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“Quelle pauvre vie ! —me dit un jeune homme— prétendez-vous que ce destin d'André Lafon nous attire: une petite ville morne, une cour de collège, une étude puante, le dortoir, la solitude, l'angoisse, la mort! S'il existe une doctrine pour nous persuader que cette pauvreté est une richesse et cette laideur une splendeur, nous rejetons une telle doctrine. Elle vaut pour un misérable à qui rien ne reste que de se glorifier justement de ce qu'il est misérable.”
Je réponds que mon ami était, au sens profond du terme, un jeune homme riche. Il possédait cette royauté qui vaut tout l'or du monde, qu'entre dix-huit et trente ans certains détiennent: cet aimant irrésistible qui attire les cœurs et surtout qui les retient. “La belle affaire de plaire à vingt ans!” s'écriait un jour Barrés. Il est plus rare de retenir. André Lafon, s'il intéressait de prime abord, c'était quand on entrait un peu plus avant dans sa vie que se révélaient ses philtres: cette attention grave dont il vous couvait, cette noblesse dans l'attitude, ce détachement aussi, Cette fuite, —la recherche de l'ombre, l'obsession de se dérober, cette douceur qu'il faudrait dire inhumaine. Pour qui était la source de passion dont se soulève la lourde terre de ses poèmes? Certes s'il l'eût voulu, il aurait pu jouer comme tant de jeunes hommes avec les cœurs. Les autres auraient pu être ses jouets éternels. Il détenait toutes les armes du chasseur, du ravageur. Mais il est un autre amour...
Et de même la réussite s'offrait à lui sans qu'il la cherchât. Rien de plus inattendu que Barrés qui relance, jusque dans une cour de récréation, ce surveillant. Il n'a pas fait une démarche, pas un geste, et ce grand prix de littérature lui tombe du ciel; des reporters l'interrogent, le photographient; il soulève même des jalousies qui ont résisté à sa mort, à la guerre, qui grondent encore. Mais rappelons-nous sa réponse quand je lui conseillai sottement le tonique d'une lecture de Balzac. Il s'étonne, il ne comprend pas: qu'a-t-il à apprendre de ces médiocres ambitieux? Étonnement non joué. Cela ne compte pas; cela n'existe même pas: non qu'il manque d'ambition, mais quelle étrange ambition! “Nous sommes des âmes affamées d'épreuves...” me dit-il dans la même lettre.
Ce ne saurait donc être par manque, par pauvreté, qu'il s'écarte de ce que vous appelez amour et de ce que vous appelez ambition. Mais possédé de la même faim, il ne la satisfait pas si aisément. Beaucoup de jeunes écrivains aujourd'hui seraient dignes de le comprendre et peut-être ai-je eu tort d'écrire qu'il était très loin d'eux. Je ne prétends point parler ici de ceux qui sont célébrés dans les enquêtes et qui ont reconquis la foi en l'intelligence, le goût de l'action, la santé: mais des malades, de ceux qui, peu ou prou, ont été touchés par cet étrange mal du siècle appelé, sous sa forme la plus virulente: dada. Hélas! les malades sont toujours les plus nombreux.
Considérez d'abord à qui, chez les vivants et chez les morts, va le cœur de cette jeunesse: à des écrivains aussi différents que Baudelaire, Rimbaud, Mallarmé, Claudel, Gide, Jammes, Proust, Valéry... —différents, certes, mais dont nous frappe d'abord ce trait commun: ils n'ont pas fait carrière. Des abîmes les séparent et pourtant ils détiennent ensemble ce qui s'appelle un air de famille. Aucun d'eux n'a mis au-dessus de tout la réussite matérielle. Un sentiment tragique de la vie les possède. Us savent qu'ils jouent, qu'ils sont engagés dans une partie dont formidable est l'enjeu. Sans doute il existe d'autres maîtres plus fameux, dignes aussi de vénération. Mais la leçon que ces officiels nous donnent pour la traversée de la vie, c'est le train de luxe, la meilleure place retenue, —un coin marche avant et pas sur les essieux. Les jeunes gens dont je parle trouvent chez les “poètes maudits” une leçon plus adaptée à leur angoisse. Ils savent d'avance, comme André Lafon, que l'expérience du bonheur est vaine, que le pauvre bonheur humain ne nous est pas même une goutte d'eau mais qu'il augmente notre soif; et que la voix de l'amour, quand elle s'élève dans notre cœur, en fait plus terriblement retentir la solitude. Ils méprisent l'activité même quand ils s'y adonnent, parce qu'ils pressentent que pour qu'elle fût noble, il faudrait qu'elle fût sainte, comme dit Amiel, et dépensée au service de ce qui ne passe point.
Mais, pénétrés comme André Lafon d'angoisse, bien loin de se tourner à son exemple vers l'intérieur, et parce qu'ils ignorent que le royaume est au dedans d'eux-mêmes, ces jeunes hommes se fuient. De chacun on peut dire à la lettre qu'il est “hors de soi”, et le public n'a pas tort de dénoncer leur folie, si la folie est d'être dépossédé de soi-même. André se cherchait, et ils se perdent. André n'avait de cesse qu'il n'eût dressé, qu'il n'eût clos autour de son âme les murs d'une cellule: celle que sainte Catherine de Sienne a dénommée “la cellule de la connaissance de soi-même”. Et eux, s'ils souffrent, ils se glorifient aussi de ne pas connaître leurs limites et se font gloire de cette ignorance.
“Unité multiple et multiplicité une”, ainsi M. Bergson définit-il l'individu; et encore il ajoute qu'unité, multiplicité sont des vues prises sur nous de l'extérieur par notre intelligence. Rien de si affreux que d'être un carrefour grouillant. C'est peu de dire que ces jeunes gens n'y veulent aucun service d'ordre. Ils se créent à eux-mêmes des alibis, s'amusent de gestes qui ne leur ressemblent pas. Les Caves du Vatican, d'André Gide, ont inspiré toute une littérature à propos de crimes immotivés, “d'actes gratuits”. Mais ces jeunes écrivains ne s'y livrent pas qu'en esprit. Et n'est-ce pas violer la règle même de la vie qui est de se créer indéfiniment soi-même? Si M. Bergson a raison d'écrire que “nous sommes dans une certaine mesure ce que nous faisons”, le système de ces jeunes gens est donc de se détruire et, à la lettre, de se défaire. Comment se connaîtraient-ils, eux qui traitent leur être comme Pénélope sa toile?
Ils se persuadent pourtant qu'en perdant leur individualité ils sauveront en eux l'artiste, et que tout de même ils finiront par se trouver dans leurs propres ouvrages. C'est la leçon que leur donne André Gide quand il proteste qu'un écrivain se doit d'abord d'ignorer ses limites et de ne se découvrir qu'à mesure qu'il crée: ses héros ont seuls mission de le renseigner sur lui-même; il trouble son eau pour mieux pêcher.
Mais justement l'œuvre de ces jeunes gens n'est révélatrice que d'une destruction systématique. Des garçons comblés d'intelligence et de finesse n'expriment plus rien dans leurs ouvrages qu'un érotisme morne. Comment Gide ne voit-il pas —en dehors de toute question morale et en ne considérant que les exigences de l'art— qu'une littérature érotique sera le fruit de sa doctrine? Ce courant auquel il veut que nous nous abandonnions sans lutte, cette marée, ce flux et ce reflux ont un nom: désir, assouvissement —assouvissement, désir. Ce qui bénéficie de cette ignorance de nous-mêmes, c'est la chair. La méconnaissance de nos limites, quel profit pour elle, et comme elle a vite fait d'empiéter! C'est elle, l'adversaire formidable dont l'empire s'étend sur les cœurs qui ne se connaissent pas. Toute confusion lui est chère, et toute ténèbre intérieure l'enchante. Ne soyez pas surpris que l'artiste, draguant cette eau limoneuse, ne ramène que des figures immondes.
Il n'en a pas été ainsi, m'opposera-t-on, pour un Dostoïevsky, pour un Gide même. C'est que le premier fut sans doute, en dehors de la véritable Église, le plus passionné chrétien du dix-neuvième siècle, et que l'autre, quoi qu'on en ait dit, entre tous les écrivains non catholiques d'aujourd'hui, apparaît le plus harcelé, le plus tourmenté. En vain se secoue-t-il comme un sanglier coiffé d'une meute: Dieu est le centre de son drame. Mais bien différents sont les enfants lamentables de la victoire, ceux qui reviennent du rivage de la mort avec cet air gavé et inassouvi, et qu'attirent l'atmosphère confuse des bars, une musique dont les rythmes divisent l'être, le dispersent, ces alcools qui tuent la conscience. Tout leur est occasion de se perdre, de s'anéantir. J'ai souvent pensé que lorsque le Christ dit: “Je suis la Vie”, il l'est en effet à la lettre, et au sens le plus physique, pour tels jeunes hommes qui meurent de n'avoir pas la Vie en eux.
