffisamment pris ses distances, de ne s’être pas assez détaché de sa peinture. J’ignore si, en réalité, dans ce duel genevois qui oppose l’aristocratique rue des Granges aux “rues basses” peuplées de la plus vile petite bourgeoisie, tous les excentriques charmants, tous les beaux cœurs désintéressés se trouvent du côté des patriciens et si, de l’autre côté pullulent les escrocs, les marchands de biens et les pilleurs d’épaves. En tout cas, il est un peu irritant de voir que M. de Pourtalès accorde à son noble héros, non seulement l’inspiration du musicien et du poète, mais encore le privilège de la pauvreté, de cette pauvreté dorée qui n’implique aucune privation réelle. On sent qu’il se glorifie de cette fausse indifférence à l’argent remarquable chez certaines belles âmes qui s’y intéressent d’autant moins qu’elles sont assurées que, quoi qu’elles fassent, elles n’en manqueront jamais. Ce qu’il y a surtout de miraculeux dans la pêche de M. de Pourtalès, c’est qu’ayant jeté la nasse dans son lac natal il n’en ait retiré que de gros poissons candides et innocents qui se laissent tous dévorer par un infâme fretin.
Dirai-je que, sur ce point, mon expérience est assez différente de la sienne? Une des raisons qui m’a toujours détourné d’écrire l’histoire du “Monde”, c’est qu’elle se ramènerait pour l’essentiel à ces drames de l’argent que Balzac a déjà traités; et peut-être est-ce encore trop dire: on a de pauvres histoires d’argent sans drame, et qui ne méritent que le silence.
Je note d’ailleurs que dans La Pêche miraculeuse les aigrefins des rues basses ne s’attaquent qu’à des patrimoines déjà fort endommagés, sinon détruits, par des spéculations imprudentes. Ce n’est point leur détachement qui ruine les patriciens, mais une avidité maladroite à faire sortir l’argent de l’argent.
Quel que soit l’intérêt profond de cette étude d’une société finissante, ce qui donne à ce beau roman sa durable valeur, c’est qu’il aurait droit, bien plus que le chef-d’œuvre de Flaubert, à ce titre magnifique: L’Éducation sentimentale. Ici il n’y a pas une réserve à formuler: les nuances, les singularités des deux amours de Paul de Villars pour Louise et pour Antoinette mériteraient d’être étudiées, une à une. Louise d’abord, petite bourgeoise passionnée: cœur brûlant dans un corps froid. C’est la merveille de cette peinture que Pourtalès ne verse jamais dans la physiologie et que pourtant, comme il arrive presque toujours avec les femmes, la clef de son personnage soit de l’ordre le plus charnel. Peut-être trouverait-on malaisément ailleurs, dans le canton de Genève, à explorer ces régions étranges et indéfinissables où le protestantisme tourne à la frigidité. Les romanciers de l’“amour”, ceux qui souhaiteraient de faire inscrire sur leur tombeau le vers que Porto-Riche a gravé sur le sien: “J’aurai peut-être un nom dans l’histoire du cœur…”, ignorent de parti pris cette double fatalité qui interdit à tant de corps humains d’avoir une histoire: la frigidité et l’impuissance. Terrible destin que celui d’un cœur qui poursuit sa route, enchaîné à ce serviteur inutile!
L’Armance de Stendhal s’enveloppe de trop de précautions. Pourtalès ne cherche pas si loin: il nous livre Louise telle qu’elle est, en une de ces histoires banales, mais qu’on ne raconte jamais. La scène du “fiasco” (le “fiasco” est du côté de la femme) dans un hôtel de Lausanne, où le décor est décrit en liaison avec cet inimaginable bonheur qui aurait pu être, ce ratage devant le lac, face à la Savoie obscure, au plus secret d’une nuit chaude et complice, cela touche à un point de notre drame, toujours esquivé. Si Pourtalès avait centré son roman autour de ce chapitre… mais l’essentiel est de l’avoir écrit. De la page 210 à la page 242, notre auteur s’égale aux plus grands: “… Et il éprouva soudain une sensation amère de désillusion, de mort, de chose finie…”
On aurait pu craindre que la femme qui consolera le peintre de Louise, cette Antoinette toute livrée à son instinct, apparût un peu conventionnelle et inventée pour la recherche du contraste. Il n’en est rien: Antoinette demeure aussi vivante que Louise –bien qu’elle incarne la rancune de Pourtalès contre Calvin et qu’il semble opposer aux religionnaires sans entrailles aux yeux desquels la chair est le péché, ce petit être brûlant qui ne connaît que sa chair et qui ne connaît pas le péché.
