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“Je ne formule pas de menaces, s’écriait dimanche M. Léon Blum, mais que personne n’oublie qu’il y a derrière nous les masses populaires, auxquelles on n’aurait pas besoin de faire appel deux fois si l’on s’insurgeait contre leur volonté.” Ainsi, dans le moment même où le chef socialiste se défend de menacer personne, il brandit une arme qui vise la capitale au cœur, et qui peut se retourner contre lui.
Car ces masses auxquelles un gouvernement socialiste ferait appel n’auraient plus l’aspect de cette inondation puissante, mais endiguée, qu’organisait le Front populaire et dont les Parisiens déjà ne s’effrayaient plus. Aujourd’hui, le même pouvoir qui déchaînera cette force tiendra en main la police et l’armée: il ne saurait à la fois recourir à l’émeute et lui opposer les gardiens de l’ordre. Qu’on le sache bien: ceux qui descendront dans la rue désormais y descendront en maîtres.
Il ne s’agira plus d’une manifestation, mais d’une de ces “journées” dont les dates demeurent inscrites sur le mur de l’Histoire pour y marquer les diverses crues de la Révolution. En 1924, le chef d’un gouvernement radical et tous ses ministres escortèrent au Panthéon les cendres de Jaurès; il n’en fallut pas plus: la foule devint grondante et menaçante et la panique de Paris gagna la France entière.
On ne peut à la fois s’appuyer sur l’émeute et la juguler. Le jour où, après avoir appelé à son secours la masse populaire, le président du Conseil socialiste en serait réduit à lui opposer la force armée, il serait balayé et, selon une loi inéluctable, d’autres chefs naîtraient de l’émeute même qui, ceux-là, ne distingueraient plus Léon Blum de Pierre Laval ou de Louis Marin.
Un gouvernement socialiste a tout à craindre de la rue, parce qu’il est désarmé contre elle. La règle du jeu, de l’horrible jeu, lui interdit ce qui est permis aux ministres radicaux. Ceux-ci ont souvent tiré quelque orgueil d’avoir maintenu l’ordre durement. Certains même en ont tiré profit: le brutal Clemenceau dut à sa poigne une part de son prestige. Mais, pour un gouvernement socialiste, toute victoire remportée sur la foule furieuse équivaudrait à un arrêt de mort.
M. Léon Blum a raison de l’affirmer: il n’aurait pas besoin de deux appels pour précipiter dans la rue les masses populaires. Seulement a-t-il réfléchi qu’elles y peuvent descendre sans être appelées par lui? D’autres voix que la sienne, plus puissantes que la sienne, s’élèveront. Ceux qui ne veulent pas partager la responsabilité du pouvoir ne lui demanderont peut-être pas son avis pour déchaîner la tempête.
“La menace des clubs”, écrivais-je l’autre jour. Elle se précise terriblement. On ne saurait trop méditer le passage, que l’on trouvera reproduit plus loin, d’un article de M. Jacques Duclos, publié hier dans l’Humanité.
De ce peuple soviétisé sur lequel le ministère S.F.I.O. s’appuiera, M. Léon Blum n’est donc pas l’unique chef. Plusieurs qui ne connaîtront pas les entraves du pouvoir n’auront d’autres raisons de ne point s’abandonner aux excès que le souci de ne causer nul embarras au chef du gouvernement. Mais que ce sera tentant pour eux d’obliger M. Léon Blum à défendre l’ordre et de le condamner à faire bon gré mal gré figure d’homme de droite!
Nous n’avons aucune raison de ne point croire sincère le futur président du Conseil quand il écrit: “Si nous réussissons, tout le monde en profitera…” Au point où en sont venues les choses, ce que nous redoutons, ce n’est pas que M. Léon Blum soit le maître, mais au contraire qu’il ne le soit pas assez.
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Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1936-05-12
Title
A name given to the resource
<p>La Menace des “journées”</p>
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Le Figaro
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
MEL_0182
Source
A related resource from which the described resource is derived
111e année, n°133, p.1
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
François MAURIAC
Relation
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<a href="http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34355551z/PUBLIC" target="_blank">Notice bibliographique BnF</a>
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The file format, physical medium, or dimensions of the resource
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A language of the resource
Français
Subject
The topic of the resource
communisme, masses, gouvernement
Description
An account of the resource
François Mauriac craint que <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/L%C3%A9on_Blum" target="_blank">Léon Blum</a>, parce qu’il agite la menace de l’intervention des masses, soit débordé par elles au profit d’une soviétisation de la société.
Type
The nature or genre of the resource
Chronique
communisme
Gouvernement
Masses
-
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1939, année guérinienne
Toujours malchanceux, Maurice de Guérin s’est avisé de mourir le 19 juillet 1839, deux cents ans après que naissait Racine, de sorte que le centenaire de sa mort disparaît dans le rayonnement de l’année racinienne. Combien serons-nous, mercredi, à penser à lui, à prier pour lui?
Ce n’est pas Jean Racine qui nous séparera de Maurice, et sa grande ombre consentira un instant à s’écarter devant cette jeune ombre douloureuse. Mais il serait vain de chercher entre eux aucune ressemblance. Racine est si détaché de son œuvre que, du moins au premier regard, aucun événement de sa vie ne l’explique ni ne l’éclaire; il n’a rien livré de lui-même que ces quelques fruits intacts: ses tragédies. Maurice de Guérin, au contraire, ne nous a laissé qu’une tragédie, et c’est sa vie même. Bien sûr, ces deux poèmes Le Centaure et La Bacchante, eussent suffi à lui assigner une place éminente dans l’histoire de la prose française, mais ils n’eussent pas suffi à nous attacher à lui par des liens si tendres. Sa vie, telle que la reflètent le Cahier Vert où il s’est épanché, sa correspondance, le Journal d’Eugénie, les memoranda de Barbey d’Aurevilly, c’est cette vie qui nous a pris d’abord, et nous ne cherchons plus, quand nous lisons Le Centaure, que le secret d’un enfant baptisé qui appuyait plus volontiers son front contre l’écorce des chênes que sur l’épaule du Christ.
Il faut un grand effort pour retrouver dans ses tragédies l’homme que fut Racine, et l’esprit le plus ingénieux n’atteint sur ce sujet qu’à des conjectures. Mais il n’est pas une ligne de Maurice où nous ne surprenions les battements de son cœur. Sur la terrasse du Cayla, à La Chesnais, partout où il a traîné sa jeunesse souffrante, il a joué la tragédie qu’il n’a pas écrite, dont les protagonistes étaient le Dieu de son enfance, le Dieu d’Eugénie et Cybèle, déesse de la Terre.
Vers elle, il inclinait de toutes les puissances de son être. Il n’attendait rien de la vie, semble-t-il, que le silence nécessaire à la contemplation de la Nature. Et de cette contemplation, il n’espérait la découverte d’aucune autre vérité que celle qui est chuchotée par les chênes, lorsque le vent émeut leurs cimes. Peut-être ne serait-il pas mort si on l’avait laissé rêver en paix.
Mais il était de ces petits provinciaux à la poitrine faible, comme j’en ai tant connus, qui doivent se faire une position à Paris, courent le cachet dans des rues boueuses, toussent au fond d’immondes garnis, et qui écrivent le soir à leurs chers parents, fort exigeants quant aux nouvelles, et parents pauvres sans doute, mais surtout parcimonieux, et qui ont toujours professé que la vache enragée, ça ne fait pas de mal à vingt ans. Qu’on ne voie là aucune intention de reproche à l’égard du père de Maurice, noble et bon entre tous. Il est pourtant vrai que devant le cadavre de leurs fils, bien peu de pères établissent un rapport de cause à effet entre cette dépouille et les travaux forcés d’une jeunesse d’étudiant.
Maurice de Guérin n’a pas goûté la mort dans la paix: à Paris, sa sœur Eugénie, grande âme sainte et passionnée, et Caroline de Gervin, sa jeune femme, menèrent autour de son lit une lutte sourde. Quand la sœur se penchait vers lui, il surprenait dans la glace le regard de l’épouse blessée. Et lui, peut-être, échappait-il à l’une et à l’autre, pour retrouver au plus secret de lui-même, la baronne de Maistre, son unique amour.
A cent ans de distance, j’ai pris jusqu’à Bordeaux la même route qu’il a suivie, dans son dernier voyage au Cayla. J’ai tâché de discerner les maisons assez anciennes, les murs assez ruinés pour se souvenir de lui, et ils m’ont été chers parce qu’ils avaient vu passer Maurice. Il croyait que l’air natal le guérirait; ou peut-être obéissait-il au profond instinct animal atteint: mourir au gîte, se dissoudre dans une terre aimée.
Cependant l’approche de la mort réconciliait en lui le Christ et Cybèle: à Dieu il donnait son cœur et son âme, à la terre ses ossements. L’impossible partage se consommait enfin, le 19 juillet 1839. Entre tant de larmes répandues ce jour-là: “date éternelle”, celles d’Eugène de Guérin, grâce au Journal, ne finiront jamais d’être versées.
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Date
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1939-07-19
Title
A name given to the resource
1939, année guérinienne
Publisher
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Le Figaro
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MEL_0894
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114e année, n°200, p.1
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Chronique
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François MAURIAC
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<a href="http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34355551z/PUBLIC" target="_blank">Notice bibliographique BnF</a>
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Français
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Guerre d'Espagne (1936-1939)
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Dans un discours prononcé à Bilbao (1), le ministre de l’Intérieur du gouvernement de Salamanque attaque avec violence Jacques Maritain et la Croix. Il me fait aussi l’honneur de me nommer. Je voudrais, à ce propos, essayer de dissiper quelques équivoques et marquer ma position et celle de mes amis, dans le conflit qui divise l’Espagne.
Mais il faut d’abord avertir le ministre espagnol qu’ici, en France, Jacques Maritain, tendrement aimé de ses amis, est aussi respecté de ses adversaires. Pour beaucoup qui peuvent ne pas entrer dans ses vues sur le Thomisme, ni approuver toutes ses initiatives et toutes ses démarches, il est demeuré, il restera toujours ce “bien-aimé Jacques”, à qui Ernest Psichari écrivait en 1914: “Ce que tu as fait pour moi, les prières par lesquelles tu as fléchi le Bon Dieu, tes paroles persuasives, l’exemple plus persuasif encore de ta vie si noble, si épurée par la Grâce, ta fraternelle affection qui me soutenait constamment dans la voie royale de la vérité, tout cela ne peut être pesé avec les pauvres mesures humaines, il faudra bien que tu en trouves la récompense ailleurs que sur cette terre…”
Jacques Maritain n’est pas un “converti juif”, comme l’assure le ministre de Salamanque. S’il l’était, il ne me paraîtrait pas moins digne d’être admiré et d’être aimé, mais enfin il ne l’est pas. Nous croyons, pourtant, que celle à qui Dieu l’a uni, dut l’aider à devenir ce chrétien exemplaire qui, comme son Maître, ne fait pas acception des personnes, mais vénère dans toute créature une âme rachetée, et sur les visages de toute race, discerne la ressemblance du même Père. II en est plusieurs aujourd’hui, qu’on pourrait croire désespérés, qui savent que rien n’est perdu pour eux tant qu’il existera, dans une maison de Meudon que Dieu habite, cet homme et cette femme dont le regard et la voix leur apportent plus qu’une promesse: la présence visible de la Miséricorde.