Ces Narcisses, prisonniers d'une eau bourbeuse, y cherchent, s'ils sont romanciers, l'image brisée des êtres qu'elle reflète. Un individu extérieur à eux, ils s'épuisent à vouloir en appréhender les aspects contradictoires et cette figure mouvante qu'ils découvrent en eux-mêmes. Si leurs héros y perdent toute unité et toute logique, nos jeunes écrivains se rassurent en se comparant à Dostoïevsky dont les personnages, soumis à la fois à des impulsions immondes et à des inspirations saintes, n'ont pas seulement deux hommes en eux comme l'Apôtre, mais une foule murmurante et divisée. L'erreur est de croire que ce qui a été donné par exception à un Dostoïevsky nous puisse servir de règle: qui d'entre nous porte en lui un monde, comme ce Dostoïevsky — monde peut-être sans rapport avec le réel? Nous cherchons désespérément les traces des génies admirables, mais singuliers —et qui ne sont pas de bons maîtres justement parce qu'ils sont singuliers. (Ainsi convient-il de se méfier d'une littérature que Rimbaud inspire: on ne refait pas le trajet d'une étoile; on n'avance pas dans le sillage d'un “bateau ivre”.)
L'art inimitable de Dostoïevsky est de créer des personnages à la fois contradictoires et coordonnés. Dans la plupart d'entre eux, le Christ intervient pour diviser, comme II fait toujours. Or, diviser c'est déjà mettre de l'ordre, amorcer un classement, organiser un conflit. Chez ceux de ses héros d'où le Christ est absent, l'abîme que creuse en eux cette absence devient le centre autour de quoi leur confuse personnalité se recompose. Nos jeunes romanciers créent des êtres aussi contradictoires, mais dont le caractère essentiel pourrait être défini: incoordination, par exemple les héroïnes de l'admirable Ouvert la nuit. Il est juste d'ajouter qu'aujourd'hui, c'est en effet sous cet aspect d'incoordination qu'hommes et femmes nous apparaissent le plus souvent, parce que les cadres religieux, familiaux, ethniques ne les soutiennent plus. L'art de Paul Morand et de ses émules exprime donc fidèlement la confusion du monde après une longue tuerie.
N'empêche que le romancier ni son lecteur ne se résignent à ne pas dépasser un tel désordre. L'incohérence de nos créatures nous tourmente; nous voulons découvrir les pôles de ces mondes mystérieux. Pierre Drieu La Rochelle a intitulé la Valise vide le récit de ses tentatives pour interpréter les gestes décousus, les actes saugrenus d'un camarade qu'il ouvre, comme il faisait des pantins de son enfance. Mais cherchant mal, il ne trouve rien, et traite insolemment sa victime de “valise vide”.
Le secret d'André Lafon —et qui est un secret catholique— c'est qu'il n'y a pas de valises vides. Il savait atteindre la part immortelle d'une pauvre servante et d'un camarade frivole. Dans les instants de la première jeunesse où nous nous croyons riches parce que nous vivons dans une immense dispersion, il m'a toujours ramené doucement et fermement à mon centre. Sa méthode...
A ce seul mot quelqu'un m'arrête et m'objecte: “Toute méthode, nous la rejetons d'avance. La vertu dominante de notre génération, c'est la sincérité. On peut tout nous refuser, hors cette passion de ne rien dissimuler de nous-mêmes. Ce que vous appelez érotisme n'est que le fruit imprévu de cette passion. Reconnaissez qu'il est d'une tout autre qualité que l'érotisme commercial de tel ou tel. Les futurs fabricants de manuels, et qui déjà proposent de nous réunir tous sous la rubrique Crise de la personnalité, seraient mieux venus de choisir, en guise d'étiquette, Passion de la sincérité.”
Ne s'agit-il pas ici d'une fausse sincérité, —de la forme la plus subtile du mensonge? Ce “moi” où vous ne voulez nulle retouche, n'en effacez-vous point par un savant truquage cette note à peine indiquée, comme dans ce tableau de Ver Meer, devant lequel Proust fait mourir son Bergotte, la précieuse matière jaune d'un tout petit pan de mur? Cette touche à peine indiquée, c'est l'instinct que Proust, apparemment si détaché de métaphysique, reconnaissait en lui-même: “La foi en un monde différent, fondée sur la bonté, le scrupule, le sacrifice, un monde entièrement différent de celui-ci...” Cette sincérité prétendue qui vous défend d'agir sur votre être secret, justement le modifie; ce refus d'intervenir est une intervention décisive: une part de nous-mêmes, faute de culture, s'atrophie; une autre, faute de règle, s'hypertrophie. Par cet abandon même, votre moi gauchit; vous le déformez en ne le formant pas. A quoi Gide peut-être opposera que s'ils existent en nous, ces signes d'une destinée immortelle, il suffit que l'écrivain ne se contraigne en rien, qu'il s'abandonne, pour que dans l'œuvre jaillie de lui se retrouvent les traces divines. Et c'est vrai que dans la Porte étroite, dans la Symphonie pastorale, Gide a beau ne s'appliquer qu'à une charge du sacrifice mystique ou d'une forme de l'hypocrisie religieuse, nous sentons bien que c'est à une part de lui-même qu'il en veut; rien qu'en suivant sa pente, Gide nous découvre un Gide que le Christ inquiète, obsède, et peut-être importune. Mais répétons que la méthode, en tout cas, ne vaudrait que pour le très petit nombre des “poursuivis”, vrai gibier de la grâce, et de qui l'immoralisme n'est qu'une réaction, une défense, une fuite hors du filet sans cesse rabattu sur eux par un chasseur inlassable.
D'ailleurs, que signifie de ne pas intervenir? Cet état d'indifférence et d'abandon à soi-même, cette sincérité totale n'est que fiction et construction de l'esprit. La philosophie qu'exprime, par exemple, ce chef-d'œuvre de Gide, les Nourritures terrestres, pour que je m'y rallie, il faut que je me livre sur moi-même à un travail immense; il faut que j'extirpe de moi cette connaissance du bien et du mal qui m'est, si j'ose dire, consubstantielle. Pour que la vie ne soit plus, selon l'image gidienne, “qu'un fruit plein de saveur sur des lèvres pleines de désirs”, que n'a-t-il fallu détruire en moi! Quelle révolution au profit des régions basses de mon être! Mais sont-elles moi-même plus que les parties hautes qu'attire le monde dont nous parle Proust, fondé sur la bonté, le scrupule, le sacrifice?...
C'est vrai que Proust lui-même a toujours paru concevoir la vie comme si ce monde sublime n'existait pas; et puisqu'ici nous ne touchons à la question morale qu'en rapport de l'esthétique, il faut bien reconnaître que ce Proust, apparemment si peu soucieux d'action intérieure, et tout occupé non à se conquérir, mais à demeurer le lucide témoin de sa défaite et de sa destruction, fut tout de même d'une miraculeuse fécondité. Jacques Rivière disait récemment à un journaliste: “Il y a des chemins vers les autres êtres qu'ont suivis de tout temps les grands créateurs; mais ce sont des chemins intérieurs. Comment faire vivre des personnages si on ne les saisit pas d'abord dans la joie et dans la souffrance que l'on a reçues d'eux? Et où sont-elles, cette joie et cette souffrance, si ce n'est en nous-mêmes?” Oui, c'est vrai: prisonnier de son moi, asservi comme personne avant lui, Proust en sut extraire la substance d'une humanité sinon plus vivante, du moins plus complexe que celle même de Balzac. C'est en lui, et non au dehors, qu'il a découvert tant d'êtres, tant de milieux, tant d'atmosphères. Il n'a pas été au centre du monde comme un écho sonore ni comme un miroir, il s'est incorporé le monde, il l'a absorbé pour le créer une seconde fois. Plus je relis pourtant cette œuvre unique et plus il m'apparaît que son défaut essentiel réside dans un trait commun à toute l'humanité proustienne: cet abandon, cette non-résistance, une soumission aveugle à l'impulsion, le parti pris qu'ont toutes ses créatures de ne pas réagir.
Si c'était là le défaut d'un seul personnage —de celui par exemple qui dit “je”— il faudrait louer dans ce trait une observation juste: mais qu'il s'agisse de cet adolescent, ou de Swann, ou d'Odette, ou de Charlus, ou de tout autre, nous nous rappelons toujours ce navire démoli et condamné à un éternel mouillage qu'évoquait Jacques Rivière à propos de Proust, et dont les flancs sont dévorés par une innombrable végétation de pensées, de désirs, de perceptions. Tous livrés, démunis, à leurs sensations, ils ne diffèrent entre eux que par la conscience plus ou moins nette qu'ils en gardent. Parce que Proust consentit à cette passivité, à cette prostration lucide, l'humanité née de lui, et qu'il ne sut appréhender qu'à travers lui-même, en demeure atteinte. Parce qu'il n'a voulu nulle retouche à son moi et qu'il ne fut soucieux que de l'interpréter sans le déformer, les êtres qui s'y trouvaient contenus en puissance et qu'il n'a qu'à demi libérés, évitent aussi le contrôle de leur volonté, et même les plus conscients, ne sont curieux que du courant qui les entraîne et se divertissent à démêler les motifs des actes d'autrui, sans nulle tentative pour intervenir: il leur suffit de comprendre. Si la mer Morte qui recouvre Sodome et Gomorrhe a envahi démesurément l'univers proustien, n'est-ce pas que la volonté n'y résiste guère aux mouvements de l'instinct toujours observés, enregistrés, décrits, jamais contenus? On nous assure que les personnages les plus normaux du roman, comme Saint-Loup, deviendront, à la fin, les émules du baron de Charlus. Proust ne peut, en effet, que nous convier au spectacle d'une destruction ininterrompue: ses héros les plus opposés, glissant au long de la même pente, sombreront dans le même abîme. Ainsi, parce qu'il se défend de toute action, de toute intervention sur soi-même, l'artiste s'est dépouillé dans une certaine mesure du pouvoir magique qu'il possédait à un degré si éminent de créer, sinon des êtres tout à fait détachés de lui, du moins différents les uns des autres.