Car sur ce roman genevois l’ombre de Calvin, celles de François de Sales et de Jean-Jacques s’étendent, et des nuées théologiques enveloppent la barque des amants. Sur ce terrain-là aussi, M. de Pourtalès est écartelé: l’Esprit souffle où il veut et fait tourner à tout vent de doctrine ce fils des vieux huguenots que la révocation chassa de France et qui, sans doute, ne reconnaîtraient pas leur enfant dans ce paroissien mélomane du vicaire savoyard.
Autour de Paul de Villars, de Louise, d’Antoinette, tout un monde vit où les visages expressifs abondent, dont chacun mériterait une étude particulière. Je note que je les sens vrais, et j’ai pourtant l’impression d’en voir quelques-uns pour la première fois. Cela est étranger: le plus russe des personnages de Dostoiewsky… je le rejoins sans peine: les souvenirs d’enfant de ce petit boyard de Tolstoï, en Russie féodale, recoupent ceux du petit garçon bordelais que je fus… Les Genevois de Pourtalès, si proches de moi dans l’espace et dans le temps, ne me ressemblent pas, ou du moins je ne me reconnais jamais en eux: à cause du climat religieux, sans aucun doute; Calvin a créé une race… Mais ce serait un autre article: rien ne témoigne mieux de la richesse d’un livre que cette prolifération d’idées, d’impressions, de souvenirs que suscite en nous sa lecture. La Pêche miraculeuse est de ceux qui élargissent notre connaissance de l’homme. Je l’ai trouvé long quand je l’ai ouvert pour la première fois, mais il m’a suffi d’une semaine pour le “dévorer”. Et je continue de vivre avec lui.
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Musique
Monsieur André Cœuroy me fait, ici-même, une aimable querelle à propos des pages de mon Journal consacrées à la musique: il me reproche d’y chercher un refuge confortable, de borner mon univers à Mozart et de manquer à mon devoir essentiel qui serait de défendre la musique jeune, la musique vivante d’aujourd’hui.
Je lui répondrai d’abord qu’il se fait de l’écrivain une idée exagérée. Le don du style n’entraîne pas une compétence universelle. Le royaume de l’écrivain est bien de ce monde, mais les frontières en varient avec chaque romancier, avec chaque poète. J’ai élargi récemment les miennes du côté de la musique: ce qui importe, c’est qu’en dehors de tout parti pris, le plus directement et le plus naïvement possible, je raconte mes découvertes dans cette terre inconnue. Nullement technicien, dénué des connaissances les plus élémentaires, les propos que je tiens ne valent que par leur fraîcheur.
Ce n’est pas que je sois devenu musicien à cinquante ans: quand je me retourne vers mon enfance, je m’aperçois qu’elle fut, à son insu, baignée de musique –musique très médiocre au collège, meilleure à la maison où ma mère chantait, avec une belle voix de mezzo-soprano, du Schubert, du Schumann, un peu de Wagner, et ces mélodies de Gounod dont quelques-unes (Le Soir, Le Rossignol), ont gardé pour moi leur puissance d’incantation et, aujourd’hui encore, ressuscitent d’un coup le paradis détruit.