* * *
Après ce témoignage rendu à nos amis, je voudrais donner à M. le ministre de l’Intérieur de Salamanque les raisons de notre attitude. Et d’abord, nous avons toujours cru que la pensée du catholique, à l’égard des choses temporelles, reste libre. Comme le disait Gabriel Marcel dans une conférence de Chrétienté: “Un catholique ne peut être obligé en tant que catholique de prendre parti pour tel ou tel clan en guerre contre un autre.” En ce qui me concerne, aux premières nouvelles du soulèvement militaire et des massacres de Barcelone, j’ai d’abord réagi en homme de droite; et de Vichy où je me trouvais alors, je dictai en hâte, par téléphone, cet article sur l’Internationale de la haine, dont quelques lecteurs du Figaro se souviennent peut-être. La présence des Maures, l’intervention massive des escadrilles et des troupes italiennes et allemandes, les méthodes atroces de la guerre totale, appliquées par des chefs militaires à un pauvre peuple qui est leur peuple, les souffrances des Basques coupables du crime de non-rebellion, posèrent aux catholiques français un cas de conscience douloureux. Ils n’ignoraient pas, en effet, que de l’autre côté de la barricade le gouvernement légal était soutenu par les forces conjuguées du marxisme et de l’anarchie.
Ce qui fixa notre attitude, ce fut la prétention des généraux espagnols de mener une guerre sainte, une croisade, d’être les soldats du Christ. Ici, je voudrais qu’on nous comprît enfin. D’aimables confrères ont écrit plaisamment que je regrettais qu’il n’y ait eu que quinze mille prêtres massacrés et que je trouvais que ce n’était pas assez. Parlons sérieusement: les sacrilèges et les crimes commis par une foule armée et furieuse, au lendemain d’une rebellion militaire réprimée, sont d’une horreur insoutenable. Nous disons seulement que les meurtres commis par des Maures qui ont un Sacré-Cœur épinglé à leur burnous, que les épurations systématiques, les cadavres de femmes et d’enfants laissés derrière eux par des aviateurs allemands et italiens au service d’un chef catholique et qui se dit Soldat du Christ, nous disons que c’est là une autre sorte d’horreur, dont vous avez le droit d’être moins frappés que nous ne sommes; mais il ne dépend d’aucun de nous que les conséquences n’en soient redoutables pour la cause qui devrait nous importer par-dessus toutes les autres, et qui est le règne de Dieu sur la terre.
* * *
Que M. le ministre de l’Intérieur n’aille pas croire que nous nous exprimons ici en partisan. Chrétiens, nous n’avons pas à nous faire juges des raisons qui ont pu décider certains de nos frères d’Espagne à prendre les armes contre un gouvernement qu’ils trouvaient injuste. Les conséquences terrifiantes de leur geste, il ne les avait pas toutes prévues. Nous comprenons aussi que l’Épiscopat et le Clergé aient peine à dominer un conflit dans lequel ils se trouvent si tragiquement engagés. Mais il reste ceci, il reste cet épouvantable malheur que pour des millions d’Espagnols, christianisme et fascisme désormais se confondent et qu’ils ne pourront plus haïr l’un sans haïr l’autre.
“Dans les circonstances difficiles où vous vous trouvez, écrivait le Saint-Père à l’Épiscopat mexicain, le 2 février 1926, il est plus que jamais nécessaire, vénérables frères, que vous et votre clergé tout entier, comme aussi les associations catholiques, vous restiez complètement à l’écart de tout parti politique, afin de ne fournir à vos adversaires aucun prétexte pour confondre la Religion avec une faction politique quelconque.”
Et ici, je demande à ceux de nos lecteurs qui nous ont jugés sévèrement, de comprendre les raisons qu’ont les catholiques français, plus que d’autres peut-être, de redouter toute compromission de la cause du Christ avec celle des partis: depuis la Guerre, il s’est passé, dans la France catholique, un événement d’une portée immense et qui échappe aux observateurs du dehors. Les efforts des catholiques sociaux, les initiatives d’un épiscopat d’élite, ami des pauvres et constructeur d’églises, le dévouement d’un des meilleurs clergés qu’il y ait au monde ont porté leur fruit. Il existe une renaissance catholique de la classe ouvrière, il existe un syndicalisme catholique, il existe une jeunesse ouvrière chrétienne.
Des instituteurs et des institutrices de l’État trouvent dans le Christ le principe de leur dévouement aux petits que l’État leur confie . Une poignée dans la masse indifférente ou hostile? Sans doute, mais une poignée de sel: le sel de la terre! Dans les banlieues, des jeunes filles obscures se groupent “pour faire du chrétien”, comme me disait l’autre jour une assistante sociale d’Ivry. Nous ne pouvons décrire ici cette vie souterraine de la Grâce en France, telle que nous l’entrevoyons. Mais quand une dame hitlérienne me souffle, au dessert, que les peuples déliquescents doivent céder la place aux peuples forts, je repasse dans mon cœur les raisons de ma certitude que nous restons, en dépit de l’apparence, le peuple le plus fort, parce que nous sommes toujours, et plus que jamais, le peuple de Dieu.
Que le ministre de Salamanque me comprenne: ce n’est pas au moment où l’effort de tant de générations chrétiennes et de dévouements obscurs aboutit enfin, que sur l’humble plan où il nous est donné d’agir nous allons laisser compromettre l’Évangile. Que l’affreuse loi de la guerre vous ait entraînés à ces épurations dont Bernanos nous a décrit l’horreur dans un livre impérissable, à ces bombardements de villes ouvertes, qu’elle vous ait obligés de subir cette alliance monstrueuse avec le Racisme ennemi de l’Église, aussi redoutable, aussi virulent que le Communisme, encore une fois nous n’avons pas à vous juger ni à vous condamner sur ce point, parce que vos intentions peuvent être droites. Mais nous nous sentons responsables à l’égard de ce peuple fidèle que nous ne sommes pas libres de tromper. Jacques Maritain, en se dressant avec toute la puissance de sa dialectique et tout le feu de sa charité, contre cette prétention des généraux espagnols de mener une guerre sainte, a rendu à l’Église catholique un service dont la fureur qu’il suscite nous aide à mesurer la portée.
Nous ne nous croyons pas infaillibles, mais nous ne cesserons pas d’affirmer ce qui nous semble être vrai, à l’heure où la guerre civile touche peut-être à sa fin; car c’est lorsque tout paraîtra fini que le règne sans partage de la Force commencera. Et la Force qui se sert de l’Église, c’est le plus grand malheur qui puisse fondre sur un peuple chrétien. C’est aussi le plus grand crime, si la parole reste éternellement vraie que répétait au déclin de sa vie le vieil apôtre (celui dont la tête avait reposé sur la poitrine du Seigneur): “Mes bien-aimés, Dieu est amour.”
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Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1938-06-30
Title
A name given to the resource
À propos des massacres d’Espagne – Mise au point
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Le Figaro
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
MEL_0211
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113e année, n°181, p.1
Creator
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François MAURIAC
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<a href="http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34355551z/PUBLIC" target="_blank">Notice bibliographique BnF</a>
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The file format, physical medium, or dimensions of the resource
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Language
A language of the resource
Français
Subject
The topic of the resource
peuple basque, christianisme, fascisme, catholicisme social, guerre d'Espagne
Description
An account of the resource
Prenant la défense de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_Maritain" target="_blank">Jacques Maritain</a>, attaqué par le Ministre de l'Intérieur du gouvernement de Franco à Salamanque, François Mauriac revient sur l'histoire de son engagement qu'il justifie par son refus que soient identifiés christianisme et fascisme et plaide en faveur des Basque, croyants fidèles qui avaient fondé un modèle de société fondé sur la renaissance catholique de la classe ouvrière.
Type
The nature or genre of the resource
Chronique
catholicisme social
christianisme
fascisme
guerre d'Espagne
Peuple basque
-
https://mauriac-en-ligne.huma-num.fr/files/original/684f20a0f42b46ad8d5d0fb5082574f7.pdf
cce8c0750b60d268598c15ddf6bd69ea
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Title
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Littérature
Texte
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Autrefois, je possédais à un degré éminent le don de l'ennui. J’étais enclin à traiter de raseurs les gens qui aimaient à parler longuement, tous ceux qui étaient pleins de leur sujet, même lorsque ma jeunesse aurait eu profit à les entendre. La vie de Paris accrut beaucoup ce travers, en me mêlant à un monde qui s'exprime vite, à bâtons rompus, et par allusions, –un monde où les femmes d'une éloquence exceptionnelle et les messieurs pleins d'anecdotes font de moins en moins recette.
Je suis bien revenu de cette impatience et de celle inattention; tous les hommes sont intéressants, et même les raseurs, dont la méthode, pour ne pas nous manquer, est souvent fort curieuse. Il existe des gens tellement ennuyeux, qu'ils en sont étonnants. Que deviendrions-nous, sans les imbéciles? Flaubert, Baudelaire, qui croyaient les haïr, n'auraient peut-être pas supporté de vivre, s'ils n'eussent eu ce divertissement de “l’énorme bêtise”, de “la bêtise au front de taureau”.
D'ailleurs, ce que les gens disent importe peu; ce qu'ils révèlent d'eux-mêmes à leur insu, voilà le passionnant. Ce n'est point méchanceté pure, si nous ne faisons aucun progrès dans la charité envers le prochain, mais c'est que nous ne pouvons nous détacher du spectacle qu'il nous donne: les médisances, les jugements téméraires sont bien moins inspirés par le désir de nuire que par celui de connaître.
Mais l'âge, qui nous a guéri de l'ennui, ne nous aide pas seulement à nous plaire au milieu des vivants, à nous esbaudir des raseurs, à nous émerveiller des idiotes. II nous dresse aussi à supporter la lecture des parleurs illustres du vieux temps, dont les ouvrages, autrefois, nous tombaient des mains. Nous commençons, vers quarante ans, à fréquenter les auteurs que nous avions fait semblant d'aimer avant cet âge. Dans notre jeunesse, nous considérions les critiques comme une espèce de gens chargés de lire, à notre place, les auteurs ennuyeux et d'en extraire, à notre usage, les passages comestibles. Avouons que, sur ce sujet, tout le monde feint d’avoir tout lu et que personne ne dit la vérité; je ne parle pas des gens du monde, dont le toupet n'arrive pas toujours à dissimuler la vertigineuse ignorance; mais si l'on savait à quel point les gens de lettres ne savent rien!
Pourtant, si je me flatte d'avoir relu, cet été, l'intarissable Bourdaloue, en l'honneur du troisième centenaire de sa naissance, ce n'est pas par vanterie: car il est très vrai que j'avais lu ses sermons, naguère, mais avec une vive impatience et sans partager, même de très loin, les transports de Mme de Sévigné. En y remettant le nez, je ne doutais point de faire œuvre méritoire et déjà je m'armais de courage... Or, miracle de l'âge mûr! Bien loin de ressentir le moindre ennui, j'avalai ces quatre tomes d'éloquence sacrée avec un appétit dont je ne laisse pas d'être fier: “Ce n'est pas Morand, me disais-je, ni Vaudoyer, ni Lacretelle, ni même Carco, qui auraient-eu l'idée de choisir Bourdaloue comme lecture de vacances...” Au vrai, s’ils l'eussent fait, je suis sûr qu'ils auraient été saisis, comme je l'ai été moi-même, par ces pages encore brûlantes. On sait que le fameux jésuite faisait, en chaire, des portraits et abondait en allusions dont se délectait la Cour. Mais jusqu'où il allait dans l'audace, c'est ce qui m'a frappé, à cette seconde lecture.