Un maître vient de mourir qui, certes, n'a pas dédaigné en lui les régions confuses, qui toujours a reconnu que l'artiste est tributaire de ces obscures profondeurs, où lui-même s'est plus audacieusement égaré que personne, et qui nous a toujours ramenés, par dessous les froides apparences, “au royaume ténébreux de l'enthousiasme”. Mais Barrés craint de s'y perdre et nous avec lui. C'est sa grandeur d'avoir su concilier les tendances antagonistes: abandon à l'instinct, culture de nos parties hautes. De quel autre aujourd'hui dirons-nous qu'il est grand? Barrés mort, le chêne abattu, nous voyons l'espace de ciel que couvraient ses frondaisons, et nous nous rappelons ce qui est écrit aux premières pages de l'Appel au soldat: “Il faut élaguer en soi bien de la broussaille pour que notre bel arbre propre puisse étendre ses racines, se nourrir de toute notre vie et couvrir de ses branches dans l'univers la plus grande surface.” Au début de ce dernier livre qui nous arrive, signé de lui, quinze jours après sa mort, Barrés nous avertit que “l'éducation de l'âme, c'est la grande affaire qui l'a préoccupé et attiré toute sa vie...” Enfin, si la question morale ne nous occupe ici que du point de vue esthétique, souvenons-nous que Barrés louait Goethe de ce qu'il nous ouvre la voie du grand art “en nous montrant que, pour produire une plus belle beauté, le secret, c'est de perfectionner notre âme. Gœthe travailla sans cesse à se développer en s'élevant. L'artiste est grand selon qu'il possède une imagination de héros. De là l'effort si raisonnable de Goethe pour épurer, ennoblir continuellement sa sensibilité. Il nous est utile par l'exemple de sa vie, mieux encore que par son œuvre...” Que cette dernière phrase s'applique à Barrés lui-même autant qu'à Goethe, c'est ce qu'il nous sera doux et profitable de montrer, lorsque le silence enfin se sera fait sur cette tombe illustre, et que nous ne craindrons plus de ressembler à ces parlementaires qui, apprenant la mort de Victor Hugo, “se ruaient sur le cadavre, nous dit Barrés, pour lui emprunter de l'importance”.
Ce goût de Barrés pour les hommes vraiment intérieurs; cet amour qu'il eut des belles âmes, le guida vers les plus humbles, vers les plus secrètes. Un jour qu'André Lafon surveillait des enfants dans le jardin du collège de Sainte-Croix, on l'avertit que quelqu'un l'attendait au parloir: c'était Barrés —Barrés “l'amateur d'âmes”, mais non plus au sens où il l'entendait dans le temps de sa terrible et splendide jeunesse; déjà ne l'attiraient plus que celles qui, à l'exemple de Jacqueline Pascal, ne veulent mettre de limite à la pureté ni à la perfection. Certes, il se peut que ce désir de se dépasser, si d'abord il nous ouvre la voie du grand art, à mesure que nous avançons, nous détache de toute gloire humaine. S'il n'existe de très grands romanciers que chez les peuples religieux, si la religion seule est créatrice de conflits, nul doute pourtant qu'elle détourne ses fidèles de peindre dangereusement les passions et qu'elle tue le romancier pour que le saint s'épanouisse: la sainteté, c'est presque toujours le silence. J'entrevois qu'André Lafon vivant n'aurait plus guère écrit que de fervents et brefs poèmes. Mais c'est lorsque Pascal renonce toute ambition et toute gloire que des cris lui échappent qui nous bouleversent encore. André Lafon à genoux et les mains unies, que n'eût-il exhalé dans le silence de son amour?
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1924-01-12
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Examen de conscience sur la tombe d'André Lafon
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MEL_0726
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33e année, n°2, p.131-142
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Chronique dramatique
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François MAURIAC
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<a href="http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34350607j/PUBLIC" target="_blank">Notice bibliographique BnF<br /></a>Repris avec le titre "Examen de conscience":<br />in, p.157-184, <em>La Vie et la mort d'un poète</em>, Paris: Bloud et Gay, 1924.<br /><span>in, p.401-409, </span><em><span>Oeuvres complètes, IV,</span></em><span> Paris : Fayard, 1950-1956.</span><span><br /><span>in, p.53-62, in </span><em>Oeuvres romanesques et théâtrales complètes, 5</em><span>, Paris : Gallimard, 1978-1985.<br /></span></span>in, p.232-244, <em>Dieu et Mammon,</em> Paris: Grasset, 1958.<br /><span>À</span> ne pas confondre avec le texte "<a href="http://mauriac-en-ligne.u-bordeaux-montaigne.fr/items/show/545" target="_blank">Examen de conscience</a>" publié en 1940 dans la revue <em>L'Europe centrale</em>.
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Au Théâtre Michel, M. Denys Amiel joue ce jeu dangereux de troubler la digestion laborieuse d'un public encore tout échauffé de homard et d'épices. Au lieu des calembredaines habituelles de ce théâtre, il nous impose trois actes pathétiques mais un peu confus, et nous oblige de résoudre divers problèmes urgents. Un ménage, aussi uni soit-il, ne vit pas impunément dans une société pourrie; c'est pourquoi ses héros se décident à fuir Paris, hélas, déjà trop malades pour avoir le courage de partir seuls; et ils cèdent à la tentation d'emmener un autre couple. Que feraient-ils dès lors, à la campagne, sinon jouer aux quatre coins, et se trahir les uns les autres? Le jeu achevé, M. Denys Amiel se demande et nous oblige à nous demander pourquoi la trahison de la femme ne saurait être mise en balance avec la trahison de l'homme. Dans un second acte magistral où s'opposent les deux douleurs: celle de Mlle Eve Francis, toute de jalousie et d'humiliation, et celle autrement plus tragique de M. Baur, l'auteur est entraîné plus loin qu'il ne voudrait et jusqu'à poser cette question qui rejoint la métaphysique: pourquoi, en dépit de nous-mêmes, le don du corps est-il d'une importance qui nous dépasse? pourquoi ce retentissement presque infini d'une action si ordinaire? La pire utopie du dix-huitième siècle, c'est d'avoir considéré si légèrement ce qu'il croyait n'être que l'échange de deux fantaisies... Mais Denys Amiel a pitié enfin d'un public congestionné et il décide que le bonheur du Couple doit être sauvegardé par le mensonge. Il faut que la femme nie sa trahison, il faut qu'elle mente parce qu'elle sait bien que l'homme ne pardonnerait pas, ou que son pardon ne servirait de rien contre la réalité d'un acte une fois commis et qui l'est pour l'éternité. M. Denys Amiel, aussi habile qu'aucun de ses confrères, nous paraît plus que la plupart soucieux d'atteindre la vérité humaine; depuis la Souriante Madame Beudet, nous savions que son ambition dépasse le succès immédiat; c'est un artiste.
Le Voile du souvenir est une assez bonne pièce de la série qu'il faut bien qualifier série Gaston Baty. Sur tous les tréteaux où sont utilisés les dons admirables de ce metteur en scène, nous sommes sûrs d'être transportés dans d'exotiques pays, et qu'il y aura force simouns, tempêtes de sable, bruits de coulisse à nous faire froid dans le dos. Une jeune fille, qui chante dans des salons à Paris, est réduite par la famine à se réfugier au Maroc, chez un frère dont la femme est une mégère. Par coup de tête, cette étrange jeune fille s'enfuit avec un marchand de cochons. Comme elle lui résiste, il la jette dehors en pleine tempête Baty. Poursuivie par un satyre marocain, dans une longue scène muette comme les adore M. Baty, la pauvre jeune fille doit bien se rabattre sur le marchand de cochons... puis elle apprend qu'elle est lâchée par son fiancé de Paris; sa vie ancienne ne lui apparaît plus embellie dans le souvenir, mais telle qu'elle était réellement, humiliée et misérable; elle essayera donc d'être heureuse avec le bon et grossier marchand de cochons.
M. Clément Vautel, qui n'aime pas Stendhal, adore Voltaire; et c'est pourquoi ce dangereux ami tire une pièce non de la Chartreuse, mais de Candide. Ce n'est point qu'elle ne nous ait paru habile et divertissante; mais pour obtenir une guignolade, fallait-il triturer un chef-d'œuvre? Ici, M. Gaston Baty s'est mis à l'école de M. Balieff et les personnages de carton peint ont paru enchanter la salle.
