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Le secret que Robert Vallery-Radot nous révèle, dans un livre passionnant dont le succès nous remplit de joie, il le détenait déjà en 1910, quand je montais ses cinq étages. A vingt ans, Robert Vallery-Radot savait comment va le monde et le savait une fois pour toutes: c’est le “Discours sur l’histoire universelle” retourné. Le diable écrit l’Histoire en trois points, il est le metteur en scène du drame humain.
Du temps de notre jeunesse, j’en croyais Robert Vallery-Radot sur parole; mais, depuis, notre génération a vu se dérouler l’Histoire, tantôt au ralenti (les quatre ans de guerre), tantôt sur un rythme accéléré (l’écroulement des trônes, le relèvement de l’Allemagne). Nous voyons maintenant que la “grille” que Robert Vallery-Radot nous propose depuis des années nous permet de déchiffrer à livre ouvert le destin de la France et du monde.
*
Comme toutes les œuvres véridiques, “Dictature de la Maçonnerie” (1) est un livre profond qui, très vite, nous oblige à affronter le mystère du mal. Le complot maçonnique dont notre auteur suit pas à pas l’affreux accomplissement ne réussit que dans la mesure où les enfants de lumière y prêtent la main.
Dans les plus grands événements, comme la chute de la monarchie espagnole, et dans les moindres comme la constitution d’un ministère de trêve, les meilleurs atouts de la Maçonnerie restent à droite. C’est sa faiblesse que d’être envahie par les coquins, et c’est sa force que d’avoir en face de soi des gens honnêtes mais habiles: les catholiques, quels bons paravents quand ils entrent dans un ministère ou qu’ils bénissent une révolution! La Maçonnerie ne redoute que la maladresse des saints; mais les malins ne font pas peur au Malin.
Ne jetons la pierre à personne; nous sommes tous complices. La victoire politique et sociale du prince de ce monde est faite des millions de victoires cachées qu’il remporte au fond des cœurs. L’armée des enfants de lumière ne rayonne pas parce que beaucoup, parmi eux, sont pleins de ténèbres. Le prince de ce monde serait vaincu s’il ne régnait d’abord dans le secret de nos vies.
*
Voilà ce qui donne à Robert Vallery-Radot, parmi les écrivains de droite, une physionomie particulière. A propos de lui, on peut répéter le mot fameux de Bourget: “Il faut vivre comme on pense si l’on ne veut finir par penser comme on a vécu.” La vie de Robert Vallery-Radot a toujours reflété sa pensée. Son regard n’était pas plus limpide il y a vingt ans, son rire ne sonnait pas plus clair. De même qu’engagé volontaire il s’offrait lui-même dans les tranchées, à Vauquois, il n’a jamais rien refusé à Dieu; il ne lui a jamais dit non; il n’a jamais trouvé que ce fût trop… Le voici aujourd’hui du très petit nombre qui font mentir la terrifiante ellipse d’Henri de Régnier: “Vivre avilit”. La Maçonnerie a trouvé en lui le plus redoutable de ses adversaires, parce qu’il est sans doute le plus pur.
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1934-11-27
Title
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Dictature de la Maçonnerie
de Robert Vallery-Radot
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Le Jour
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MEL_0404
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2e année, n°330, p.2
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François MAURIAC
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<a href="http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32796617j.public" target="_blank">Notice bibliographique BnF</a>
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Bordeaux nous a vus naître la même année, Jean Balde et moi; le même fleuve traversa notre enfance; les mêmes squares nous ont vus passer, tenant la main de nos mères, et, dans [des] maisons de campagnes pareilles, nous avons entendu des conversations interminables sur cette vigne qui a empoissonné l’existence de nos deux familles.
Je me souviens… Cette jeune fille, d’une force et d’une volonté peu communes, étreignait le réel avec un courage stoïque et chrétien tout ensemble, –bien qu’elle fût merveilleusement douée pour s’en évader. Toujours elle m’est apparue plus forte que les événements: de cette force des vrais poètes qui ne sont vaincus que par Dieu.
Poète d’abord avant d’être romancière, et romancière dans la mesure où elle est poète; ses plus beaux récits jusqu’à ce jour (selon mon goût): “La Vigne et la maison”, “Le Goéland”, “La Touffe de Gui”, marquent bien les étapes de son épanouissement: elle est passée de la connaissance de sa terre natale à l’intelligence de plus en plus approfondie des êtres que cette terre nourrit. Dans son dernier roman, “La Maison Marbuzet” (1) , les humains, bien que tenant par de fortes racines au Bordelais, se détachent du sol et prennent une signification universelle. Où Jean Balde a-t-elle rencontré la dure Berthe Marbuzet? Et cette Line redoutable? Au vrai, quand on a connu la jeune fille poète depuis son adolescence, il n’est pas difficile d’imaginer ce qu’elle a pu souffrir d’une certaine humanité d’après la guerre… Mais justement! ce qui la heurte, ce qui la “frappe” au sens littéral, trouve en elle un peintre puissant. La première partie de “La Maison Marbuzet” est, de ce point de vue, d’une âpreté magnifique.