Ma mère disait: “C’est le seul de mes enfants qui ne soit pas musicien…” Je la croyais sur parole. Il était entendu que je n’avais pas d’oreille. La place immense qu’occupaient dans ma vie secrète les chants de la maison et du collège ne m’éclairait pas sur mon goût profond. Quand les docteurs en Sorbonne consacrent de longues pages hérissées de notes aux sources d’inspiration d’un écrivain, j’imagine qu’ils doivent presque toujours passer à côté de telles petites sources essentielles que le poète fut seul à connaître. A dix ans, c’est un air d’un opéra oublié de Gounod Cinq-Mars, que ma mère chantait et que mes frères et moi reprenions en chœur sur le perron, par les chaudes soirées d’août: “Nuit resplendissante et silencieuse… Dans tes profondeurs, nuit délicieuse”, c’est cet air-là, qui, plus que tous les livres, fit de moi un de ces enfants pour lesquels la nuit est vivante et respire.
Si, bien au-delà de l’enfance, j’ai cru que je n’aimais pas la musique, c’est que je n’allais pas volontiers au concert et que j’y avais honte de mon ennui, bien qu’il fût coupé de brèves joies. Ici apparaît dans ma vie le rôle de la musique enregistrée. Les mêmes raisons qui la font maudire par notre cher Georges Duhamel (connaissant toute la musique, il n’a pas besoin de ces “conserves” d’harmonie) me la font bénir, moi qui, grâce à cette merveille, avance chaque jour un peu plus dans un paradis inexploré.
Il m’est apparu, grâce au pick-up que la gêne, le malaise (que je prenais pour de l’ennui) et qui, dans une salle de concert naissait de mille petites causes: l’impossibilité d’étendre mes jambes, l’odeur de la foule, la tête des gens, le bruit des sacs refermés et des face-à-mains, les retardataires… que tout cela disparaissait d’un coup dans la pièce familière où j’étais seul avec la musique choisie par moi, selon mon cœur de ce soir-là. Car il y avait cela aussi qui me rendait les concerts odieux: jamais le programme ne m’offrait ce que j’aurais voulu entendre. J’ai moins peur des araignées vivantes que de celle dont, chaque dimanche, à Lamoureux ou à Colonne, on nous décrit le festin. Il me serait aussi doux de manger du savon que d’écouter les Préludes de Liszt et L’Apprenti Sorcier est mon ennemi personnel.
Je parle du pick-up. Que ne dois-je pas à la T.S.F.! On a tout dit de l’infamie de nos programmes. Mais la T.S.F. est un monstre qu’il faut connaître: maintenant je l’ai apprivoisé. Je passe à travers tous les chansonniers, à travers toutes les romances, tous les tangos, toutes les conférences, sans une éclaboussure. Je fonce les yeux fermés, les oreilles bouchées, au plus épais de l’énorme vulgarité européenne vomie ici par mille bouches, et aborde telle station d’Allemagne, d’Angleterre, d’Autriche “comme la guêpe vole au lis épanoui”.
Le règne de la T.S.F. commence la nuit… surtout si vous êtes seul dans le vieux salon d’une campagne perdue, entouré d’un silence de fin de monde. Toutes les forces mauvaises de la terre et de l’air sont enchaînées. Je suis à Malagar, et j’entends respirer ce musicien à Stuttgart, je l’entends froisser une page de la partition… et tout à coup, pour moi seul, un Trio de Mozart, un Quatuor de Beethoven s’épanouit au cœur de la nuit.
Je suis dans la maison de mon enfance, la glace ternie reflète mon visage de quand je suis seul. Je me souviens de cette moquerie de Cocteau sur “la musique qui s’écoute la tête dans les mains”. Je puis mettre la tête dans mes mains, je puis pleurer ou m’étendre les yeux fermés, faire le mort, me laisser porter par la vague sonore; et, quand elle se retire, dans un intervalle entre deux mouvements, le silence même paraît vivant, la nuit elle-même retient son souffle.
Il me suffit de ces quelques heures inoubliables (elles sont très rares à Paris) pour pardonner à la T.S.F. sa bassesse quotidienne. A cause d’elles, la vieillesse me fait moins peur; la solitude future me paraît moins redoutable. La mort même s’approche comme une bête familière et vient manger dans ma main.