Que mes lecteurs me pardonnent la brièveté de cette chronique, la dernière que je donnerai ici sur le théâtre: je suis à bout de souffle. Mon successeur, M. Martial-Piéchaud, le romancier que connaissent et aiment les lecteurs de la Revue hebdomadaire, et qui est aussi le dramaturge de Mademoiselle Pascal c'est-à-dire l'un des meilleurs de sa génération, aura sur moi, entre autres supériorités, celle de ne pas s'ennuyer, comme il m'est arrivé trop souvent, dans un fauteuil d'orchestre qui est quelquefois un strapontin. Il faut aimer beaucoup le théâtre pour résister à tant de mauvaises ou exécrables pièces, aux entr'actes indéfinis, aux ouvreuses, aux contrôleurs; il faut l'adorer pour ne pas éprouver à la sortie une impression pénible de vide intérieur... Que de fois, rentrant le soir, ai-je senti le besoin d'ouvrir un livre, de lire quelques pages pour me débarbouiller l'esprit de toutes les niaiseries entendues!
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1923-12-22
Title
A name given to the resource
Le Couple, trois actes de M. Denys Amiel au Théâtre Michel - Le Voile du souvenir, trois actes de MM. Turpin et Fournier - Candide, cinq actes de M. Clément Vautel à l'Odéon
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Revue hebdomadaire
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MEL_0725
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32e année, n°51, p.588-590
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Chronique dramatique
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François MAURIAC
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57c5a4b8e09368b65b38794aefe46d57
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Après avoir vu le nouvel ouvrage de M. Édouard Bourdet, je n'oserai plus répéter que tout ce qui est humain est étranger aux auteurs dramatiques de notre temps, M. Bourdet nous montre enfin des êtres vivants, plus vivants même qu'il ne parait d'abord: une certaine maladresse, des longueurs, des piétinements —tout ce que M. Édouard Bourdet évite avec une maîtrise presque excessive— c'est cela souvent qui, dans certaines pièces russes ou scandinaves, nous donne le mieux l'impression de la vie. Dans l'Homme enchaîné, aucune porte ne s'ouvre sans raison; les personnages ne prononcent une parole ni ne font un geste qui ne soit à la fois une conséquence et une préparation: ici, tout satisfait les logiciens que nous sommes. Mais, derrière ce bel ordre, des cœurs souffrent de leurs contradictions et de leurs désordres; ils ne sont pas tout d'une pièce.
Quand Hélène a rencontré l'avocat Michel Verdier, c'était une jeune femme divorcée, un peu perdue dans un milieu facile. Elle s'est donnée à lui sans amour, parce qu'elle était isolée et qu'il lui inspirait confiance. Elle a souffert, la vie l'a humiliée, elle n'oserait imaginer jusqu'où va la passion qu'elle inspire, ni que Michel songe à l'épouser. Elle ignore que c'est pour elle qu'il va aux États-Unis s'assurer d'une clientèle, et que ce voyage rendra leur mariage possible. Demeurée seule, elle se trouve sans force contre la passion d'un de leurs amis, Philippe Darthy. Telle est la destinée des jeunes femmes dénuées de toute vie intérieure: un amour est leur unique défense contre l'amour; et il aurait fallu qu'Hélène aimât Michel pour ne pas céder à Philippe; Philippe triomphe sans peine d'un cœur inoccupé. Ce n'est pas la faute de M. Bourdet si la plupart des femmes sont à ce point démunies; Hélène est un petit être sensuel et tendre qui n'a point de soucis métaphysiques et que ne tourmente pas sa propre gloire; elle n'entend le mot “propreté” qu'au physique La vie intérieure, dont Renan écrivait qu'elle est la seule réalité, M. Bourdet, qui peint les femmes de ce temps, a peut-être eu raison de ne pas vouloir qu'il y en eût la moindre lueur dans ses héroïnes. Elles sont vraies, hélas, mais si pauvres —plus animales qu'une paysanne russe qui croit que l'abandon de son corps engage l'éternité.
L'excellent Michel Verdier, après son malheureux voyage, est tout de même un grand naïf d'imaginer qu'avec une telle femme, pour charmante qu'elle paraisse, il puisse dormir sur ses deux oreilles. Mais il arrive qu'une fois épousée, Hélène adore son mari. Que cela est humain! M. Bourdet sait que l'amour se tisse parfois lentement et fil à fil, et peut-être est-ce le plus solide. Amoureuse de son mari, Hélène oublie sa liaison avec Philippe, au point d'être même plus gênée par sa présence. Cette inconscience est un trait d'observation profonde, car l'univers d'une femme, c'est son amour: ceux qui n'y ont plus de part s'en détachent comme des aérolithes; et elle s'étonne de ces poids morts qu'elle entraîne après soi et qui ne l'intéressent plus. Mais Philippe est enchaîné à la vieille Simone Avize, prête à tout pour ne pas le perdre et qui sait qu'Hélène fut naguère la maîtresse de son amant. Pour se faire épouser, elle imagine d'exiger qu'Hélène, qui peut tout sur Philippe, la décide à ce mariage honteux, sinon elle ruinera le bonheur de la jeune femme, en révélant sa faute à Michel. Mlle J. Rolly, dans le rôle de la vieille maîtresse, est à faire peur à force de vérité: elle nous apparaît, non plus seulement comme une femme féroce, mais comme le spectre même du collage. Peut-être ici échappons-nous un peu au réel: Philippe aime Hélène jusqu'à se soumettre au chantage ignoble de sa maîtresse. Mais aucun homme ne se déshonore par amour —je veux dire sans profit pour son amour. Dans la vie, Philippe aurait trouvé le joint pour sauver à la fois son honneur et le bonheur d'Hélène. Même s'il n'eût pas réussi à réduire au silence la mégère, ces sortes de personnes sont toujours trop suspectes de mensonge et de calomnie pour être à ce point dangereuses; —mais enfin nous sommes au théâtre et nous devons à l'héroïsme un peu conventionnel de Philippe le tragique débat qui partage Hélène— aussi incapable de tout avouer à son mari que de consentir au sacrifice de Philippe. Aucune analyse ne peut rendre le pathétique du dernier acte: la lente découverte que fait Michel de son malheur, l'explication entre lui et Philippe, enfin la confession d'Hélène qui n'est pas chassée mais non plus tout à fait pardonnée: sans doute vont-ils continuer de vivre ensemble, mais c'est fini d'être heureux.
Avec l'Homme enchaîné, M. Édouard Bourdet, qui n'avait encore écrit que des pièces aimables, témoigne d'une grande puissance dramatique qui le rattache à Henry Bernstein; mais ce qui lui appartient en propre, c'est un dialogue vivant et pur, à la fois naturel et d'une haute tenue littéraire. Ce bel ouvrage a trouvé les interprètes qu'il méritait avec Mlles Marthe Régnier et J. Rolly. La défection de M. Alcover a été un bonheur pour M. Bourdet, qui ne pouvait rencontrer un artiste plus intelligent ni plus sensible que M. Constant-Rémy dans le rôle de Michel Verdier. L'éloge n'est plus à faire ici de M. Charles Boyer qui, selon ce que nous avions prédit depuis quatre ans, est unanimement reconnu aujourd'hui comme le meilleur de nos jeunes premiers.
C'était une bien scabreuse entreprise que celle de MM. Guillot de Saix et Louis Gendreau (mort au champ d'honneur). Écrire une pièce en vers sur La Fontaine! prêter ses propres alexandrins à un homme si riche! Ils n'y ont point si mal réussi qu'on aurait pu craindre, et c'est déjà étonnant que nous ne soyons presque pas choqués. Nos auteurs ne pouvaient espérer atteindre à la résurrection d'un personnage aussi contradictoire et divers que le Bonhomme. Mais il paraît admissible qu'il y ait quelque vérité dans les traits de caractère qu'ils lui prêtent; et il se peut, après tout, que Jean de La Fontaine ait été ce distrait volontaire, qu'il ait fait de sa distraction une défense contre le monde, une tour où rêver à son aise. Leurs trois actes sans doute nous le montrent, sinon plus élégiaque qu'il ne fut, du moins plus innocent. Et certes, il faut être Brunetière pour oser le prendre de haut avec ce Bonhomme sublime qui aima tant qu'il put, et qui ne souffrit que de ne plus pouvoir aimer. Voici les suggestions de cet effrayant Brunetière dans son Manuel de littérature française: “Du caractère de La Fontaine. —Son insouciance et son égoïsme; son manque de dignité; son parasitisme... Du danger qu'il peut y avoir à montrer trop d'indulgence pour La Fontaine.” Louons nos auteurs de n'avoir pas été sensibles à ce danger. Mais il ne dut pas être un amant si larmoyant. Ils imaginent une grande dame, Clymène, qui le fait souffrir, et une Perrette, celle du pot-au-lait, qui le console. La grande dame et la paysanne étant sœurs de la main gauche, se ressemblent au point que c'est Mlle Leconte qui tient les deux rôles. Il faut rendre grâce à M. Léon Bernard (Jean de La Fontaine) de sa diction si discrète, et qui escamote les vers trop ronflants et tonitruants pour le Bonhomme à qui on les prête avec une générosité terrible. M. Léon Bernard est fort bon aussi au second acte, lorsque les fourmis lui font oublier l'heure de la présentation au roi. Mais pourquoi nous montrer Racine, Molière et Chapelle sous l'aspect de personnages falots et d'ailleurs muets? Racine et Molière réduits à n'être pas même confidents, mais simples figurants, voilà peut-être la plus grande audace de cette agréable comédie.