Et sans doute telles de ses premières héroïnes où nous la reconnaissions, où elle avait mis beaucoup de son cœur, nous touchaient davantage: comment ne pas préférer, à la cruelle antiquaire de son dernier roman, les créatures pleines de pureté et de force, du type de Reine d’Arbieux, avec leur noblesse, mais aussi leur exigence… avec cette tendresse, mais aussi cette volonté?... Pourtant, peut-être convient-t-il d’admirer surtout Jean Balde dans ces créations où plus rien d’elle-même apparaît.
Car nul n’a su fixer comme cette vigneronne de la Tresne les types de la bourgeoisie bordelaise et girondine, mais en demeurant toujours en deçà de la férocité. Elle aime tant sa Gironde et ses Girondins! C’est grâce à sa poésie surtout qu’elle leur a témoigné cet amour: après ceux d’André Lafon, nul doute qu’elle ait écrit dans un recueil trop peu connu: “Mausolées”, les plus beaux vers inspirés par notre fleuve et par les tombes qui le regardent couler vers l’Océan.
Chère Jean Balde, un de ceux qui survit à tant de frères endormis et à qui sont échus les lauriers officiels qu’auraient dû cueillir les compagnons aimés de notre jeunesse vous envoie, à ce bel endroit de votre noble et pure carrière, ce signe d’admiration, de confiance et d’amitié.
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A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1934-10-24
Title
A name given to the resource
La Maison Marbuzet
Roman de Jean Balde
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Le Jour
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MEL_0403
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2e année, n°296, p.2
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François MAURIAC
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<a href="http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32796617j.public" target="_blank">Notice bibliographique BnF</a>
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Français
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Comme tous les beaux romans, “Ambassadeur de France” (1) ne livre pas vite son secret. Est-ce l'intelligence et les manières parfaites des protagonistes? Ou cet art de M. Bernard Barbey pour évoquer les atmosphères de Paris que nous aimons le mieux? Rien ne nous avertit d'abord que nous sommes embarqués dans une histoire funèbre.
C'est ici le conflit de la passion et de la gentillesse; un écrivain, Frédéric Alliscamps, glisse au désespoir, et sa femme Irène, après une année de séparation, quitte son amant pour venir au secours du mari en détresse. Irène, que tout le monde adore, est vraiment atroce de dévouement et de bonne grâce. Si elle n'avait répondu à l'appel de Fréderic, peut-être ne se serait-il pas tué. Mais cette femme dévouée et “toute à tous” qui a longtemps répandu, avec une charité égale, la pluie de sa gentillesse sur son amant, sur l'ami de son amant, sur la fille de cet ami, en concentre soudain le jet sur son époux qui n'a plus qu'a mourir.
*
La profonde beauté de ce livre tient dans cette peinture d’un grand esprit qui, sans heurt, presque sans incidents, va à la mort sous les yeux de sa vieille mère, d’un pasteur calviniste et d’une femme aimable. Seul l’amour l’eût sauvé, –l’amour de Dieu ou celui d’une créature. Mais entre le culte du pasteur Muller et les mortelles attentions d’Irène, Frédéric Alliscamps crie dans le noir. Et comme il est un auteur célèbre, sa notoriété lui rend, par contraste, la solitude plus amère. La protection de sa femme l’entoure au point qu’elle le relance jusque dans cet établissement des “Bains du Progrès”, où le vieux cerf aux abois se réfugie. Il n’échappera que dans la mort à cette pitié tenace.
Ce n’est point dans la manière de M. Bernard Barbey que de prendre parti pour ou contre ses personnages. Il semble pourtant témoigner quelque indulgence à son héroïne qui tue les hommes par la douceur. Veuve, peut-être reviendra-t-elle à son amant, à qui elle a déjà fait subir une savante préparation et qui, sans doute, finira, lui aussi, dans une baignoire, à moins qu’il ne se jette sous un autobus.
Nous ne ferons pas grief à M. Bernard Barbey de mettre en scène des hommes de lettres: l’essentiel est que, dans ce livre d’une éclatante maîtrise, les promesses de ses débuts trouvent leur accomplissement.
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1934-05-09
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Ambassadeur de France
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Le Jour
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MEL_0402
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<a href="http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32796617j.public" target="_blank">Notice bibliographique BnF</a>
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2e année, n°128, p.2
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François MAURIAC
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Il est des peuples, dont nous sommes, pour qui l’ivresse collective d’un grand destin n’est pas nécessaire
Sur l’écran, autour d’Hitler ou de Mussolini, les garçons hurlent et agitent des drapeaux; mais le film s’interrompt toujours à la minute où je commence de m’y intéresser: lorsque les bras tendus retombent, lorsque les bouches se ferment, et que le personnage unique qui occupait l’écran: la foule, se rompt, devient une poussière d’individus. A peine ai-je le temps d’apercevoir une jeune figure détendue et triste; déjà une autre image mouvante se substitue à celle-là.