Et sans doute, M. Cœuroy a raison: c’est toujours Bach, toujours Mozart, toujours Beethoven, Schubert ou Schumann à qui nous avons recours… Oserai-je me confesser? Mais j’en ai l’habitude… Eh bien! oui: j’admire la musique française moderne mais, Pelléas mis à part (et, naturellement, les œuvres de mes amis Poulenc, Auric, Sauguet et un petit nombre d’autres comme le Quatuor de Debussy, celui de Ravel) si je l’admire, je ne l’aime pas. Quelquefois, consultant le programme de la radio, cette simple annonce: musique de chambre me fait battre le cœur; je me précipite et j’entends: Pierné! Telle est alors ma déception qu’il m’arrive d’envier à l’Angleterre son immense bonheur de n’avoir pas de musique nationale à défendre. Sentiment affreux qui me fait horreur de moi-même et qui, d’ailleurs, ne dure pas.
A Salzbourg, où M. Cœuroy me reproche de trop me plaire (et où je ne suis allé qu’une fois) il y eut, pendant mon séjour, un concert de musique française. J’y fus, le cœur saturé de Mozart. Quel extraordinaire contraste! Je sais bien que Mozart, qui, a beaucoup reçu de la France a aujourd’hui une influence profonde sur notre école moderne. Pourtant, ce que j’éprouvais dans mon cœur plein de Mozart, tout en admirant les œuvres de mes compatriotes, Georges Poupet, avec qui j’étais, l’exprima d’un mot: “C’est une musique méchante.”
Non, sans doute, une musique sans cœur… disons: qui a peur de son cœur. A Salzbourg, elle frappait par sa sécheresse. Aucun abandon, une surveillance sans défaut, une recherche de l’effet, la crainte d’avoir l’air d’être dupe, et ce sourire pincé, exaspérant. Je déteste l’ironie en musique, et même le comique, sauf au théâtre.
Mozart, au service des princes et des grands seigneurs et qui a souffert toute sa vie dans une atmosphère de salons, d’antichambres, compose des divertissements, des danses, la musique de chambre la plus brillante à l’usage de tout ce beau monde, et pourtant, pour ceux qui sont dignes de l’aimer, il n’est rien de moins “mondain” que son inspiration ni qui touche plus directement les régions préservées de notre cœur, ce qu’il y a de primitif en nous, ce qu’il y subsiste d’enfance. Au contraire, nos contemporains, fils de la démocratie la plus débraillée, montrent dans leur musique tous les défauts des “salons”: cette dureté, cette prudence, ce goût du décor, du masque, du déguisement, cette méfiance de l’âme, cette honte du cœur. Mais il resterait à expliquer pourquoi je demeure totalement insensible à notre Fauré qui, pourtant, n’est que tendresse.
Je n’en donne pas moins raison à M. Cœuroy lorsqu’il écrit que la musique d’aujourd’hui “est entraînée par un haut courant de spiritualité”. Elle y est entraînée dans la mesure où elle continue celle des maîtres que nous aimons trop exclusivement, je l’accorde aussi à M. Cœuroy. Un Henri Barraud, un Jean Françaix, pour nommer les plus jeunes et les mieux doués, ne nous donnent tant d’espérances que parce que d’abord ils sont des continuateurs, des héritiers: le pur fleuve dont la source m’enchante et m’immobilise, continue de s’écouler à travers eux. Un jour, peut-être, je saurai parler de leur œuvre. Mais il ne faut pas trop presser un homme qui, jusqu’à cinquante ans, a cru qu’il n’aimait pas la musique et qui, après tout, ne l’aime peut-être pas, puisqu’il existe tant de compositeurs dont le nom seul, sur un programme, le détourne d’aller au concert.