Peut-être une des choses qui manque le plus à la société contemporaine, c'est l'une de ces grandes voix presque téméraires, qui, au XVIIe siècle, commentait à la face du monde les misères, les hontes et les crimes du monde. Imaginez le silence frémissant de la Cour, ces regards furtifs dirigés sur tel ou tel tandis que le Père Bourdaloue, évoquant les monstres qu'engendre l'impureté, mettait de force le nez de ce beau monde dans l'ignoble affaire des poisons:
“Nous avons vu ces monstres avec effroi, et tant d'événements tragiques nous ont appris, plus que nous ne voulions, ce qu'un commerce criminel peut produire, non plus dans les Etats, mais dans les familles, et dans les familles les plus honorables. L'empoisonnement était parmi nous un crime inouï; l'enfer, pour l'intérêt de celte passion, l’a rendu commun. On sait, disait le poète, ce que peut, une femme irritée; mais on ne savait pas jusqu'à quels excès pouvait aller sa colère et c’est ce que Dieu a voulu que nous connussions. En effet, ne vous fiez pas à une libertine dominée par l’esprit de débauche…”
Ses auditeurs n'avalent sans doute pas imaginé que le Père irait au delà, que du haut de la chaire, en présence du tabernacle, il ne craindrait pas de faire allusion à ces scènes atroces où des jeunes femmes, pour s'assurer le cœur du roi, sollicitèrent les anges des ténèbres. Ah! sans doute, les pharisiens ne manquaient-ils pas –de la race de ceux qui, aujourd’hui encore, ne supportent pas qu'on attire leur attention sur des misères auxquelles il est tellement reposant de ne jamais songer. Mais l’homme de Dieu, lui, sans que sa main tremble, ni sa voix, porte le feu dans la plaie du monde:
“L'aurait-on cru, si la même Providence n'avait fait éclater de nos jours ce que la postérité ne pourra lire sans en frémir; aurait-on cru, dis-je, que le sacrilège eût dû être l'assaisonnement d'une brutale passion? que la profanation des choses saintes eût dû entrer dans les dissolutions d'un libertinage effréné? que ce qu'il y a de plus vénérable dans la religion eût été employé à ce qu'il y a de plus corrompu dans la débauche; et que l'homme, suivant la prédiction d'Isaïe, eût fait servir son Dieu même à ses plus infâmes voluptés?”
Et ne croyez pas qu'il s'en tienne là. Il dénonce, devant son immense auditoire, et non par de simples allusions, mais tout à trac, ce dont il semblerait impossible de parler et il trouve, pour peindre certaines extrémités du mal, cette formule d'une admirable plénitude: “Il est certain que l'homme, faisant servir sa raison, j'entends sa raison dépravée, à sa concupiscence, a inventé, pour se satisfaire, des crimes que la seule concupiscence ne lui aurait jamais inspirés.” Tel est le miracle de la pureté du cœur unie à celle du langage; il n'est rien que l'homme de Dieu, s'il cherche la double perfection de l'âme et de la parole, ne puisse dénoncer devant le Roi du ciel et devant le plus grand roi de la terre.
Dans mon enfance, au lendemain de l'incendie du bazar de la Charité, je me rappelle ce scandale suscité par le prédicateur de Notre-Dame, parce qu'il avait osé, en présence du chef de l'Etat, parler de pénitence et d'expiation, Bourdaloue, lui, en dépit des hyperboles d'usage, ne redoutait point de rappeler au roi ces grandes vérités. Avouons, pourtant, qu’il nous est difficile, aujourd’hui, de ne point subodorer, chez Bourdaloue, tout jésuite qu'il fût, quelque relent janséniste. Ce n'est point tant à cause de notre tiédeur que nous le trouvons terrible, mais nous nous faisons de la responsabilité humaine une idée plus complexe et qui laisse champ plus vaste à la miséricorde de Dieu. Bourdaloue, par exemple, cite l’opinion de Tertullien qui ne voulait point que les péchés impurs fussent jamais pardonnés, et s'il avoue qu'elle est entachée d'hérésie, il n'y consent qu'à regret et ne voit là qu'un excès de zèle. Il s'acharne, surtout, contre les chrétiens qui se persuadent que toute une vie pécheresse peut être rachetée, d'un coup, au lit de mort. Il n'a de cesse qu'il ne les ait délogés de cette espérance qui est pourtant celle de l'Eglise. Il ne se résigne pas à ce que l'Etre infini se contente de ces restes. Il nous avertit que lorsque nous voudrons être à Dieu, à cette heure dernière, Dieu ne voudra plus être à nous et, à l'en croire, n'acceptera même pas l'offrande du temps de notre vieillesse où nous devenons le rebut du monde, –à cet âge où, ose-t-il crier aux “femmes mondaines” qui l'écoulent: “Le dégoût de vos personnes vengera Dieu.” Dans ce sublime sermon sur le retardement de la pénitence, Bourdaloue, pour nous persuader que Dieu ne se satisfera pas de notre décrépitude, lui prête cette plainte toute mêlée de colère amoureuse: “Comme roi des siècles et monarque éternel, je voulais les prémices de vos années; je voulais ces années de prospérité qui furent pour vous des années de dissolution; je voulais cette jeunesse, dont vous avez fait le scandale de tant d'âmes...”
Le prestige d'un Bourdaloue subjuguerait-il, aujourd’hui, un monde qui n'a point été dressé à entendre des sermons? Il est vrai, que grâce à la T.S.F., on nous prêche maintenant à domicile; mais je doute que, diffusée, cette voix illustre pût garder la même efficace. C’est une bénédiction que Bourdaloue ni Bossuet ne soient nés dans un siècle où, pour les réduire au silence, le dernier des sans-filistes n’aurait qu’à tourner un bouton.
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Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1932-09-24
Title
A name given to the resource
Après une lecture de Bourdaloue
Publisher
An entity responsible for making the resource available
L'Echo de Paris
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
MEL_0447
Source
A related resource from which the described resource is derived
48e année, n° 19335, p. 1
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
François MAURIAC
Relation
A related resource
<a href="http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34429768r/PUBLIC" target="_blank">Notice bibliographique BnF</a>
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
Pdf
Microfilm
Language
A language of the resource
Français
Subject
The topic of the resource
éloquence, crime, péché, prédicateur, religion
Description
An account of the resource
Relisant Bourdaloue à l’occasion du troisième centenaire de sa naissance, François Mauriac note que l’avancée en âge lui permet d’apprécier des gens et des œuvres qui, dans sa jeunesse, lui paraissaient ennuyeux. Puis il fait l’éloge du célèbre jésuite, de son audace et de son éloquence, affirmant que l’homme de Dieu a vocation à porter "le feu dans la plaie du monde", avant de conclure que le monde contemporain n’est sans doute plus disposé à entendre les salutaires mises en garde des grands prédicateurs du XVIIe siècle.
Type
The nature or genre of the resource
Chronique
crime
éloquence
péché
prédicateur
religion
-
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c2c7f5df4b7b2ecb6de456a915d70ff6
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Title
A name given to the resource
Guerre d'Espagne (1936-1939)
Texte
Ressource textuelle
Text
Any textual data included in the document
Je ne crois pas beaucoup aux “cas de conscience” insolubles. Même dans l’horreur d’une guerre civile, l’homme sait qu’il peut donner sa vie pour ce qu’il croit être la vérité –qu’il peut défendre la vérité– sa vérité –les armes à la main. Mais il sait aussi que les exécutions en masse des vaincus, que l’extermination de l’adversaire –ce qui était la loi avant le Christ– représente le triomphe le plus affreux que la puissance des ténèbres connaisse en ce monde.
Les massacres et les sacrilèges de Barcelone dictaient aux vainqueurs de Badajoz leur conduite. Ils se réclament de “la religion traditionnelle de l’Espagne”. Ils ont célébré à Séville, le jour de l’Assomption, l’humble Reine du ciel et de la terre, la Mère des hommes. Celle qui a jeté ce cri que l’humanité n’oubliera pas: “Deposuit potentes de sede, et exaltavit humiles…” Ils n’auraient pas dû, en ce jour de sa fête, verser une goutte de sang de plus que ce qu’exigeait l’atroce loi de la guerre.
Quelle époque, hélas! que celle où le “camp de concentration” apparaît comme une mesure recommandée par la charité et par la pitié!
Eh! quoi, ces Espagnols amis des taureaux, accoutumés à parquer ces bêtes furieuses, n’auraient-ils pu entourer, désarmer leurs frères désespérés, les laisser, derrière des palissades, cuver le vin de la vengeance et de la haine? –N’auraient-ils pu commencer tout de suite l’œuvre de la réconciliation et du pardon, au nom de celle dont c’était la fête, ce jour-là, sur la terre et dans le ciel?
Victoire souillée, comme toutes celles de cette lutte fratricide. Et maintenant, Français qui êtes vous-mêmes au bord de la guerre civile, considérez ce qu’elle est: la guerre étrangère ne comporte, le plus souvent, aucune haine réelle. Un des soucis des états-majors, durant le conflit franco-allemand, ce fut la fraternisation des troupes. Ces jeunes hommes dressées les uns contre les autres ne se haïssaient pas –et secrètement ils s’aimaient.
Il n’y a de haine véritable que les haines de famille. Les plus atroces injures nous viennent toujours d’êtres tout près de nous par la foi, par la culture; le ton de la presse française, ces jours-ci, est un signe qui doit inciter à la réflexion les plus exaltés d’entre nous.
Quelles seront en France les répercussions de la lutte espagnole? Si le front populaire est écrasé à Madrid, cherchera-t-il à Paris une revanche? A-t-on songé en haut lieu à prévenir les contre-coups inévitables?
Nous demeurons, en dépit de tous nos malheurs, le peuple le plus capable de réfléchir, de se reprendre. Devant ce comble d’horreur, un peuple comme le nôtre devrait retrouver son sang-froid, prendre conscience de ce qu’il représente encore dans ce monde divisé.
Lucien Romier s’étonnait, hier, que les nations européennes ne fissent rien pour le salut des otages en Espagne. Comme il avait raison. Le problème de l’intervention est mal posé. Il faudrait toujours un plan d’action où tous les partis de tous les pays seraient d’accord pour intervenir. La non-intervention, il faut l’avouer, au degré de fureur où le drame a atteint, ressemble à une complicité. Au secours des otages dans les deux camps; pour le salut des prisonniers dans les deux camps; c’est sur ce plan-là que tous les Français deviendraient interventionnistes, tous ceux du moins qui ont assez d’imagination pour se représenter ce que signifie ce simple titre dans un journal du soir: La prise de Badajoz.