L’agitateur arrache, un instant, les jeunes hommes à leur chétive histoire; il leur donne l’illusion de participer à un grand destin; mais le chef mesure son pouvoir réel à la persistance de cette illusion dans les cœurs, lorsqu’ils ne sont plus réunis en masse autour de lui, et qu’ils retrouvent le métier, la table de famille, la chambre solitaire.
Rien de plus commun que de dominer par l’éloquence; la merveille est que cette domination survive aux discours, aux défilés par quatre. Au vrai, un dictateur, même tout-puissant, cherche des prétextes pour renouveler, le plus souvent possible, la dose d’enthousiasme; car beaucoup de peuples, aujourd’hui, sont drogués et presque chaque jour ont besoin de leur piqûre.
Le nazi ne m’intéresse guère lorsqu’il hurle au milieu des autres loups. Je voudrais le confronter, dans la solitude, avec son pauvre destin individuel. Mais justement, la dictature redoute la solitude des jeunes gens. Au collège, j’étais toujours puni parce que je ne me mêlais pas au jeu commun. Comme mes maîtres religieux le savaient, les dictateurs savent que les enfants qui se tiennent à l’écart ont “mauvais esprit”. C’est pourquoi, sans ces formations de jeunesse en Allemagne, dont nous avons trop raison de nous inquiéter, aucune dictature ne pourrait vivre.
Ces milliers de garçons, le Führer ne veut pas qu’ils demeurent seuls en face d’eux-mêmes. Ce n’est pas tant leur souffrance qu’il s’agit de faire oublier; la souffrance est un bon fouet pour tenir éveillées les passions dont le dictateur est habile à se servir: haine, colère, envie, goût du risque. Et puis toujours la jeunesse eut le secret de transmuer la souffrance en volupté.
La Jeunesse française n’a pas besoin d’un dictateur
Mais cela seulement lui est insupportable: la médiocrité de ses journées, une vie grise et sans horizon. “Ma passion me dévorait, écrit Stendhal adolescent. Je périssais de rage de ne rien faire, à l’heure même, pour mon avancement…” Le mal de la jeunesse européenne, aujourd’hui, c’est que, toutes les routes lui restant barrées, elle ne peut plus avancer: elle périrait de rage, si un chef ne se trouvait là pour lui donner l’illusion qu’elle marche en rang serré vers un but inconnu.
Rage de ne pouvoir rien faire, à l’heure même, pour son avancement, et surtout qu’il n’y ait pas d’avancement possible: là est la source du désespoir. Il s’agit, pour un dictateur, d’utiliser cette dangereuse rage, qui peut aussi se retourner contre lui. Il s’agit, à la fois, d’en défendre les jeunes gens, de l’entretenir, de s’en servir… Jusqu’à quand Hitler saura-t-il persuader ces enfants affamés, et dont la vie individuelle n’a pas d’issues, qu’il suffit d’être un jeune Allemand de 1933 pour être assuré d’un grand destin?
• • •
Mais peut-être y en a-t-il, parmi eux, qui n’ont pas besoin du coude à coude, ni de la marche par quatre, pour pratiquer la difficile vertu d’espérance? Ceux-là, aussi stagnante que soit leur destinée, connaissent un avancement qu’il leur appartient de ne pas interrompre une seule minute; ils savent que le perfectionnement intérieur est toujours possible. Le drame essentiel de leur vie, victoires ou défaites, se jouent au dedans d’eux-mêmes. Ils n’ont pas besoin d’aucune ivresse collective pour ne pas perdre courage; et les dictateurs n’ont rien à attendre de cette espèce-là; c’est pourquoi ils l’ont en exécration.
Sur quel ton de dédain, un ministre fasciste répondait au journaliste français qui l’interrogeait: “Non, il n’y a plus un seul patronage catholique en Italie… Pourquoi y en aurait-il, d’railleurs?... Au reste, nous avons donné des aumôniers aux balillas!”
Sans doute; mais ces aumôniers enseignent aux enfants cette vérité adorable que les meilleurs n’oublieront pas: il existe, pour échapper à la double tyrannie des hommes et des passions, à la dictature de la force matérielle et à celle de nos inclinaisons mauvaises, il existe une porte intérieure dont seul nous possédons la clef, une sortie qui ouvre sur l’amour et sur la joie.
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1933-10-21
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Le Jeune Français et la dictature
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MEL_0401
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1re année, n°19, p.1 et 4
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François MAURIAC
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