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Il faut être indulgent pour un écrivain qui parle trop de ses propres livres: nous avons l’excuse d’être sans cesse interrogés à ce propos: ce sont les enquêteurs qui ne se lassent pas de nous ramener à notre propre histoire. Hier encore l’un d’eux nous demandait pour la millième fois: “Quel est votre livre préféré?” Comme je fais toujours, j’ai répondu que chacun de mes livres renferme un certain nombre de pages, une cinquantaine au plus, qui approchent de ce que je souhaitais d’atteindre lorsque je l’écrivais, mais que le reste me déçoit et qu’il n’est en somme aucun de mes ouvrages que j’aurais l’idée de relire tout entier pour mon plaisir.
Pourtant, si je ne préfère aucun de mes livres, il en est quelques-uns où j’ai le sentiment d’avoir, mieux que je ne l’ai fait ailleurs, touché un point sensible de l’être humain. Ce n’est pas une question de talent. Il ne me semble pas, par exemple, que Genitrix soit un récit supérieur à tout ce que j’ai écrit. Mais de tous mes livres, c’est, avec Thérèse Desqueyroux, celui qui a le plus de portée, le plus de signification. Le hasard préside presque toujours au choix d’un tel sujet: le livre naît d’une rencontre, de la découverte d’une personne, que souvent nous n’avons jamais vue, dont nous avons seulement entendu parler.
Cette connaissance par ouï-dire est quelquefois la plus féconde, parce qu’aucun souvenir concret ne s’oppose au travail créateur, aucune image réelle ne recouvre ou ne trouble celle qui se forme en nous peu à peu. Ainsi est né Genitrix, qui n’est pas mon roman préféré mais où j’ai, sans l’avoir voulu, atteint une déformation, une tare à la fois très commune et très peu connue, parce que celles qui en sont atteintes n’en ont pas conscience: quelle mère pourrait avoir le sentiment de trop aimer son fils? Il leur semble que dans cet ordre tout excès soit permis, lorsque la sensualité n’est pas en jeu. (Elle est toujours en jeu, mais à leur insu). Mon livre a révélé beaucoup de Genitrix à elles-mêmes et l’immense troupeau des belles-filles martyres s’est reconnu dans Mathilde Cazenave.
L’étouffement d’un homme par l’adoration tyrannique de sa mère, la haine mortelle que voue celle-ci à la femme qui épouse son fils, s’il est vrai que de toute cette horreur je ne fus pas le témoin, je dois dire que bien des années après la mort d’une mère de cette espèce, le hasard me mit en présence de ses victimes. Il n’est pas nécessaire d’avoir assisté à un incendie pour le décrire: il suffit de rêver à loisir sur les ruines et sur les décombres.
En écrivant Genitrix, j’étais bien loin de me douter que mon héroïne aurait souvent l’occasion d’être évoquée en cour d’assises pour illustrer des drames trop réels et plus noirs que mes plus noires imaginations. Je n’avais pas voulu que ma Genitrix allât jusqu’au crime, ou du moins jusqu’au crime formel. C’était déjà trop, me semblait-il, qu’elle laissât mourir sa belle-fille sans secours. Mais la nature n’a pas de ces prudences et ne se lasse pas de créer des femmes que l’amour maternel déréglé entraîne au meurtre.
Il est remarquable d’ailleurs que celui de mes livres qui, avec Genitrix, me paraît avoir, plus que les autres, une portée générale et toucher un plus grand nombre d’êtres, soit encore l’histoire d’un crime: celui de l’empoisonneuse Thérèse Desqueyroux. Là encore, victimes et bourreaux se sont à l’envi découverts, et mon héroïne, témoin invisible, a bien des fois dû comparaître en cour d’assises à la réquisition de la défense ou de la partie civile. Ce que j’avais cru exceptionnel se trouvait être une misère communément répandue.
Non que le meurtre soit partout: ce qui est très fréquent, c’est moins l’assassinat que le sentiment qui est à sa source, et c’est pourquoi Genitrix et Thérèse Desqueyroux décrivent un acte conçu en secret, plus ou moins obscurément désiré, provoqué, non tout à fait commis pourtant.