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Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1936-08-18
Title
A name given to the resource
Badajoz
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Le Figaro
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
MEL_0188
Source
A related resource from which the described resource is derived
111e année, n°231, p.1
Type
The nature or genre of the resource
Chronique
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
François MAURIAC
Relation
A related resource
<a href="http://mauriac-en-ligne.u-bordeaux-montaigne.fr/items/show/798" target="_blank">Notice bibliographique BnF<br /><br /></a>Texte repris dans <em>Sept</em> le 21 août 1936 avec de légères modifications mais sous le même titre : <a href="http://mauriac-en-ligne.u-bordeaux-montaigne.fr/items/show/798" target="_blank"><em>Badajoz</em></a>.
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
Pdf
Language
A language of the resource
Français
Subject
The topic of the resource
massacres, charité, guerre d'Espagne
Description
An account of the resource
François Mauriac est choqué par les massacres exercés, le 15 août, jour de l’Assomption, par les troupes de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Francisco_Franco" target="_blank">Franco</a> après leur victoire à <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Badajoz" target="_blank">Badajoz</a>. Il commence à mettre en doute son choix premier de la non-intervention.
charité
guerre d'Espagne
massacres
-
https://mauriac-en-ligne.huma-num.fr/files/original/ab48045a160596891bc53e3dda03531b.pdf
1ece78ca21aca5dd0b9c318b6d72f771
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Title
A name given to the resource
Guerre d'Espagne (1936-1939)
Texte
Ressource textuelle
Text
Any textual data included in the document
— Que pensez-vous des récentes adhésions épiscopales au Manifeste des prélats espagnols?
— Je vous en conjure, parlons d’autre chose.
— Le jour même où elles furent publiées, avez-vous lu, dans la presse, les deux petites phrases, extraites d’un article du Duce?”
— Oui, celle qu’a relevée notre Guermantes à propos du bombardement des villes ouvertes? “Les cris des femmelettes et les sermons d’archevêque me font rire ou me donnent la nausée…”
— Et l’autre surtout, la plus féroce: “Certains catholiques avec lesquels nous réglerons nos comptes, à notre manière…”
— Plus un mot là-dessus. Demandez-moi des nouvelles de mes vendanges.
— Un mot encore: comment trouvez-vous ce claquement formidable de mâchoires, à l’heure même où berger et troupeau s’avancent en procession vers le seigneur Loup?
— La vendange n’abonde guère, mais nous ferons du degré: ce sera une grande année.
— Le miracle de la presse, et qui nous oblige à lui pardonner tous ses crimes, ce sont, dans la même feuille, ces recoupements de textes, ces rencontres fulgurantes… n’est-ce pas votre avis?
— Mon avis est que j’ai quitté la campagne trop tôt cette année et que je me sens volé d’un automne.
— Autrefois, la campagne vous était moins nécessaire, il me semble?
— Je vais vous dire un secret: en dehors de Dieu, la nature seule ne trahit pas. Ce qu’elle a promis, elle le tient. Je ne me souviens pas d’avoir passé à la campagne tout un hiver, mais je sais qu’il existe des jours, en décembre, d’un calme et d’une transparence que maintenant je serais digne de goûter. La nature ne trompe pas: je connais l’endroit du ciel d’hiver d’où chaque nuit surgit le chasseur Orion. Le printemps s’annonce de très loin par des signes qui emplissent le cœur d’espérance. Tous les oiseaux reviennent qui doivent revenir. Depuis que le monde est monde, il n’est jamais arrivé qu’aucune primevère n’ait fleuri, que le coucou n’ait pas chanté.
— Vous faites exprès de m’entraîner loin de mon propos. Répondez à une seule question et je vous tiendrai quitte du reste. Autant que le général Franco, ses Requetes, ses Phalangistes et ses Maures méritent d’être bénis (et je m’en rapporte sur ce point à l’autorité épiscopale), en faut-il étendre le bénéfice spirituel aux divisions italiennes débarquées sans déclaration de guerre, aux escadrilles allemandes, à ces excellents “Savoia” que dirige, assure-t-on, un enfant Mussolini et qui viennent d’inaugurer leur mission en lâchant sur Valence des bombes de trois cents kilos? (“Tu te rends compte?”) Un témoin oculaire m’a décrit l’état des légères maisons espagnoles après cette pluie… Je ne vous parle pas des gens…
— Non, non, ne me parlez pas des gens. Ne me parlez de personne. Je vais dire n’importe quoi pour vous empêcher de parler. L’odeur du crépuscule d’octobre sur les trottoirs m’enivrait quand j’avais vingt ans. Toute l’année gonflée d’un bonheur sans nom s’étendait devant ma jeune convoitise. La lumière des vitrines embrasait les livres nouveaux. Les dessertes des restaurants étaient chargées de beaux fruits intacts. Des visages naissaient de la brume avec une grâce inconnue. Mille promesses de fortune et de gloire m’escortaient quand je traversais la Concorde, dans le parfum de ces nuits déjà froides, et que je me hâtais vers mon logis d’étudiant. Vous l’avouerai-je? Après tant d’années, tout n’est peut-être pas éteint de ce beau feu de la rentrée… Que la brume d’octobre est douce encore à respirer! Mais il y a simplement ceci: nous n’avons plus le droit d’être heureux.
— Je vous entends… c’est vous qui me ramenez au sujet défendu…
— Que les morts reposent en paix!
— De ceux qui furent égorgés ou exécutés par les foules furieuses et par les chefs du Frente Popular, ou de ces victimes de bombardements médités et accomplis à froid, sans plaisir ni haine, par des étrangers en service commandé, lesquels, croyez-vous, éveillent le plus de pitié dans le cœur de Dieu?
— Qui le sait? Les saints peut-être le savent…
— Ah! si une voix s’élevait tout à coup, une voix, une seule voix…
— Les saints ne parlent plus.
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Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1937-10-13
Title
A name given to the resource
Bâtons rompus
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Le Figaro
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
MEL_0202
Source
A related resource from which the described resource is derived
112e année, n°286, p.1
Type
The nature or genre of the resource
Chronique
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
François MAURIAC
Relation
A related resource
<a href="http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34355551z/PUBLIC" target="_blank">Notice bibliographique BnF</a>
Format
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Pdf
Language
A language of the resource
Français
Subject
The topic of the resource
guerre d'Espagne, Franco, désespoir
Description
An account of the resource
Dans cette chronique, construite comme un dialogue, François Mauriac montre son désarroi devant la position des prélats espagnols en faveur de Franco et de ses alliés italiens et allemands. Même ses vendanges à Malagar n'arrivent pas à le détourner de son trouble.
désespoir
Francisco Franco
guerre d'Espagne
-
https://mauriac-en-ligne.huma-num.fr/files/original/cc43c97d512b65395f17453e2d9e9994.pdf
9a4225f51c37a9e0c48d1db80c6fd545
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Title
A name given to the resource
Guerre d'Espagne (1936-1939)
Texte
Ressource textuelle
Text
Any textual data included in the document
BEAUCOUP d’écrivains nous racontent leurs voyages et pourtant il n’existe pas d’oiseau plus rare qu’un auteur qui sache regarder, si ce n’est un auteur capable de nous faire voir ce qu’il a vu. Les Tharaud possèdent à un haut degré ces deux qualités. J’ai visité le Portugal en même temps que l’un d’eux: de toute la caravane il était évidemment celui à qui rien n’échappait, celui aussi à qui nos hôtes ouvraient le plus volontiers leur cœur: là où était Tharaud, là étaient aussi les jeunes filles portugaises. En coupant les pages de Cruelle Espagne, je savais donc que j’allais prendre une vue directe du champ de bataille espagnol, et je n’ai pas été déçu.
J’étais en outre assuré que les choses nous seraient montrées sans recherche d’éloquence. Nous connaissons les Tharaud: celui qui fut en Espagne dut être à chaque instant bouleversé jusqu’à l’horreur; mais il n’a jamais porté son cœur en écharpe à la manière de Chateaubriand, son voisin de Bretagne: la sensiblerie n’est pas son fort.
Réjouissons-nous de ce qu’il existe au moins un livre sur cette guerre où l’auteur n’ait aucun désir d’exciter notre indignation au bénéfice de l’un ou de l’autre camp. A vrai dire, Tharaud, en nous racontant simplement ce qu’il a vu du côté nationaliste auquel vont ses préférences, ne se fait pas scrupule de donner souvent des armes à l’adversaire: il n’a que le souci d’être véridique.
Le goût du risque est indispensable à un bon correspondant de guerre, et surtout de guerre civile. Tharaud l’Espagnol a dû commettre plus d’imprudences qu’il ne nous en raconte dans son livre. Il ne rapporte que l’indispensable pour qu’on ne puisse lui dénier sa qualité de témoin. A la fois téméraire et circonspect, il a erré dans ces régions indéterminées où il suffit de parcourir quelques mètres sur une route pour se trouver tout à coup nez à nez avec un détachement rouge: sur ce sujet, les Tharaud ont de lugubres histoires.
* * *
Mais le sommet de ce beau livre, c est le dernier chapitre qui nous montre Miguel de Unamuno quinze jours avant sa mort commentant pour ses amis français son testament spirituel. Unamuno est mort désespéré parce qu’il a désespéré de son peuple. Aux yeux du recteur de Salamanque, la misère physiologique de la race espagnole explique tout le drame: malade dans sa chair elle cède, selon lui, à des passions furieuses héritées des Tziganes et des Maures. Don Miguel ne se faisait-il pas des siens une image trop romantique? Il n’est pas nécessaire d’invoquer de telles hérédités pour expliquer une fureur dont les excès souillent l’histoire de tous les autres peuples et d’abord la nôtre. Sans remonter jusqu’à la Terreur, nous sommes les fils de gens qui se souviennent d’avoir vu brûler Paris. L’histoire de la Commune n’est pas si éloignée de nous que nous puissions douter de ce que serait une reprise du drame révisé et mis au point par des gens qui ont acquis, en soixante-dix ans, une certaine expérience et ont perfectionné leur méthode. Certes la passion de la mort et du désespoir, la terreur et l’obsession du néant cela appartient en propre à l’Espagne comme en témoignent ses peintres et ses mystiques. N’oublions pas pourtant que la férocité espagnole est, dans son fonds, la férocité humaine qui est la chose du monde la mieux partagée –avec en plus ce caractère particulier qui lui vient de son catholicisme.
Pourquoi, demandait un soir André Malraux, est-ce justement la catholique Espagne, la sainte Russie qui donnent au monde l’exemple de réactions si terribles? Un des Karamazof de Dostoïevski nous en fournit la raison, lorsqu’il crie à celui qui lui assure et qui le persuade que Dieu n’existe pas: “Mais alors, tout est permis?” Ce tout est permis nous éclaire l’abîme qui s’ouvre dans le cœur d’un peuple croyant lorsqu’on lui enlève son Dieu. Il se jette avec frénésie sur ce dont il se privait par terreur. Des passions que la crainte seule refoulait et non l’amour, se ruent à l’assouvissement.