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1923-11-17
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L'Homme Enchaîné, pièce en trois actes de M. Édouard Bourdet au théâtre Fémina - Jean de la Fontaine ou le Distrait volontaire, trois actes de MM. Louis Gendreao et Guillot de Saix, à la Comédie-Française
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32e année, n°45, p.364-367
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<a href="http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34350607j/PUBLIC" target="_blank">Notice bibliographique BnF<br /></a>Repris p.140-144, in <em>Dramaturges</em>, Paris: Librairie de France, 1928.
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Je ne saurais traiter ici de tout ce qui se joue à Paris depuis un mois; les directeurs de théâtres n'attendent pas, pour rallumer leurs quinquets, que nous soyons tous revenus des champs; quelques-uns dédaignent aussi d'inviter les critiques des revues dont ils estiment que les comptes-rendus paraissent trop tard pour toucher utilement le public. Mais si je regrette fort de ne pouvoir rien dire des Amants saugrenus de M. Jacques Natanson —jeune étoile dont le front sort brillant des voiles de l'Orient,— je ne saurais songer au Masque de fer, cinq actes en vers de M. Maurice Rostand, que comme à un immense péril évité.
Au reste, j'en ai assez vu pour être sûr que rien n'est changé au théâtre depuis la saison dernière. Les consolations nous viennent toujours des mêmes tréteaux: Vieux-Colombier, Comédie des Champs-Élysées. Ailleurs, c'est toujours la même façon d'être médiocre, ou mauvais, ou exécrable. Qu'ils écrivent une comédie comme Beauté, ou un drame comme la Gardienne, les auteurs d'aujourd'hui offrent ce trait commun que tout ce qui est humain leur est à peu près étranger. Il s'est formé peu à peu, à leur usage, une humanité de théâtre aussi éloignée de l'humanité réelle que le seraient les habitants de la lune. Ils usent tous des mêmes marionnettes et les font mouvoir avec plus ou moins de dextérité. Mais ce qui étonne chez la plupart, c'est leur maladresse: à vingt ans, ils ne savent pas encore cacher leurs ficelles; à cinquante, ils ne s'en soucient plus.
Avec Beauté, M. Jacques Deval avait pourtant trouvé un sujet: celui de l'homme laid dont joue une coquette; et c'est la coquette, à la fin, qui est croquée. Histoire si humaine, que M. Jacques Deval n'arrive pas tout à fait à l'abîmer: il y a quelques bons endroits dans le rôle de la jeune femme que tient Mlle Spinelly avec beaucoup de grâce et de finesse, tout à fait grande coquette maintenant et qui n'a presque plus rien gardé du café-concert où je crois que d'abord elle brilla; elle a même adouci de beaucoup d'huile ce filet de vinaigre qui courait dans sa voix; et sa coiffure second Empire lui donne une grande ressemblance avec les portraits de Mme de Metternich. Donc, au premier acte, pour exciter la jalousie d'un bellâtre qu'elle aime, elle a vite fait d'affoler l'affreux et ridicule astronome. C'est une loi du théâtre d'aujourd'hui, plus respectée que ne le fut au grand siècle celle des trois unités, que les savants sont toujours grotesques et stupides. Honteuse d'avoir fait souffrir cet homme honnête et malheureux, elle s'oblige à le dédommager en l'allant visiter chaque jour dans son observatoire. C'était là le vrai sujet de la comédie, le sujet de la pitié cruelle: rien de si terrible qu'une femme qui s'attendrit sur sa victime, joue à la sœur de charité, verse un baume empoisonné sur les blessures qu'elle a faites. Mais M. Jacques Deval gâche à plaisir une si belle matière et n'en tire qu'un vaudeville sommaire, d'ailleurs assez divertissant. L'astronome exaspéré abuse de la coquette qui, ce soir-là, s'était confiée à lui pour ne point succomber à la tentation du bellâtre.. Et le mot de la fin tend à prouver que la violence est encore ce que les hommes ont inventé de mieux pour plaire à des jeunes femmes délicates.
M. Pierre Frondaie a-t-il l'habitude des cours? Les princes et les princesses en exil échangent-ils, comme ses héros, des propos si solennels et d'une pompe si comique? Lui aussi, il avait trouvé un sujet: la sainte princesse Maria-Pia, à Interlaken, veille sur son jeune frère détrôné par les bolchevistes, et prépare la Restauration qui est à deux doigts de s'accomplir. Malheureusement il y a, dans le complot, un beau colonel dont “la sainte de la patrie”, comme on l'appelle, admire excessivement le cheveu bleu-noir et le garrot taurin (c'est M. Grétillat). Comment une fausse sainte, fatiguée d'être sublime, glisse-t-elle au péché? C'est ce qu'il aurait fallu nous montrer et ce qui peut-être nous aurait émus. Hélas! la sainte racée de M. Frondaie relance chez lui son colonel, boit de la chartreuse verte et réclame un air de phonographe. Une aussi grande artiste que Mme Simone s'épuise en vain à sauver cette scène d'une vulgarité pénible. Toute à son amour, elle négligera son petit frère. M. Pierre Frondaie nous montre qu'il a du métier en accumulant les invraisemblances pour que le jeune prince, à la veille de monter sur le trône, demeure seul et livré à un bolcheviste agent qui l'assassine. Le beau colonel, à qui une espionne avait tiré les vers du nez, se fait justice, cependant qu'un évêque comme il n'y en a plus, ramène la princesse au devoir politique.
Le Vieux-Colombier, comme toujours, nous console. L'ambition avouée de M. Copeau est de susciter des auteurs; on ne saurait dire qu'il y ait souvent réussi, et les impatients commençaient de craindre que le bel instrument se rouillât, faute de servir. Voici pourtant l'agréable pièce d'un tout jeune homme, l'Imbécile, fine comédie de paravent, où chaque caractère est dessiné d'un trait net. C'est l'histoire d'un homme mûr qui dérange le jeu d'un jeune camarade, amoureux transi, imbécile et gaffeur. L'homme mûr a toutes les peines du monde à détacher de lui la jeune fille qui commençait de s'attacher, mais qui ne demande pas mieux, à la fin, que d'épouser son lourdaud. Le quatrième acte, qui est ravissant, nous montre, après une visite des fiancés ridicules, la tristesse de l'homme mûr et sa solitude, devant la table de travail. Il arrive un âge où, quand on est aimé, on a le sentiment de bénéficier d'une erreur, et que c'est quelqu'un qui se trompe de porte; il faut alors beaucoup de courage et de sagesse pour éconduire le visiteur tardif. Il est admirable qu'à vingt-deux ans, M. Pierre Bost ait la connaissance d'une vérité si amère.
La Locandiera de Goldoni est une de ces pièces rapides et brillantes où l'on est sûr que la troupe du Vieux-Colombier sera inimitable. Ce sont les acteurs les moins figés de Paris, et cette réputation d'austérité qu'on leur a faite est bien étrange. Goldoni préférait à toutes ses comédies cette Locandiera, écrite en 1753. Mirandolina, hôtelière que tous ses clients et valets adorent, se pique du dédain qu'affecte à son endroit le chevalier de Ripafratta, et s'emploie à le rendre fou d'amour; il ne lui faut que quelques heures. Mlle Valentine Tessier tient le rôle avec la gaieté la plus fine. Cela vaut surtout par le mouvement, par la cocasserie des personnages secondaires qui procèdent encore des fantoches de la foire, mais c'est d'un art moins humain que celui de nos classiques et qui ne passe jamais ses propres limites.