Toutes les Genitrix ne laissent pas mourir leurs belles-filles sans les secourir, toutes les Thérèse Desqueyroux ne versent pas de l’arsenic dans le verre de leur mari (bien qu’un médecin à qui je demandais un jour s’il avait eu dans sa clientèle des cas analogues à celui de Thérèse Desqueyroux, m’ait donné cette réponse qui me fit froid dans le dos: “Je suis sûr de quatre.”) Les mères sont légion qui ne se résignent pas à voir un homme dans l’enfant qu’elles ont couvé et qui n’acceptent pas d’abdiquer devant l’étrangère que leur fils a choisie; et non moins nombreuses les femmes pour qui le mariage est la plus atroce des prisons, mais la plupart ne se délivrent pas par le meurtre; l’homicide demeure à l’état larvé dans leur conscience. Il crée l’atmosphère de certaines familles, cet air orageux, étouffant, qu’on y respire: le crime rôde et n’éclate pas.
Ceux de nos livres qui ont touché plus que d’autres un point sensible de l’être humain sont-ils nos livres préférés? Je ne le crois pas: justement parce qu’ils sont les plus objectifs, les plus détachés de nous, ceux qui nous concernent le moins. Je n’ai presque rien mis de moi-même dans Genitrix. Je ne m’y reconnais pas lorsque je le relis. Ce que j’y retrouve, c’est une des maisons de mon enfance, un jardin, l’odeur des fumées de la station proche, mêlée à celle des seringuas, une odeur de gare et de printemps, et ce tremblement des chambres, la nuit, au passage des rapides, ce tintement des verres d’eau sur les guéridons... J’ai déchaîné dans une campagne familière, dans une vieille maison paisible, un drame qui ne me concerne pas.
En revanche, il faut pour se plaire à la lecture de certains autres romans, du Mystère Frontenac, par exemple, appartenir à ma famille spirituelle. Il existe beaucoup plus de gens pour comprendre Genitrix que pour entrer dans Le Mystère Frontenac; mais ceux qui aiment ce dernier livre sont mes frères.
Un auteur est mauvais juge de son propre cas. Je crois néanmoins qu’entre les romanciers objectifs complètement séparés de l’univers qu’ils décrivent et ceux qui ne savent que raconter leur propre histoire, j’appartiens à une espèce assez particulière et qui procède à la fois des deux familles d’esprit. Genitrix est sans doute la seule de mes héroïnes en qui je ne retrouve aucun de mes traits, et qui me soit tout à fait étrangère. Mes autres personnages, et même Thérèse Desqueyroux, et même le héros du Nœud de vipères, procèdent par quelque côté de celui qui les imagina. Personnages très caractérisés, ils baignent en quelque sorte dans leur milieu natal, ils sont tout pénétrés encore des inquiétudes, des angoisses, des phobies de leur créateur, dont on ne saurait dire pourtant qu’ils ne sont pas détachés. Avec l’unique Genitrix, j’ai le sentiment d’avoir lâché dans le monde une créature vivant d’une vie indépendante; et alors qu’il me semble que tous mes autres héros mourront avec moi et que ma poussière sera faite de leur poussière, j’ai l’illusion que Genitrix veillera, grotesque et sombre, accroupie sur ma pierre funéraire et pendant quelques années gardera peut-être mon nom de l’oubli.
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Le Livre préféré
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Guerre d'Espagne (1936-1939)
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BEAUCOUP d’écrivains nous racontent leurs voyages et pourtant il n’existe pas d’oiseau plus rare qu’un auteur qui sache regarder, si ce n’est un auteur capable de nous faire voir ce qu’il a vu. Les Tharaud possèdent à un haut degré ces deux qualités. J’ai visité le Portugal en même temps que l’un d’eux: de toute la caravane il était évidemment celui à qui rien n’échappait, celui aussi à qui nos hôtes ouvraient le plus volontiers leur cœur: là où était Tharaud, là étaient aussi les jeunes filles portugaises. En coupant les pages de Cruelle Espagne, je savais donc que j’allais prendre une vue directe du champ de bataille espagnol, et je n’ai pas été déçu.