Si jamais le clergé retrouvait quelque pouvoir sur ces sombres ouailles, sans doute devrait-il s’attacher à l’instauration d’un christianisme plus intérieur, pour ce qui touche à la vie spirituelle des individus, et en outre nettement social et accordé à cette soif de justice qui une fois éveillée, ne cède ni à l’indifférence ni au mépris. Hâtons-nous d’ajouter que quelle que soit la responsabilité de ce clergé, nul n’a le droit de jeter la pierre à des gens qui ont eu environ seize mille des leurs massacrés: ils ont payé, et Dieu veuille que nos propres fautes ne nous coûtent pas aussi cher…
* * *
Il n’empêche que nous trouvons ici une explication du drame de ce peuple: son caractère même nous éclaire sa destinée: ceux qui furent appelés par vocation à prendre la charge de ce furieux devaient presque fatalement céder à la tentation de lui imposer du dehors la discipline religieuse. La loi d’amour devint en Espagne une camisole de force. Sa nature irréductible lui a suscité des gardiens et non des pasteurs selon le cœur de Dieu. Sous différentes formes, elle a toujours secrété l’Inquisition: défense d’un organisme malade, fièvre que le cœur finit par ne plus pouvoir supporter.
Et pourtant ne désespérons pas de ce désespéré. Rien n’est perdu encore. Même pour les peuples, la fatalité n’est que relative: l’homme est libre encore de sauver l’Espagne; il dépend du libre arbitre humain que cette tragédie en définitive soit moins atroce qu’il ne nous a paru d’abord.
Selon ce que les vainqueurs auront fait de leur victoire, selon qu’ils en useront avec sagesse ou qu’ils en mesureront bassement cette guerre civile revêtira dans l’histoire des aspects bien différents: peut-être apparaîtra-t-elle comme le dernier sursaut d’une nation dont le cardinal Alberoni repoussait déjà du pied le cadavre, à moins que la postérité n’y découvre au contraire l’aube d’une renaissance, et ne juge que tant de sang n’a pas été versé en vain.
* * *
Ainsi le destin de l’Espagne ne nous montre pas encore son véritable visage. Il appartiendra au chef victorieux d’en fixer les traits, de lui imposer un caractère définitif. Le tout est de savoir si ce maître encore inconnu cèdera au démon de la facilité, en cherchant à écraser le vaincu et à l’anéantir, ou si, au contraire, il chargera ce peuple tout entier sur ses épaules, et consentira à ne plus voir que ses blessures pour les panser avec amour.
Au sortir de son enfer, l’Espagne risque d’en connaître un pire, si le vainqueur cherche d’un seul côté les responsables. C’est une vérité que seul un peuple catholique nous paraît capable de comprendre: il ne ressuscitera que dans la mesure où toutes les classes, tous les partis prendront conscience de la part qu’ils ont prise à un immense crime collectif. Ce n’est pas seulement au clergé qu’il faut demander des comptes, mais à tous ceux qui de la droite à l’extrême-gauche, ayant eu à tour de rôle pouvoir sur l’esprit et sur le cœur de ce peuple, ont péché mortellement contre lui par action et par omission.
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Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1937-02-26
Title
A name given to the resource
Cruelle Espagne
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Gringoire
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
MEL_0081
Relation
A related resource
<a href="http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32784069f" target="_blank">Notice bibliographique BnF</a>
Source
A related resource from which the described resource is derived
10e année, n°433, p.4
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
François MAURIAC
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
Pdf
Language
A language of the resource
Français
Subject
The topic of the resource
guerre d'Espagne, Jérôme et Jean Tharaud, cruauté ; catholicisme, Miguel de Unamuno, Dostoïevski, Malraux
Description
An account of the resource
Réagissant à l’ouvrage de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/J%C3%A9r%C3%B4me_Tharaud" target="_blank">Jérôme et Jean Tharaud </a> <em>Cruelle Espagne</em> et en particulier au dernier chapitre qui présente <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Miguel_de_Unamuno" target="_blank">Miguel de Unamuno</a> expliquant le drame de l’Espagne par la cruauté du caractère espagnol, François Mauriac donne une analyse plus conforme à son besoin d’unité, militant pour un catholicisme intérieur rejetant la contrainte, qui permettrait au vainqueur de la guerre une réconciliation dans le sein de l’Église.
Type
The nature or genre of the resource
Chronique
Fiodor Dostoïevski
guerre d'Espagne
Jérôme et Jean Tharaud
Malraux
Miguel de Unamuno
-
https://mauriac-en-ligne.huma-num.fr/files/original/29c4c2c1b84c221362bee4d6dfc4df2a.pdf
94a0837b23640625098f8a8315232dd7
Texte
Ressource textuelle
Text
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DUPONT. — Ce qui m’étonne dans cette guerre, c’est que personne en France ne se frappe la poitrine. Chacun se vante d’avoir annoncé que les choses tourneraient comme on l’a vu et assure que tous nos malheurs viennent de ce qu’on n’a pas suivi ses conseils. Les augures des partis adverses échangent aigrement le même “je vous l’avais bien dit”…
DURAND. — Cela est humain: aucun médecin n’admettra jamais que son diagnostic ne vaut pas celui du rival d’en face. Affaire d’amour-propre, et aussi de clientèle. Personne ne veut s’être trompé. Mais je vais vous découvrir une merveille plus étonnante encore: il est vrai que personne, au fond, ne s’est trompé.
DUPONT. — Si ceux qui ont dit blanc ont eu raison, c’est que ceux qui ont dit noir ont eu tort!
DURAND. — Personne ne s’est trompé, mais tout de même en se trompant.
DUPONT. — Vous vous moquez?
DURAND. — Lisez-vous Pascal? Méditez un instant cette pensée: “Quand on veut reprendre avec utilité et montrer à un autre qu’il se trompe, il faut observer par quel côté il envisage la chose, car elle est vraie ordinairement de ce côté-là, et lui avouer cette vérité, mais lui découvrir le côté par où elle est fausse…”
DUPONT. — Je vous vois venir. Mais vous avez beau dire: il y a le vrai et il y a le faux; et, par exemple, ceux-là avaient raison qui mettaient en garde les dirigeants de la politique française contre le double jeu des Soviets et qui doutaient que ceux-ci eussent plus d’intérêt à s’entendre avec les démocraties que Staline hait, qu’avec l’Allemagne.
DURAND. — Il est vrai; mais les autres qui, selon l’avis de l’état-major, ne croyaient pas que la Pologne pût être efficacement soutenue sans l’alliance soviétique, oserez-vous prétendre qu’ils n’ont pas vu clair? Comme nous tous, ils connaissaient le jeu double des Russes. Je me souviens d’avoir entendu, au printemps dernier, l’ancien président du Conseil d’un petit pays voisin, en donner des preuves aux hommes politiques français et aux journalistes qui l’entouraient. Tout avertis que nous fussions, nos engagements avec la Pologne nous obligeaient, ce me semble, à courir notre chance auprès de Staline…
DUPONT. — Vous avez beau dire: l’événement a confondu ceux qui jouèrent cette carte. L’histoire jugera qu’ils ont été dupes.
DURAND. — Le furent-ils plus ou moins que leurs adversaires qui traitaient par le mépris la puissance moscovite et qui croyaient la Russie hors de jeu?
DUPONT. — Leur erreur semblera petite s’il se vérifie un jour que rompre avec Staline ce fut pour nous jouer à qui perd gagne, et si nous héritons de tout le prestige que l’Allemagne nazie avait tiré de sa croisade antisoviétique.
DURAND. — Avec des si, vous aurez toujours le dernier mot.
DUPONT. — Eh bien, laissons là le conditionnel: je ne doute pas que vous ne vous réjouissiez avec moi de cette paix qui règne sur vos chères Pyrénées. Vous ne détestez pas non plus qu’une neutralité polie règle désormais nos rapports avec Rome?
DURAND. — Vous êtes habile de m’obliger à revenir aux si! Accordez-moi que si la guerre qui a éclaté en 1939 à propos de la Pologne avait éclaté en 1938, à propos de la Tchécoslovaquie, nous aurions trouvé l’Allemagne sur trois de nos frontières et que c’eût été aux gens de gauche à vous chanter pouilles.
DUPONT. — Je vous répondrai d’abord qu’il y a eu Munich et qu’en politique c’et l’événement qui départage les adversaires; et que même eussions-nous eu la guerre dans des conditions si périlleuses, ceux qui triomphent aujourd’hui s’en fussent tirés à merveille en reprochant à la politique anglo-française d’avoir joué en Espagne la mauvaise carte…
DURAND. — Bien sûr! Et ceux de l’autre parti eussent accusé la même politique de n’avoir pas combattu l’ingérence étrangère dans la péninsule et les gens de droit de s’être faits les fourriers du nazisme en France: nous en revenons à Pascal et à ce côté par lequel chacun envisage la chose, qui est vraie ordinairement de ce côté-là…
DUPONT. — Il n’empêche que, par sentimentalité, je n’ose dire par sensiblerie, certains littérateurs naïfs ont bien manqué d’à-propos…
DURAND. — Je vous entends!
DUPONT. — Je ne vous blesse pas?
DURAND. — De quoi serais-je blessé? “Les écrivains sont tous plus ou moins corrompus par l’événement.” J’admire ce mot de Rivarol; et ne suis-je pas un écrivain et soumis à la commune loi? Mais, dites: Pourquoi faisons-nous la guerre, en cette année de grâce? N’est-ce point pour en finir avec la politique de force de Herr Hitler?
DUPONT. — Il est vrai! mais…
DURAND. — Que parlez-vous donc de sensiblerie? Au-dessus du conflit des armées, la justice et la force sont aux prises: la question éternelle qui a toujours divisé les Français, qu’il s’agisse d’une dispute intérieure comme l’Affaire Dreyfus, ou de la tragédie espagnole, ou de la guerre avec l’Allemagne, touche aux rapports de la politique et de la morale. Par la déconfiture de la Société des Nations, nous avons vu ce qu’il en coûte de confier la garde d’un grand fauve à une justice désarmée.
DUPONT. — Mais qu’est-ce, au fond, que la justice en politique? Pour assurer la vie économique d’une Allemagne vaincue, les vainqueurs devront-ils lui faire des sacrifices et lui donner les verges dont ils seront battus? Que me parlez-vous de justice? Croyez-vous que dans l’absolu, il serait juste de détruire l’unité allemande, si nous en avions le pouvoir? Et j’espère pourtant qu’il vous reste assez de bon sens pour le désirer autant que moi-même…
DURAND. — Qu’elle soit à la source de notre malheur, qui en douterait? Dieu seul sait comment les choses eussent tourné si, en 1918, cette unité eût été rompue au lieu d’être parachevée. Aujourd’hui qu’elle a bénéficié du ciment nazi, il reste de savoir si les anciens royaumes allemands gardent des éléments de résistance et ont des chances de revivre et de subsister par eux-mêmes. Dans le cas contraire, faudrait-il maintenir cette division par la force, créer au centre de l’Europe un état de coercition? Je n’en déciderai pas.
DUPONT. — Pour moi, c’est tout décidé… Vous ne dites rien?
DURAND. — Le cardinal de Retz reprochait au comte de Soissons de n’avoir pas un grain de cette sorte de jugement qui distingue l’extraordinaire de l’impossible.