Avant d'aller voir jouer la Journée des Aveux, j'avais lu ce qu'en ont écrit plusieurs critiques et qu'ils s'accordaient à juger cette pièce fort ennuyeuse. Il est incroyable qu'on puisse juger et condamner une pièce comme celle-là du même ton qu'on juge et condamne celles des boulevards. Non que les trois actes de M. Georges Duhamel nous semblent tout à fait réussis. Mais voici enfin un auteur probe, qui a le respect de son art et qui cherche à le tirer de l'ornière. Tchékov l'obsède et c'est peut-être son erreur de travailler à la russe, si j'ose dire, une pâte toute française. Le personnage central de la pièce, savant idéaliste, douceâtre et nigaud, n'est qu'un Russe appauvri, dépouillé de toutes les secrètes richesses dont un Dostoïevsky, un Tchékov l'eussent comblé. Ce savant décide d'enrichir une famille au milieu de laquelle il vit et où il se persuade que règnent la vertu et la joie. Puis il découvre peu à peu que le mari trompe et ruine sa sainte femme, que la fille aînée s'aigrit et souffre, que la cadette ne songe qu'au plaisir: il renonce alors à ses dispositions généreuses, jusqu'à ce qu'il connaisse enfin que, tout misérables qu'ils soient, ces gens s'aiment au fond, se comprennent, se pardonnent, goûtent un pauvre bonheur précaire et d'autant plus précieux. On devine chez M. Georges Duhamel un optimiste qui a dû faire de rudes écoles. Il a cru peut-être à la bonté humaine comme Rousseau, il y croit maintenant comme Dostoïevsky. Aucun écrivain, en France, ne me paraît aussi naturellement chrétien que Duhamel. Ce socialiste pose les problèmes comme ferait un religieux habile à mettre en valeur l'exacte concordance du dogme chrétien avec la réalité. Alors que les pièces gaies nous paraissent si tristes, cette pièce triste est réconfortante; elle enrichit, elle divertit aussi et fait rire: M. Jouvet est un vieux général irrésistible, “entraîneur d'hommes”, qui ne peut plus entraîner ou molester que deux pique-assiette et le jardinier. Dans le rôle de la mère de famille sainte et résignée, Mme Pitoeff montre toujours cette grâce blessée qu'aucune autre artiste ne possède.
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1923-11-10
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Beauté, trois actes de M. Jacques Deval, à Marigny - La Gardienne, trois actes de M. Pierre Frondaie, à la Porte-Saint- Martin - L'Imbécile, quatre actes de M. Pierre Bost - La Locandiera, de Goldoni, au Vieux-Colombier - La Journée des aveux, trois actes de M. Georges Duhamel, à la Comédie des Champs-Élysées
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MEL_0723
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32e année, n°45, p.242-246
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François MAURIAC
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<a href="http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34350607j/PUBLIC" target="_blank">Notice bibliographique BnF<br /></a>Repris p.136-139 et p.155-156, in <em>Dramaturges</em>, Paris: Librairie de France, 1928.
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Le grand mérite du drame que M. Pierre Chaîne a tiré du roman d'Anatole France, les Dieux ont soif, est de nous inciter à relire ce beau livre, —le mieux fait pour nous inspirer des réflexions infinies touchant le vieux maître. On se souvient qu'il y fait une peinture exacte et terrible du jacobin: terrible parce qu'elle est exacte. Son Évariste Gamelin, juré au tribunal révolutionnaire, est dévoré de zèle pour la patrie; il est bon et vertueux jusqu'à vouloir immoler tous les méchants et tous les corrompus. C'est un homme nourri des grands exemples d'Athènes et de Rome. Car nous combattons pour le grec et pour le latin contre la Barbarie, sans songer que les maîtres inhumains de la France sous la Terreur avaient fait d'excellentes humanités. L'école de Brutus n'est pas une école de douceur, et le bonhomme Plutarque fournit autant d'exemples qu'en exige pour sa justification le bonhomme Robespierre. Le mépris de la vie humaine, remarquable chez les bourreaux de la Terreur, plus remarquable encore chez leurs victimes qui mouraient sans un cri, cela s'apprend à l'école des stoïques; et il n'y eut que la pauvre du Barry, qui ne connaissait pas Epictète, ni Marc-Aurèle, ni Sénèque, pour hurler sans vergogne devant la mort. Dès 1789, Camille Desmoulins déclare qu'il veut être l'écho d'Homère, de Cicéron et de Plutarque. Girondins et Jacobins se réconcilient dans le culte des grands Anciens et des grandes phrases: ils tuent et meurent, la bouche pleine de leurs sentences.
M. Anatole France nous montre par le portrait d'Évariste qu'il juge les Jacobins naïfs, horribles et ridicules. Il les raille comme il raille tous les hommes qui ont une foi. Il renverse tous les autels et ceux mêmes de la déesse Raison. Entre toutes les causes de son évolution vers les partis extrêmes, il faut d'abord nommer la volupté de détruire. Il est peu probable que le vieux maître croie aux bienfaits du marxisme; mais il est certain qu'il trouve agréable de songer que le monde brûlera et avec lui tous les rois, tous les curés, tous les académiciens, tous les journalistes, tous les militaires, tous les prolétaires. C'est pourquoi il est l'ami de ceux qui préparent les torches. Même dans le temps de sa bénignité, lorsqu'il écrivait le Jardin d'Épicure, déjà il se délectait à anéantir en esprit la race des hommes: “...Un jour, le dernier d'entre eux exhalera sans haine et sans amour dans le ciel ennemi le dernier souffle humain. Et la terre continuera de rouler, emportant à travers les espaces silencieux les cendres de l'humanité, les poèmes d'Homère et les augustes débris des marbres grecs, attachés à ses flancs glacés. Et aucune pensée ne s'élancera plus vers l'infini, du sein de ce globe où l'âme a tant osé...” Pourquoi s'épuiser à conserver ce qui fatalement sera détruit? Notre goût de destruction est en harmonie avec la destinée du monde. Et le vieux maître, héritier des anciens, nourri de leur sagesse, —lui dont on a pu écrire qu'il était l'extrême fleur du génie latin, appelle de ses vœux les juifs de Moscou et leur garde tartare.
La compagnie de la Petite Scène réunit, sous les auspices de la Revue critique, des gens du monde qui ont le goût de jouer la comédie et de redonner du lustre à des œuvres oubliées et inconnues. Le Devin de village de Jean-Jacques Rousseau est d'une telle pauvreté que le succès qu'il obtint en 1753 nous demeure un mystère. Ce Rousseau que Barrés appelle un extravagant musicien n'offre, certes, rien d'extravagant lorsqu'il écrit de la musique: elle est d'une platitude qui égale celle du texte. Mais toutes ces bergeries et pastorales du vieux monde finissant détiennent au moins ce pathétique d'annoncer les “cavernes de mort” et la “sombre boucherie” qui attendent ces troupeaux bêlants. Après le Devin de village, nous eûmes la parodie de Mme Favart, les Amours de Bastien et de Bastienne. Mmes Jean Rivain et de Berly, le comte de Charleval, jouèrent à merveille un acte charmant d'Hoffmann (1803), le Roman d'une heure. Sainte-Beuve cite avec admiration du même auteur les Rendez-vous bourgeois: la Petite Scène pourra en tâter l'an prochain.
Le sujet de Bastos le Hardi est une excellente invention dont les auteurs n'ont peut-être pas tiré tout le comique possible: il s'agit d'un paisible petit bourgeois à qui une constitution fantaisiste impose la couronne royale. Rêverie qui nous est à tous familière: parmi ce que Freud appelle les rêves éveillés auxquels nous nous complaisons, le plus fréquent est le “si j'étais roi...” M. Romain Bouquet a trouvé dans Bastos une de ses meilleures créations: d'abord apeuré, accablé par le poids de la couronne, devenant odieux au peuple, —puis amoureux et trouvant dans son amour la force de chasser les ministres, ce qui le rend de nouveau populaire. Tout cela est plaisant, un peu monotone parce que les auteurs manquent encore de métier. Quand on voit tant de vieux routiers du boulevard fabriquer trois actes autour de rien, on imagine ce qu'ils eussent inventé sur un thème si riche. Les auteurs de Bastos s'interdisent même les allusions politiques qui s'imposaient. Cette discrétion a bien aussi son charme.
A l'Atelier, deux petites pièces qui ne sont pas sans mérite: la Promenade du prisonnier relève de l'esthétique de la Souriante Madame Beudet. Un mari, parce qu'il est trompé, est l'esclave de sa femme, de la bonne et de sa concierge. Devenu amoureux d'une jeune provinciale, et au moment de la séduire, il se croit délivré, mais ayant découvert qu'il est un mari trompé, elle le chasse et le prisonnier misérable rentre dans sa prison. Quelques scènes de vaudeville égayent, mais en l'alourdissant, cette petite comédie.
L'auteur de Celui qui vivait sa mort, M. Marcel Achard, est disciple de Shakespeare. Son Charles VI, roi fol, a sans doute lu Hamlet et se conforme aux lois du genre. Un certain Jacquemin essaie de guérir le roi de sa folie, qui est la peur de la mort; mais il aime la reine Isabeau, qui gagne contre lui une partie de cartes et l'oblige à boire du poison. M. Charles Dullin joue le fou avec un plaisir évident et avec un art admirable.