J’étais en outre assuré que les choses nous seraient montrées sans recherche d’éloquence. Nous connaissons les Tharaud: celui qui fut en Espagne dut être à chaque instant bouleversé jusqu’à l’horreur; mais il n’a jamais porté son cœur en écharpe à la manière de Chateaubriand, son voisin de Bretagne: la sensiblerie n’est pas son fort.
Réjouissons-nous de ce qu’il existe au moins un livre sur cette guerre où l’auteur n’ait aucun désir d’exciter notre indignation au bénéfice de l’un ou de l’autre camp. A vrai dire, Tharaud, en nous racontant simplement ce qu’il a vu du côté nationaliste auquel vont ses préférences, ne se fait pas scrupule de donner souvent des armes à l’adversaire: il n’a que le souci d’être véridique.
Le goût du risque est indispensable à un bon correspondant de guerre, et surtout de guerre civile. Tharaud l’Espagnol a dû commettre plus d’imprudences qu’il ne nous en raconte dans son livre. Il ne rapporte que l’indispensable pour qu’on ne puisse lui dénier sa qualité de témoin. A la fois téméraire et circonspect, il a erré dans ces régions indéterminées où il suffit de parcourir quelques mètres sur une route pour se trouver tout à coup nez à nez avec un détachement rouge: sur ce sujet, les Tharaud ont de lugubres histoires.
* * *
Mais le sommet de ce beau livre, c est le dernier chapitre qui nous montre Miguel de Unamuno quinze jours avant sa mort commentant pour ses amis français son testament spirituel. Unamuno est mort désespéré parce qu’il a désespéré de son peuple. Aux yeux du recteur de Salamanque, la misère physiologique de la race espagnole explique tout le drame: malade dans sa chair elle cède, selon lui, à des passions furieuses héritées des Tziganes et des Maures. Don Miguel ne se faisait-il pas des siens une image trop romantique? Il n’est pas nécessaire d’invoquer de telles hérédités pour expliquer une fureur dont les excès souillent l’histoire de tous les autres peuples et d’abord la nôtre. Sans remonter jusqu’à la Terreur, nous sommes les fils de gens qui se souviennent d’avoir vu brûler Paris. L’histoire de la Commune n’est pas si éloignée de nous que nous puissions douter de ce que serait une reprise du drame révisé et mis au point par des gens qui ont acquis, en soixante-dix ans, une certaine expérience et ont perfectionné leur méthode. Certes la passion de la mort et du désespoir, la terreur et l’obsession du néant cela appartient en propre à l’Espagne comme en témoignent ses peintres et ses mystiques. N’oublions pas pourtant que la férocité espagnole est, dans son fonds, la férocité humaine qui est la chose du monde la mieux partagée –avec en plus ce caractère particulier qui lui vient de son catholicisme.
Pourquoi, demandait un soir André Malraux, est-ce justement la catholique Espagne, la sainte Russie qui donnent au monde l’exemple de réactions si terribles? Un des Karamazof de Dostoïevski nous en fournit la raison, lorsqu’il crie à celui qui lui assure et qui le persuade que Dieu n’existe pas: “Mais alors, tout est permis?” Ce tout est permis nous éclaire l’abîme qui s’ouvre dans le cœur d’un peuple croyant lorsqu’on lui enlève son Dieu. Il se jette avec frénésie sur ce dont il se privait par terreur. Des passions que la crainte seule refoulait et non l’amour, se ruent à l’assouvissement.