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1939-12-02
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Dupont et Durand
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Le Figaro
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MEL_0226
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<a href="http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34355551z/PUBLIC" target="_blank">Notice bibliographique BnF</a><span><br /></span>
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114e année, n°336, p.1 et 3
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François MAURIAC
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LA JEUNESSE LITTÉRAIRE
Monsieur le Directeur,
Vous avez souhaité qu'un jeune écrivain éclairât les lecteurs de la Revue hebdomadaire sur les préoccupations essentielles des derniers venus dans le monde des lettres. Si je suis très honoré d'avoir été choisi par vous pour tenir ce rôle d'augure, j'avoue qu'il m'accable un peu. Car la jeunesse française qui se mêle d'écrire n'a pas qu'un visage, non plus, hélas ! qu'une âme : chacun tient à son étiquette, excommunie son voisin, et prétend ne discerner de génie nulle part, sauf chez lui-même et chez ses amis. Mais les courants contraires et les remous n'empêchent pas qu'un fleuve suive sa pente et bien que nous soyons accoutumés à noter ce qui nous divise, sans doute pourrons-nous reconnaître une tendance commune aux jeunes gens de cette génération.
A première vue, il apparaît qu'aujourd'hui un jeune homme de lettres sent le besoin d'une discipline, redoute de s'abandonner à tous vents de doctrine, précise et arrête ses directions. Je n'irai pas jusqu'à dire, comme on s'y attend, qu'il a pris décidément parti contre le romantisme et qu'il ne veut plus d'autre idéal que le classique. Je craindrais de rallumer une querelle dont nous sommes tous fatigués et qui est bien la pire de toutes puisqu'elle est une querelle de mots. Nous verrons en effet que le classicisme tel que le définit un disciple de M. Charles Maurras, n'offre guère de traits communs avec celui que se propose d'atteindre un disciple de M. André Gide. D'ailleurs, si le jeune écrivain a le désir de connaître ses lois et de s'y assujettir, ce ne saurait être chez lui qu'une réaction, car le vieux mal romantique le tient encore ; il est plus apte à sentir qu'à comprendre et qu'à vouloir ; un sang lourd coule dans ses veines ; il ne peut sans effort aimer la vie. Mais du moins, beau¬ coup parmi nous donnent-ils cet effort, et généreusement : la bonne volonté de guérir est en eux.
Rendons cette justice à nos aînés que si nous leur devons notre mal, nous devons aussi aux leçons de quelques-uns et singulièrement à Paul Bourget et à Maurice Barrés d'avoir retrouvé cet âpre instinct du salut qui nous possède. Sur les positions que de tels aînés nous ont conquises, nous ne voulons pas nous endormir, et nous sentons le besoin de plus grandes certitudes. C'est ainsi que M. Charles Maurras et les positivistes d'Action Française ont abouti à une doctrine qui marque fortement la littérature nouvelle. Pour ces jeunes gens, de même qu'il existe une science politique, une vérité politique, en dehors de quoi il n'est point de salut, il existe aussi une formule d'esthétique dont nous sommes condamnés à ne nous point écarter. Au dix-septième siècle, un parfait équilibre fut réalisé, et cet idéal classique est si conforme à notre génie qu'aujourd'hui encore nous ne devons avoir d'autre souci que de le poursuivre. Les Stances de Jean Moréas satisfont exactement les jeunes écrivains de talent qui dogmatisent à la Revue critique des idées et des livres, et harcèlent dans les Guipes ceux de nos contemporains qui ne partagent pas leurs opinions. Jamais on ne vit jeunesse si férue d'ordre et de discipline, si habile à censurer et à légiférer.
Beaucoup parmi nous n'entendent pas ces raisonnements : « La Raison, quelle pauvre petite chose, à la surface de nous-mêmes... », dit Barrés. Mais pas plus que le culte de la cité, celui de la terre et des morts (ô formule dont on a trop usé !) ne nous soutient dans tous les moments de notre vie. En face des exigences de l'instinct, parmi les pauvres débats où se consume la vie d'un jeune homme, il ne sent plus rien qui l'oblige à se contraindre. Il craint d'être dupe de magnifiques apparences. Cet amour de la Race, pour lequel, aux heures héroïques, il saurait mourir, ne le secourt plus. Il se sacrifierait à la Vérité et on ne lui propose que des vérités. Pourquoi les morts le condamneraient-ils à ne point goûter sa part de joie, à n'être rien qu'un survivant ?
Mais si ceux qui nous ont précédés avec le signe de la foi et qui dorment dans le sommeil de la paix s'imposent à nous, non pas seulement à cause de l'héritage de terre et de pensée qu'ils nous ont transmis, mais parce qu'ils vivent, et que, souffrants ou triomphants, ils sont encore mêlés à notre existence terrestre, si un perpétuel échange de secours, de prières, d'amour unit l'église visible à l'église invisible, alors le sens nous apparaît du sacrifice exigé de nous ; dans la lumière de la foi, nous contemplons cette vérité que d'autres avaient pressentie et qui nous délivre : le dogme de la communion des saints. La laideur, la basse lâcheté et surtout l'effrayante bêtise de l'esprit jacobin ont détourné cette génération de l'indifférence en matière de foi. De jeunes revues couvrent ma table : je n'en vois pas une qui se pique d'anticléricalisme. Notre regard sur les politiciens radicaux est celui des jeunes Spartiates sur les ilotes ivres, et le moins religieux d'entre nous se détourne avec dégoût de leurs excès. Mais il ne nous suffit pas de- mépriser. Nous voulons choisir. Je ne connais pas de mot qui nous paraisse plus usé, plus défraîchi que celui de dilettante. Ah ! que ce faux bonhomme de Renan nous ennuie. Nous avons peine à croire qu'il ait pu enchanter ses disciples au point que les derniers d'entre eux, prisonniers de leur esprit critique, s'essayent vainement à des affirmations. Quand M. Jules Lemaître ne peut se défendre de dépenser son délicieux esprit de conférencier contre les grandes œuvres qu'il commente avec un art incomparable, il dément malgré lui ses plus violents parti pris et il nous scandalise parce que nous nous glorifions d'avoir retrouvé le sens du respect. De même chez M. Anatole France, l'affaire Dreyfus ne suscita qu'un bien fugitif mouvement de la grâce, puisque ses derniers contes tournent en dérision les espoirs socialistes. Devant cette façon de sourire, nous nous sentons devenir graves. Mais du naturalisme d'un Zola, nous sommes plus éloignés encore. Je note que les romanciers de vingt-cinq à trente ans inclinent plutôt vers le roman de vie intérieure. Adolphe, Volupté, le Lys dans la vallée, Dominique, ce sont les livres que d'abord ils ont aimés. Ni Jean Giraudoux, ni Francis de Miomandre, ni Lucien-AlphonseDaudet, ni Jean-Louis Vaudoyer, ni les frères Tharaud,ni Valéry Larbaud, ni Robert Vallery-Radot ne me paraissent avoir subi l'influence naturaliste.
Nous ne renierons pas les symbolistes. Ils ont essayé d'atteindre la part la plus mystérieuse de notre être, et n'est-ce point la tâche que s'imposent aujourd'hui encore les meilleurs d'entre nous ? Ils eurent le sens du mystère ; ils ont cherché, à travers les apparences, la vérité, cette vérité possédée quelques heures par le pauvre Verlaine, avec un si bel amour que les sanglots de Sagesse continuent de demander grâce pour lui. Dans le discours noblement passionné dont il gratifia Henri de Regnier, le comte de Mun n'a point voulu voir que cette génération « qui ornait son front de fleurs aux couleurs éteintes » et qui « marchait, penchée vers la décadence, comme un voyageur sur le vide », nous a inconsciemment frayé la route vers les réalités invisibles.
Aussi, le jeune homme d'aujourd'hui, éclairé, comme je l'ai dit, par les persécutions jacobines, obligé de ne se plus glorifier d'une aimable indifférence en matière de foi, ne saurait-il découvrir, sans qu'il en ait le cœur touché, le réveil de la croyance chez ses maîtres les plus admirés et les plus aimés. Mais avant que nous parlions de ce réveil, il convient de louer d'abord ceux qui n'eurent pas à retrouver le chemin d'un bercail que jamais ils ne délaissèrent. La vie du comte Albert de Mun ne s'offre-t-elle pas à nous comme une leçon magnifique de fidélité ? De même quand je lis le nouveau livre de René Bazin, je ne m'inquiète pas de savoir si le souci de « prouver quelque chose » peut nuire à la beauté de l'œuvre ; je me souviens que lorsque j'étais encore un enfant, René Bazin me donnait déjà le goût des cœurs où la grâce de Dieu accomplit son miracle. Fidèlement il continue sa tâche qui est, par ses livres répandus partout, d'entretenir de foi et d'amour l'âme secrète de nos provinces. Je citerai encore Henri Bordeaux, dévoué à la défense et à l'illustration de la famille française, l'un des rares critiques assez courageux pour dénoncer ici même, avec une très haute clairvoyance, l'effrayante misère du théâtre contemporain, et Georges Goyau qui édifie dans l'ombre une œuvre immense. Mais parmi les écrivains qui font profession de catholicisme, j'en vois surtout qui sont des convertis. On ne saurait dire que ce réveil de la foi s'est limité à une école puisqu'il en est venu de toutes les écoles : que verrons-nous de commun entre un Coppée et un Claudel, entre un Péguy et un Bourget, entre un Le Cardonnel et un Jammes, sinon le chemin de Damas où ils se retrouvent?
Je crois que nous devons parmi eux distinguer Huysmans. Car dans le moment même où il nous était révélé que l'esprit jacobin, parce qu'il est l'ennemi de toute tradition, l'est aussi de l'art véritable, à l'heure où nous reconnaissions que l'effort esthétique de ce gouvernement aboutit à « une laideur immense et régulière », Huysmans nous ouvrit les portes de la cathédrale et nous rappela le sens des plus émouvantes liturgies. Nous connûmes par lui que l'inspiration, dans tous les ordres, est divine et que toute beauté venant de Dieu retourne à Dieu. Il ne s'agit pas d'ailleurs de répéter inlassablement les formules d'art des vieux maîtres. Sans rien sacrifier de leur sensibilité d'aujourd'hui, des musiciens comme César
Franck et Vincent d'Indy, des peintres comme Maurice Denis et Georges Desvallières ont retrouvé les sources sacrées de l'inspiration, et tout leur sang chrétien a chanté la chanson pure.
Les écrivains qui entraient dans la carrière des lettres aux environs de 1885 doivent s'étonner du chemin parcouru. Un petit livre, Sous l'œil des Barbares, nous les fait connaître quand ils avaient vingt ans. Il ne me paraît pas d'ailleurs qu'un abîme nous en sépare : la recherche d'une discipline, le goût de vie intérieure que je discerne chez mes contemporains, c'est le fond même de cette monographie, au point que notre Barrés, éducateur magnifique des âmes, y est déjà contenu tout entier. Mais pour qu'il se développât selon ses lois profondes, combien de mortelles influences dut-il vaincre que nous ne subissons plus ! Alors le problème religieux semblait résolu. Renan et Taine enseignaient aux jeunes gens qu'il n'est point d'autre révélation que celle de la Science, ils les retenaient prisonniers dans le monde des phénomènes. Aujourd'hui, le philosophe que nous écoutons, Bergson, au delà de l'intelligence restaure l'intuition et nous dé¬ couvre les infinies ressources de notre univers intérieur.