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1923-06-02
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Les Dieux ont soif, pièce tirée du roman d'Anatole France, par M. P. Chaîne, au théâtre de l'Odéon - Le Spectacle de la Petite Scène - Bastos le Hardi, comédie en 4 actes de MM. Léon Régis et de Veynes, au Vieux-Colombier - Le Spectacle de l'Atelier
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32e année, n°22, p.108-110
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François MAURIAC
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<a href="http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34350607j/PUBLIC" target="_blank">Notice bibliographique BnF</a>
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Mademoiselle mon fils a obligé plusieurs éminents critiques de se voiler la face. Pourtant, s'il est vrai que le sujet en est aussi graveleux que ce que l'on a coutume de donner dans ces petits théâtres (bien mal appelés de “digestion”, car ils la troublent), il est en revanche plus traditionnel. Si j'avais le loisir de chercher dans Plaute, sans doute, en trouverais-je l'équivalent et, en tout cas, Shakespeare adorait les déguisements, les confusions périlleuses: ses princesses errantes doivent prendre souvent l'aspect de jeunes garçons. Mais justement M. Fonson ne possède à aucun degré cette grâce légère d'Ariel qui danse sur les abîmes; et sans elle, comment traiter avec assez de délicatesse ce sujet que je ne puis qu'indiquer: un bourgeois n'héritera des quinze millions de son oncle que s'il a un fils. Sa femme accouche d'une fille qui incontinent sera camouflée en garçon. Mais il y a là un vieux notaire ami du défunt et qui est lui-même père d'un garçon, —un vrai celui-là. Les enfants grandissent ensemble: impossible d'en raconter plus long. La critique a beau ressembler à cette vieille dame de la cour du régent qui ne savait plus rougir, il y a de certains sujets où elle feint de n'entendre pas raillerie. Notez que le toujours traditionnel M. Fonson ne fait ici que reprendre le mythe éternel de Daphnis et Chloé, l'éveil de l'amour dans de jeunes cœurs ignorants. Mais cet auteur, qui n'est pas Shakespeare, n'est pas non plus Longus, ni Paul-Louis Courier: on le lui a bien fait voir, on le lui a fait trop voir, car il a tout de même plus de talent que la plupart de ses confrères. Il joue lui-même sa pièce avec bien de la bonhomie. M. Puylagarde rajeunit tous les ans.
Le néant de notre théâtre nous obligera chaque année à chercher de nouveaux auteurs en lointain pays. M. Luigi Pirandello est la plus belle conquête que nous ayons faite cette saison. Et d'abord il a cela d'adorable de n'être pas du Nord, mais Italien et même, si je ne me trompe, Sicilien: le succès ne sort donc pas de la famille latine. La Volupté de l'honneur nous avait à la fois intéressé et déçu. Sa nouvelle pièce, Six personnages en quête d'un auteur, excellemment traduite par M. Benjamin Crémieux, témoigne d'un talent si neuf qu'il n'est pas de théâtre, à notre connaissance, dans aucune littérature et à aucune époque, à quoi on puisse rattacher cette étrange fantaisie idéologique. D'abord elle nous déconcerte, puis nous amuse et nous retient, et enfin —c'est le miracle— s'élève jusqu'au plus haut pathétique.
Sur le plateau, des acteurs se préparent sans entrain à répéter; et voici qu'un ascenseur descend, chargé d'une troupe sombre: un homme lunaire, une jeune fille, une femme en deuil, un adolescent, des enfants. Est-ce sur une indication de Pirandello que Pitoeff a imaginé l'arrivée en ascenseur de ces personnages, héros à peine nés, qu'un auteur laissa en panne et qui exigent leur incarnation? La réussite en tout cas est complète et, pendant deux actes, nous voyons ces êtres en quête d'un auteur, en quête de corps pour vivre leur drame; ils sont vivants, certes plus vivants que les vivants, procédant de l'éternité comme Don Quichotte... Mais alors que ceux qu'un romancier enfante n'ont besoin de personne pour vivre, que de déformations au contraire, que de mutilations les acteurs, les metteurs en scène imposent aux héros des dramaturges! Il faut entendre le rire désolé de Mme Ludmilla Pitoeff devant la sotte actrice qui prétend l'incarner; il faut voir l'acteur bouffi et buté faussant, détruisant le personnage réel dont il tient le rôle. Si le théâtre n'est pas, comme certains le prétendent, un art inférieur, il est trop vrai que l'artiste y est soumis à ce qui ne dépend pas de lui-même; le créateur n'y est pas le maître absolu de sa création: rien ne détourne mieux de faire du théâtre que d'aller beaucoup au théâtre. Les héros de Pirandello souffrent aussi de la facticité du jardin; de ce que le divan de la maison louche où va la jeune fille ne ressemble pas à celui que fournit le magasin des accessoires; de ce que le ciel enfin n'est qu'un morceau de toile; ici nous comprenons moins: une transposition du réel ne devrait point déplaire à des êtres non pas irréels, mais “surréels”. Enfin, grâce au directeur de théâtre (M. Marcel Simon est parfait dans ce rôle) devenu auteur, le drame tant bien que mal s'incarne, se déroule brutalement; lès acteurs d'abord sceptiques sont pris à leur tour; et lorsqu'au dénouement un coup de revolver éclate et qu'un enfant se tue, ils se penchent à l'endroit où le petit corps est tombé et s'interrogent les uns les autres: “Fiction? réalité? —Mais c'est vrai, il est réellement mort! —Mais non, il fait semblant...” Cependant l'ascenseur a enlevé vers les frises le groupe sombre des personnages. Le miracle est, sur ce thème idéologique, d'avoir construit une pièce dont l'intérêt va croissant et dont le dernier acte atteint le pathétique. Il faut remercier le traducteur, M. Benjamin Crémieux, répéter que Mme Ludmila Pitoeff n'a point son égale à Paris, et enfin que Pitoeff possède la qualité essentielle du metteur en scène: c'est un poète.
Après l'Italie, le Danemark. Mme Bramson a écrit le drame de la laideur. Un savant célèbre, mais affreux, boiteux, à demi aveugle, Klenow, ramasse dans la rue une pauvre jeune fille, Élise, la délivre d'un père infâme. Pour qu'elle consente à devenir son épouse, il lui fait croire qu'elle n'a aucun autre moyen d'échapper à ce père; et surtout il lui cache qu'un jeune homme qu'elle aime voudrait l'épouser. Pendant le lugubre voyage de noces, le jeune amoureux rejoint Élise, lui dévoile la trahison de Klenow. Elle se prépare à fuir son mari, mais le misérable menace de se suicider et, par ce chantage, enchaîne à lui sa victime: c'est elle au dernier acte qui se tuera.
Ceux qui l'ont vu n'oublieront pas l'hallucinant personnage qu'a su créer M. Reumer, sociétaire du Théâtre Royal de Copenhague, qui est d'abord venu faire sur la scène une déclaration d'amour à la France. M. Firmin Gémier, dans le rôle du père infâme, charge comme il sait faire, détache son rôle de l'ensemble où il découpe un intermède comique, enfin se fait un petit succès pour lui tout seul. Mlle Madeleine Clervanne, jolie et touchante, zézaye avec grâce. On conçoit mal qu'élevée par un tel père dans un mauvais lieu, elle montre tant de délicatesse et de si parfaites manières. La pièce, qui a des endroits excellents, pèche ici par la base. Il faudrait aussi que l'amoureux existât un peu plus: le professeur Klenow et la déplorable Élise accaparent toute la vie dont disposait pour ses personnages Mme Karen Bramson. Mais nous nous sommes trop accoutumés à des pièces où personne ne vit, pour faire les difficiles. Il faut louer le raffinement du metteur en scène de l'Odéon qui, pour que nous sachions tout de suite dans quelle ville nous sommes, a disposé sur les étagères des porcelaines de Copenhague.
Le Canari sauvage a donné au Gymnase une fort intéressante pièce de M. Marcel Berger et qui mériterait qu'un théâtre régulier la reprît: le Talon d'Achille. C'est l'histoire d'un grand littérateur impeccable que la politique séduit et que la C. G. T. embrigade. Mais une coquette petite mineure (la toujours mutine Mlle Bovy) et de méchantes personnes pieuses l'entraînent à sa perte. Il est trop vrai que les femmes jouent souvent de mauvais tours aux politiciens, mais il n'y a pas que les femmes et leur talon d'Achille est souvent un talon de chèque.
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1923-04-28
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Mademoiselle mon fils, pièce en trois actes de M. Fonson, à la Potinière - Six personnages en quête d'un auteur, pièce en trois actes de M. Luigi Pirandello, à la Comédie des Champs-Élysées - Le Professeur Klenova, pièce en trois actes de Mme Karen Bramson, à l'Odéon - Les Pieds d'argile, pièce en trois actes de M. Marcel Berger, au théâtre du Gymnase
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MEL_0718
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32e année, n°17, p.492-495
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François MAURIAC
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<a href="http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34350607j/PUBLIC" target="_blank">Notice bibliographique BnF<br /></a>Extrait sur Pirandello repris p.125-126, in <em>Dramaturges</em>, Paris : Librairie de France, 1928.