Si jamais le clergé retrouvait quelque pouvoir sur ces sombres ouailles, sans doute devrait-il s’attacher à l’instauration d’un christianisme plus intérieur, pour ce qui touche à la vie spirituelle des individus, et en outre nettement social et accordé à cette soif de justice qui une fois éveillée, ne cède ni à l’indifférence ni au mépris. Hâtons-nous d’ajouter que quelle que soit la responsabilité de ce clergé, nul n’a le droit de jeter la pierre à des gens qui ont eu environ seize mille des leurs massacrés: ils ont payé, et Dieu veuille que nos propres fautes ne nous coûtent pas aussi cher…
* * *
Il n’empêche que nous trouvons ici une explication du drame de ce peuple: son caractère même nous éclaire sa destinée: ceux qui furent appelés par vocation à prendre la charge de ce furieux devaient presque fatalement céder à la tentation de lui imposer du dehors la discipline religieuse. La loi d’amour devint en Espagne une camisole de force. Sa nature irréductible lui a suscité des gardiens et non des pasteurs selon le cœur de Dieu. Sous différentes formes, elle a toujours secrété l’Inquisition: défense d’un organisme malade, fièvre que le cœur finit par ne plus pouvoir supporter.
Et pourtant ne désespérons pas de ce désespéré. Rien n’est perdu encore. Même pour les peuples, la fatalité n’est que relative: l’homme est libre encore de sauver l’Espagne; il dépend du libre arbitre humain que cette tragédie en définitive soit moins atroce qu’il ne nous a paru d’abord.
Selon ce que les vainqueurs auront fait de leur victoire, selon qu’ils en useront avec sagesse ou qu’ils en mesureront bassement cette guerre civile revêtira dans l’histoire des aspects bien différents: peut-être apparaîtra-t-elle comme le dernier sursaut d’une nation dont le cardinal Alberoni repoussait déjà du pied le cadavre, à moins que la postérité n’y découvre au contraire l’aube d’une renaissance, et ne juge que tant de sang n’a pas été versé en vain.
* * *
Ainsi le destin de l’Espagne ne nous montre pas encore son véritable visage. Il appartiendra au chef victorieux d’en fixer les traits, de lui imposer un caractère définitif. Le tout est de savoir si ce maître encore inconnu cèdera au démon de la facilité, en cherchant à écraser le vaincu et à l’anéantir, ou si, au contraire, il chargera ce peuple tout entier sur ses épaules, et consentira à ne plus voir que ses blessures pour les panser avec amour.
Au sortir de son enfer, l’Espagne risque d’en connaître un pire, si le vainqueur cherche d’un seul côté les responsables. C’est une vérité que seul un peuple catholique nous paraît capable de comprendre: il ne ressuscitera que dans la mesure où toutes les classes, tous les partis prendront conscience de la part qu’ils ont prise à un immense crime collectif. Ce n’est pas seulement au clergé qu’il faut demander des comptes, mais à tous ceux qui de la droite à l’extrême-gauche, ayant eu à tour de rôle pouvoir sur l’esprit et sur le cœur de ce peuple, ont péché mortellement contre lui par action et par omission.
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Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1937-02-26
Title
A name given to the resource
Cruelle Espagne
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Gringoire
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
MEL_0081
Relation
A related resource
<a href="http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32784069f" target="_blank">Notice bibliographique BnF</a>
Source
A related resource from which the described resource is derived
10e année, n°433, p.4
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
François MAURIAC
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
Pdf
Language
A language of the resource
Français
Subject
The topic of the resource
guerre d'Espagne, Jérôme et Jean Tharaud, cruauté ; catholicisme, Miguel de Unamuno, Dostoïevski, Malraux
Description
An account of the resource
Réagissant à l’ouvrage de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/J%C3%A9r%C3%B4me_Tharaud" target="_blank">Jérôme et Jean Tharaud </a> <em>Cruelle Espagne</em> et en particulier au dernier chapitre qui présente <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Miguel_de_Unamuno" target="_blank">Miguel de Unamuno</a> expliquant le drame de l’Espagne par la cruauté du caractère espagnol, François Mauriac donne une analyse plus conforme à son besoin d’unité, militant pour un catholicisme intérieur rejetant la contrainte, qui permettrait au vainqueur de la guerre une réconciliation dans le sein de l’Église.
Type
The nature or genre of the resource
Chronique
Fiodor Dostoïevski
guerre d'Espagne
Jérôme et Jean Tharaud
Malraux
Miguel de Unamuno