Mais puisque le sens nous est rendu enfin des réalités cachées, une résurrection du lyrisme devient possible et déjà nous en connaissons le signe dans cette sourde inquiétude, dans cette fièvre de dénigrement et d'admiration qu'inspirent deux surprenants lyriques : Paul Claudel et Francis Jammes. Chez Claudel, des métaphores inattendues, un rythme nouveau, des images qui jaillissent pour la première fois, un théâtre qui ignore les nécessités de la scène contemporaine, tout déconcerte d'abord et détourne quelques-uns d'écouter cette prophétique voix. Jammes, plus accessible et qui ne s'isole pas comme Claudel sur le Sinaï, aimait trop la vie pour ne se point soumettre aussi à une doctrine qui éternise la vie.
O Jammes, vous avez célébré avec un tel amour les lilas des vieilles propriétés familiales, les poiriers des jardins paysans, le regard mélancolique des chiens et des petits ânes, les jeunes filles mystérieuses qui, pendant les vacances, passent en riant sur les routes et que les brumes d'octobre ramènent au Sacré-Cœur, vous avez chanté avec tant de passion les choses créées, qu'afin de les éterniser en Dieu, vous vous êtes souvenu de votre baptême.
Mais l'œuvre d'art ne doit rien prouver, disent quelques-uns. Formule vaine : la vie avec Dieu et en Dieu, la vision de l'Être ont fait jaillir les plus beaux cris d'amour que de génération en génération jette l'humanité, comme l'absence de Dieu, la douleur de ceux qui le cherchent ont inspiré les plus émouvants cris d'angoisse : « un gémissement inénarrable », selon le mot de l'apôtre.
Quelque opinion qu'on professe à l'endroit de Claudel et de Jammes, l'intérêt qu'ils suscitent chez les meilleurs d'entre nous éclaire donc une autre tendance de cette génération : la recherche d'une nouvelle expression lyrique — et qui s'accorde bien avec ce goût de discipline et de vie intérieure que j'y ai d'abord discerné. Car cette œuvre pressentie, nous ne saurions l'attendre que d'une âme passionnément religieuse, ou troublée jusque dans ses profondeurs par l'inquiétude religieuse, de l'âme chrétienne enfin, sans laquelle nous n'aurions pas la cathédrale, ni les cantiques de François d'Assise, ni les peintures de Giotto, ni la Divine comédie, ni l'œuvre de Michel-Ange, ni les Stances à Villequier de Victor Hugo, ni les Fleurs du mal, ni le pur sanglot de Verlaine assagi.
Ces jeunes amateurs de lyrisme ne forment pas seulement au milieu de nous un petit groupe de fidèles possédés d'une même foi. Sans doute, il faut compter parmi eux des catholiques tels que Robert Vallery-Radot et André Lafon. — Le premier, tout nourri de littérature mystique, retrouve dans ses vers et dans ses proses un peu de l'accent du psalmiste et des plus brûlantes prophéties, — le second, moins éclatant, écrit des poèmes si chargés de vie profonde qu'ils ne troublent pas le silence. Ce n'est qu'un sanglot contenu, une servante qui se recueille, un jeune homme dans l'isolement d'un salon campagnard où il évoque je ne sais quelle présence bien-aimée : un livre d'André Lafon n'est que cela, et c'est toute une vie humiliée et chrétienne, mêlée au monde invisible, nourrie du corps et du sang de Jésus-Christ. Mais à côté de ces catholiques, je vois d'autres jeunes gens inquiets aussi de renouveler le lyrisme et de trouver une discipline ; pourtant ils ne souhaitent pas que cette discipline s'applique aux sentiments non plus qu'aux idées, ils condamnent les ouvrages où apparaît l'ambition de prouver quelque chose ; l'art, pensent-ils, ne saurait se proposer d'autre fin que lui-même. Les voici donc bien éloignés d'une religion qui, prenant l'homme tout entier, dans chaque instant de sa vie, exige qu'il lui soumette à la fois son intelligence, sa volonté et son cœur. Ces jeunes gens se groupent autour de la Nouvelle Revue française, et bien que le nom de M. André Gide n'y figure pas officiellement et que la plus grande indépendance soit donnée à ses collaborateurs, chacun d'eux a le souci de contenter un maître qui, comme on sait, n'aime pas les oeuvres d'accès facile, ni celles où l'on entre de plain-pied. Il faut leur rendre ce témoignage qu'ils atteignent quelquefois à le satisfaire. Cependant, comme l'écrit le plus subtil de ses commentateurs, « Gide peu à peu s'arrache au symbolisme, un des premiers-il nous indique la voie, il retrouve la vie que trop de complaisance en nous-mêmes nous avait fait oublier, il est un de nos guides vers une nouvelle époque de la littérature. » Prenons garde que cet écrivain, dont je n'évite pas d'ailleurs la séduction, réussit bien mal à se délivrer de lui-même. Son style qui chaque jour se simplifie, découvre une âme singulièrement apte à ne pas choisir, à servir non pas seulement deux maîtres, mais d'innombrables maîtres. En vain dédaigne-t-il de compter parmi « les arrivés » qui n'avancent plus et que les générations nouvelles dépassent.
André Gide, parce qu'il est un homme qui ne prend pas parti, s'éloigne de nous. Après l’Immoraliste, où la volupté de vivre en dehors de toute loi est exprimée avec tant de persuasion qu'une jeune âme vivante et sensible met du temps à s'en délivrer, nous eûmes ce petit livre complexe et trouble : la Porte étroite, que nous voudrions nous défendre d'aimer, et où la volupté du renoncement s'impose à nous comme la plus aiguë. Ce magnifique artiste ne s'est refusé à nous décrire aucune source de joie. Mais les âmes se multiplient parmi nous que ne soutiennent plus les « nourritures terrestres », et si nous ouvrons les livres inspirés, ce n'est plus pour nous prêter, dans une suprême recherche, au jeu sacrilège que nous
propose Gide, lorsque, recomposant la parabole de l'enfant prodigue, il la dépouille de son sens divin.
Tant de subtilité ne saurait s'accorder de l'idéal classique, tel que notre dix-septième siècle l'a délimité et dont les littérateurs d'Action Française ne veulent pas s'écarter. Les amis de M. André Gide ont très clairement vu et dénoncé le péril à quoi nous expose le néo-classicisme : ils réprouvent un art d'imitation et de pastiche, et reprennent volontiers cette thèse que développait déjà Maeterlink, dans le Trésor des humbles. Racine traduit avec une inégalable perfection ces mouvements à la sur face de nous-mêmes, nos passions. Aujourd'hui, un champ plus vaste s'offre à l'artiste, il doit atteindre en nous les régions que baigne l'inconscient, celles qu'André Gide définit, dans une admirable page des Nouveaux prétextes : « les régions profondes et broussailleuses, aux latentes fécondités ». Il apparaît ici que ces jeunes gens ne se dérobent pas à l'influence des littératures étrangères. Ils n'ont pas cette phobie du métèque, dont les néo-classiques se paralysent, et il faut les en louer. Au sommaire de la Nouvelle Revue française, que de noms difficiles à prononcer ! Enfin, il est aisé de voir que les poètes de ce groupe négligeront les règles traditionnelles. Chacun cherche son rythme et le trouve quelquefois. Ils ne conçoivent pas d'ailleurs le vers libre comme une facilité plus grande. Les œuvres de Laforgue, d'Henri de Régnier, de Verhaeren, de Vielé-Griffin, de Paul Fort, montrent à quelles réussites magnifiques ils pourraient aboutir.
Mais au moment où je veux être convaincu, les vers que publie communément cette revue me troublent souvent et me jettent dans une grande perplexité. Alors je me souviens du mot d'un de nos maîtres à qui je vantais une toile de Gauguin : « Il est vrai, me dit-il... mais je crains d'être dupe. » Je m'en rapporte d'ailleurs à l'étude très loyale d'un de leurs théoriciens, Henri Ghéon, qui écrit : « Cette génération, hélas ! (celle qui nous précède) compte un très petit nombre de poètes du vers libre, au sens véritable du mot ; encore semblèrent-ils n'en avoir accepté que les principes négatifs : liberté et facilité, les plus commodes... » et il avoue plus loin : « Aussi comprendra-t-on que je salue à la fois avec joie et crainte la génération nouvelle, si riche en énergie lyrique, si piaffante... mais si peu disciplinée... »
Rendons justice à ces jeunes écrivains : ils ont su réagir contre la plus envahissante médiocrité, à une époque où le luxe de faire imprimer un livre est celui qu'on a coutume de se refuser le moins. Les femmes surtout, craignant de laisser à Mme de Noailles le monopole du génie, donnent dans ce travers avec une sorte de fureur. Manie dangereuse, au point qu'on ne peut plus aujourd'hui ouvrir un livre de vers, sans avoir le sourire de quelqu'un qui s'attend à tout. Dans leur revue, si jolie d'aspect, si soigneusement imprimée qu'on éprouve à la lire un plaisir presque physique, les disciples de M. André Gide se sont enfermés comme dans une citadelle sacrée. N'oublions pas que Paul Claudel ignoré du monde, et Charles- Louis Philippe y trouvèrent un refuge et d'intelligents thuriféraires. Et reconnaissons dans cette chapelle où l'on a le goût de prêcher, d'étonner et de n'être pas toujours intelligible, les plus subtils jeunes hommes de notre génération.
Avec les mêmes tendances amoralistes, la même aversion pour « l'art prêcheur », mais plus respectueux des règles traditionnelles, j'aperçois des alexandrins qui se soucient, avant tout, de la forme. Quand Jean-Louis Vaudoyer, pur écrivain et harmonieux poète, me dit d'un ouvrage qu' « il est bien fait », je sais qu'il me donne sa plus haute approbation. Henri de Régnier leur a passé les vasques et les cyprès, les attributs des dieux et tous les nobles accessoires dont ils usent aussi habilement que lui. Leurs livres sont des utilisations de voyages. La nature leur fournit peu de sujets, mais les galeries de tableaux les inspirent. Un paysage les émeut si quelque souvenir littéraire s'y rattache. Par exemple, une ville a du prix à leurs veux où Stendhal, un soir, s'est promené, où ils peuvent évoquer l'ombre romantique de Théophile Gautier. Ils sont gens à s'émouvoir au tombeau de Mme de Beaumont. Leur art suprême est de faire de la littérature à propos de littérature. Ils ne veulent avec leur livre que se complaire à des arrangements où ils excellent. Pour parler franc, ils ont le goût du décor bien plus que de la vie. M. de Mun les a, l'autre jour, très rudement chargés. Mais à ces artistes habiles et délicieux il aurait pu proposer un exemple, celui de M. René Boylesve : de la leçon d'amour dans un parc, dont la sensualité nous paraît quelquefois choquante, il est venu aux œuvres plus humaines et plus hautes où sa gloire aujourd'hui se consacre.
Enfin je trouverai une preuve de cette tendance qu'ont aujourd'hui les jeunes gens de préciser, d'arrêter leurs directions, dans le nombre d'écoles qui chaque jour fleurissent. Toutes aussi, comme l'indiquent leurs étiquettes, intensisme, unanimisme, paroxysme, etc., cherchent la formule d'un art héroïque. La faiblesse que j'ai de redouter certains mots, et l'obligation de me borner empêchent que je m'y attarde. Il suffit que je les nomme, on en trouvera partout les manifestes.
Gardons-nous des classifications arbitraires : les isolés et les romantiques impénitents abondent. Ne serait-ce pas pousser trop loin l'amour des formules que de distinguer dans l'œuvre de la comtesse de Noailles un effort vers la discipline? Son génie est, par essence, désordonné. Mais prenons garde que ce délire est sacré. Tel poème où nulle composition n'est visible, où elle aligne au hasard dix épithètes quand peut-être la onzième seule conviendrait, demeure pourtant un cri magnifique de douleur et de joie. Les images s'y bousculent. On sent bien qu'au dernier vers il lui en reste de plus inattendus et de plus rares et qu'elle ne se tait que pour reprendre haleine. Comment ne lui pas pardonner un excès de génie, et quel autre poète aujourd'hui mérite ce beau reproche ? D'ailleurs, si une telle frénésie nous déconcerte, si notre goût de l'ordonnance ne s'y peut satisfaire; elle contente au moins nos désirs de lyrisme. L'étonnant est que le lyrisme de cette païenne n'a d'autre source que celle dont tout à l'heure je vous ai entretenu : les vers qu'elle publia ces dernières années expriment l'inquiétude éternelle de la créature orgueilleuse et blessée qui tour à tour cherche, appelle et repousse son Créateur.
A l'instant de conclure, Monsieur, je ne suis pas sans éprouver quelque scrupule. N'ai-je pas donné une excessive importance aux manifestations d'un état d'âme qui est celui du petit nombre? Ai-je cédé à la tentation de ne voir dans cette jeunesse que ce qui flattait mon goût particulier? Un autre, si vous l'aviez interrogé, ne vous eût-il pas dit le contraire : que nous sommes libérés de toute croyance et farouchement individualistes, que nous souhaitons arriver par le chemin le plus court? Sans doute, beaucoup ignorent ces influences mystérieuses qui inclinent les meilleurs d'entre nous à chercher une loi pour qu'ils s'y soumettent, qui les obligent à découvrir au fond d'eux-mêmes leurs secrètes attaches avec les multitudes sans voix des générations mortes. Beaucoup n'ont pas encore établi en eux le silence nécessaire pour y entendre l'appel du « Dieu sensible au cœur » ; et peut-être sont-ils les plus fêtés et les salons les applaudissent. Fausse gloire, qui nous rappelle une phrase de Barrés : « Parmi (les jeunes gens), des enfants dominateurs péta¬ radent, qui disparaîtront bientôt. » Ces enfants prodiges arrivent trop jeunes dans la vie des lettres. Démunis de passé, ils n'ont rien à nous dire. Us ignorent que l'artiste, à l'exemple du Christ, doit avoir ses années de vie cachée, qu'il doit amasser dans l'ombre, au long de son adolescence, un trésor de souvenirs ineffables.
L'œuvre lyrique pressentie, nous la devrons à l'un de ces jeunes hommes passionnés pour une croyance, pleins du sentiment de leur responsabilité, et tels que j'en connais dans tous les partis. Ils savent qu'ils ne sont pas des isolés, qu'aucune de leurs actions n'est indifférente au tout : l'Amitié de France, la Revue d'action française, la Nouvelle Revue française, les Marches de l'Est, les titres seuls des revues où le jeune homme d'aujourd'hui nous livre son âme, lui rendent témoignage.
Je l'imagine arrivant de sa province, entrant dans Paris, un soir d'été. Il n'y apporte pas le désir de conquête des héros balzaciens. Il ne jette pas à la ville le « à nous deux ! » de Rastignac et de Lucien de Rubempré. Il ne va plus, comme les déracinés de Barrés, chercher au tombeau de Napoléon des secrets pour dominer le monde. Son royaume n'est pas uniquement de ce monde, et des leçons de Nietzsche il ne veut retenir que l'amour de la vie. Il arrive portant dans son cœur une foi qui dépasse infiniment les bornes terrestres de sa destinée.
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1912-04-06
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Enquête sur la jeunesse - La jeunesse littéraire
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21e année, n°14, p.59-72
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MEL_0741
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Jeunesse
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Il est difficile pour certains esprits de vivre heureux à Rome. Dans tout autre endroit du monde, nous n’avons pas conscience du temps, nous pouvons oublier que nous sommes éphémères. Mais cette sensation presque insupportable que chacun de nous a connue, ne fut-ce qu'une seconde: ce que pèse sur un seul être vivant la poussière de milliards de morts qui l’ont précédé, ici nous est imposée à chaque tournant de rue; moins peut-être par les grandes ruines fameuses, forums, arcs de triomphe, que par de plus humbles découvertes: soudain sur le chemin que vous suivez, les yeux baissés, apparaissent de larges pierres inégales; la route romaine affleure; voici les pavés qui ont retenti sous le pas des légions et que Pierre et Paul ont touchés de leurs sandales.
Même dans la campagne, au-dessus du lac de Némi et de Castel-Gandolfo, près des lieux où fut Albe la Longue, sur l’étroit chemin sylvestre, l'antique pavage se découvre que foulaient les adorateurs de Jupiter et de Diane.
De quoi est faite, sinon de cette angoisse, l'émotion que tout homme éprouve en avançant la voie Appienne? Ces restes de tombeaux qui la bordent, sauf celui de Cœcilla Metella, n'offrent plus aucun caractère de beauté. De toutes parts, une forêt de poteaux et de pylônes déshonore cette campagne romaine dont nous avions tant rêvé... Et pourtant aucun de nous ne songeait à rompre le silence. Le titre du roman de Proust me revenait à l'esprit: c'était bien du Temps retrouvé qu'il s'agissait, nous avions retrouvé le temps.
J'avais cru qu'à Rome le temps serait un gouffre sans cesse ouvert à mes côtés. Non, ce n'est pas cela: tout se rapproche au contraire, se met à portée de notre main, et sur le même plan. L'Empire est né, a crû, s'est écroulé dans ce bref intervalle de durée dont chaque pierre marque les étapes. J'erre du Vatican aux Catacombes: dans la même heure, je m’agenouille au plus profond de cette terre où le grain de sénevé fut enfoui, et m'assieds à l’ombre du grand arbre qu'il est devenu.
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Le romantisme a vécu de ces pensées. Elles ont attiré ici et enivré les beaux esprits sensibles à la poésie de la mort. Mais nous savons aujourd'hui que Rome n’est plus faite pour le sombre plaisir des cœurs mélancoliques. Son maître, son duce attend d’elle et en reçoit une tout autre leçon. L’Eglise utilisait ces vieilles pierres pour édifier ses premières basiliques, et lui les remet à leur place, les rend à leur dignité première: elles deviennent les éducatrices de la jeune Italie.
Il les charge de rendre aux Romains d'aujourd'hui l'orgueil d'être les fils de ceux qui ont bâti la ville et dominé le monde. Sur les murs de la via dell'Impero, des cartes immenses nous montrent Rome s'élargissant peu à peu jusqu'à se confondre avec l'univers. Mussolini impose à ses légionnaires d'entendre la leçon des arcs de triomphe indestructibles. Il exige que la majesté du Sénat et du peuple romain ne paraisse plus seulement dans les débris qui jaillissent du sol, mais aussi dans les cœurs et sur les visages des vivants.
Et sans doute il y a réussi, bien que cette transformation de tout un peuple n'éclate pas au regard avec autant d'évidence qu'on m’avait dire et que le cinéma me l’avait fait croire. Le cinéma est bien trompeur: il nous donne l'illusion que certains peuples passent leur temps à défiler par quatre en levant le bras. Pour moi qui n'avais pas franchi la frontière depuis la guerre, je m'étonne de trouver dans le caractère italien la plupart des traits qui m'avaient séduit autrefois. Moins d'abandon peut-être, une plus grande surveillance de soi... Ce peuple pauvre et de vie frugale se tend dans un effort héroïque, et l'on découvre sur les beaux traits de la jeune Italie une légère crispation... Mais c'est bien le même visage que notre jeunesse a tant aimé.
Et sans doute il suffirait d'un grand déploiement militaire, d’une manifestation fasciste, pour nous rendre sensibles les changements accomplis. Il n'empêche que la physionomie réelle d'un peuple apparaît aussi dans le train ordinaire de la vie. Je retrouve tous mes souvenirs dans ces rues étroites pavoisées de lessives. Les vertus nouvelles, ou plutôt les vertus recouvrées, n'ont pas eu raison de cette gentillesse, de ce charme d'enfance du peuple italien.
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Peut-être en aurai-je une autre impression s'il m'est donné, par exemple, d'assister à l'arrivée du ministre français. “Savez-vous si c'est pour cette semaine? Viendra-t-il?” La question est ici sur toutes les lèvres. Ce n'est pas assez de dire qu'elle est posée avec impatience…
Une des curiosités de Rome en cette fin d'année, c'est notre ambassade, c'est ce palais Farnèse où la vie va son train, où les Français sont accueillis avec autant de bonne grâce que si l'ambassadrice n'avait aucun sujet d'inquiétude, que si l'ambassadeur n'avait pas d'autres chats à fouetter. Je voudrais que tous les gens affairés, que tous les “importants” qui affectent de ne savoir où donner de la tête et qui vous reçoivent entre deux portes, apprennent ici, à l'école du comte et de la comtesse de Chambrun, cet art de ne se piquer de rien et de ne pas porter enseigne. L'ambassadeur disparaît, et nous savons bien ce qui le sollicite et qu'il s'agit d'une affaire qui engage l'avenir de l'Europe. Mais il revient et reprend la conversation interrompue, sans rien trahir de ce qui occupe sa pensée...
Au vrai, je doute que cette science s'acquière: il y a, pour les diplomates bien nés, une certaine façon d'être légers avec profondeur... Rien ne protège mieux un homme chargé de grandes affaires, rien ne le rend à la fois plus accessible et plus insaisissable que l'usage du monde porté à sa perfection.
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Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1935-01-03
Title
A name given to the resource
Impressions de Rome
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Le Journal
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
MEL_0407
Source
A related resource from which the described resource is derived
n° 15418, p. 1
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
François MAURIAC
Relation
A related resource
<a href="http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34429768r/PUBLIC" target="_blank">Notice bibliographique BnF</a>
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
Pdf
Microfilm
Language
A language of the resource
Français
Subject
The topic of the resource
Traces, Mémoire, Vestiges, Faits divers, Fascisme
Description
An account of the resource
Souvenirs entre sacré et profane d’un retour à Rome à l’époque du régime mussolinien, entre traces d’une splendeur perdue et actualité des contacts présent avec le peuple italien. Un peuple dont la gentillesse et le "charme d’enfance" sont ressenties, par le chroniqueur Mauriac, comme en total décalage par rapport à l’image martiale et impériale que de ce même peuple veut donner le régime. Éloge de "l’usage du monde" de la diplomatie française de l’époque.
Type
The nature or genre of the resource
Chronique
Faits divers
fascisme
Mémoire
Traces
Vestiges