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Madeleine, au lendemain de ses noces, fut abandonnée par son mari, Louis de Noriac, qui ne voulait que la dot. Pour bien comprendre le sens de ce drame, il faut d'abord faire attention à ceci qu'il s'agit d'une presque jeune fille qui, après quarante-huit heures de mariage, devant son bonheur détruit, garde encore l'idéalisme d'une pieuse enfant; rien ne lui paraît si simple que de se dépasser soi-même, elle est incapable de transiger au point de ne vouloir plus connaître son père dont l'unique crime fut d'épouser une maîtresse. La maison paternelle étant ainsi fermée à l'abandonnée, elle s'établit à Cherbourg sous un faux nom et y donne des leçons de chant. Dans sa paisible maison habite un jeune veuf, Jean Meyriel, avec qui elle fait de la musique, et qui la croit veuve; et naturellement ils s'aiment. Mais le mari annonce son brusque retour. C'est le soir de Noël. Madeleine, d'hôtel en hôtel, va à sa recherche. Les soupçons de Jean Meyriel, les insinuations d'une femme méchante, l'angoisse de Madeleine redoutant la rencontre des deux hommes, l'arrivée enfin de cet époux faussement repentant et dont elle a tôt fait de pressentir l'infamie, le débat dans ce cœur si religieux entre son amour et le devoir qui l'attache indissolublement à un autre, tout cela compose l'atmosphère de ce premier acte, pathétique sans faux éclat et où s'accomplit tout l'espoir que nous avait donné Mademoiselle Pascal.
Madeleine se consacre donc au salut de l'homme à qui elle se sait liée pour l'éternité. A cause de lui, elle se réconcilie avec son père et pousse l'héroïsme jusqu'à résister au désir de celui-ci qui souhaiterait qu'elle divorçât pour épouser Jean Meyriel. Certes, elle reste fidèle en secret à cet idéal amour; elle s'étendra en esprit aux côtés du bien-aimé, séparée de lui, comme Iseut de Tristan, par une épée nue. Mais le mari, dans une scène tragique, découvre le fond de son âme boueuse et va jusqu'à vouloir salir la mère de Madeleine. C'en est trop: la jeune femme s'enfuit, cherche le refuge du petit appartement de Cherbourg et surtout un cœur bien-aimé. Elle ne résiste plus: il y a une limite à l'héroïsme. Que Jean lui ouvre donc les bras... Si M. Martial-Piéchaud l'avait voulu, il aurait par cet heureux dénouement enchanté son public. Il a mieux aimé demeurer fidèle à ce culte secret du sacrifice, de l'immolation qui est la marque d'un cœur catholique. Madeleine apprend donc que Jean écarté par elle s'est fiancé à une jeune fille. Ce ne serait qu'un jeu de le reconquérir. Mais elle ne consent pas à ce qu'une autre souffre à sa place. Elle choisit de souffrir seule.
Tel est le drame si émouvant qui a obtenu au théâtre Antoine le plus vif succès. C'est un drame de la vie intérieure. Les héroïnes de M. Martial-Piéchaud, parmi celles de ses confrères, paraissent étranges et presque incompréhensibles. Elles n'ont rien des “garçonnes”. Ce sont, à la lettre, des héroïnes. Non seulement le plaisir ne leur est pas tout, mais non plus le bonheur. Elles croient à la pérennité du lien sacramentel et la fidélité est leur vertu profonde. Pourquoi seraient-elles moins réelles que les “garçonnes”? M. Martial-Piéchaud n'invente pas de toutes pièces ces héroïques filles. Provincial et bourgeois, il peint ce qu'il a su voir. Il a pour lui le don d'émotion et celui de créer l'atmosphère, ce qu'il faut pour devenir un dramaturge admirable. Sa faiblesse, dont il se corrigera, est une technique un peu vieillie; des moyens qui ont été habiles, mais qui ne le sont plus. C'est sur ce point que M. Martial-Piéchaud doit porter son effort et sa recherche. Les dons qu'il possède lui permettent de plaire à coup sûr quand il ne cherche pas trop à plaire. Son style gagnerait aussi, en quelques endroits, à plus de simplicité. Le langage doit être d'autant moins noble que le sont plus les sentiments exprimés: des cœurs sublimes mais sans paroles sublimes.
Ces imperfections n'enlèvent rien au plaisir que nous a donné une des meilleures pièces de la saison. Mme Marthe Régnier y a montré une force de passion et une ardeur contenue que nous ne connaissions pas à Miquette et à la Petite l'exquise Chocolatière. Son rôle du Sommeil des amants sera une date dans la carrière de cette grande artiste. MM. André Dubosc et Rollan sont parfaits. M. Charles Boyer affirme dans chacun de ses rôles un peu plus de maîtrise: c'est l'un des grands acteurs de demain.
Nous avons délégué un camarade plus jeune et plus enthousiaste à l'École des amants de M. Pierre Wolff; il en est revenu enchanté. C'est, nous assure-t-il, un dialogue charmant, très amusant, plein d'esprit et de mouvement. M. Cossé le Vivien a soixante ans. Vieil amoureux vert-galant, roulé par les femmes depuis sa jeunesse, il continue de l'être. Il est veuf et a un fils Georges qui, ayant mangé la fortune de sa mère, voudrait bien continuer avec l'argent paternel. M. Cossé le Vivien refuse. Après quelques hésitations sur le choix d'une carrière, Georges monte une agence de renseignements et de conseils intimes aux maris trompés et aux femmes indécises. Bien entendu, le père et sa dernière maîtresse viennent en consultation dans son cabinet où l'aide une dactylographe mûre, mais pure. Parmi les clientes, une jeune Anglaise (qu'elle est ravissante, Mlle Irène Wells qui joue ce rôle !) —(je laisse à mon camarade la responsabilité de cette parenthèse) —une jeune Anglaise, après avoir demandé des conseils au fils, le rendra lui-même amoureux grâce à ses directions, mais, à la fin de la pièce, préférera le père. Naviguant entre eux, un bijoutier juif, M. Lévy-Lévy, est très amusant. Juif? il ne l'est plus: un matin il a décidé avec sa femme de devenir libre penseur. Lui aussi sera roulé par la première venue, comme tous d'ailleurs, et ce sera la morale mélancolique de cette histoire.
L'Œuvre a repris la Dette de Schmill de M. Alexandre Orna où l'on voit une pauvre famille juive exploitée par un méchant chrétien qui profite d'une traite qu'il a sur Schmill pour lui prendre sa fille et la déshonorer.
Il y a dans le Cadi et le Cocu la matière d'un de ces contes que M. Pierre Mille, comme Pedro, conte si bien. Peut-être au théâtre l'intrigue paraît-elle un peu mince. Un Turc cumule les deux fonctions énoncées dans le titre. En tant que cadi, il juge les femmes adultères et prodigue des consolations à ses confrères (non pas les cadis, les autres); l'un d'eux vient justement demander le divorce et le cadi lui prêche la résignation et le pardon. Mais lorsque la coupable comparaît devant lui, il reconnaît l'ancienne épouse toujours chérie et qui a tôt fait de le reprendre. Lutte dans le cœur du cadi entre le devoir et la passion. Pierre Mille, comme Pierre Corneille, assure le triomphe du devoir. Cette jolie turquerie, où s'exprime la sagesse d'un disciple de Jérôme Coignard, paraît avoir beaucoup plu.
La charité me fait un devoir de taire mon sentiment touchant quelques pièces de jeunes auteurs à qui des “compagnies” rendent un bien mauvais service en jouant leurs ouvrages. L'inexpérience et la prétention ne sauraient suffire à leur conférer de l'agrément. Il y a cependant plus que des promesses dans le Plaisir d'être méchant de M. André Lang. —Nul doute que sa prochaine comédie nous donne l'occasion d'être aimable.
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1923-03-24
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Le Sommeil des amants, pièce en quatre actes de M. Martial-Piéchaud, au Théâtre Antoine - L'École des amants, pièce en trois actes de M. Pierre Wolff, au théâtre des Nouveautés - La Dette de Schmill, pièce en deux actes de M. Alexandre Orna - Le Cadi et le Cocu, un acte de M. Pierre Mille, à l'Œuvre
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MEL_0717
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32e année, n°10, p.496-499
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François MAURIAC
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<a href="http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34350607j/PUBLIC" target="_blank">Notice bibliographique BnF</a>
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Nous nous souvenions d'avoir, à vingt ans, adoré ce Carnaval des enfants lorsque M. Rouché le monta au théâtre des Arts, et n'osions espérer de retrouver à la Comédie-Française notre émotion juvénile. Or, en dépit de ce que contiennent d'exécrable ces trois actes, avouons que nous avons été, comme il y a treize ans, touché. Il faut prendre ce terme au sens strict, car, pour M. Saint- Georges de Bouhélier, le spectateur est une cible qu'il faut atteindre, toucher coûte que coûte. Il a choisi les projectiles d'un effet sûr, tels que lui en fournissaient les diverses écoles déclinantes ou montantes au début de ce siècle. D'abord le naturalisme: pendant deux actes, une misérable mère de famille étouffe, râle, agonise et meurt dans son lit et Mlle Ventura ne nous épargne aucun hoquet et, des ongles, elle ramène sur soi les draps parce qu'on lui a dit que c'était la manie des mourants. Il paraît que les abonnés ont sifflé. C'était leur droit: même sans être le monsieur qui prend un abonnement à la Comédie-Française (personnage pour moi singulièrement mystérieux), on peut considérer que le geste de la mort exige le secret, qu'il y a une pudeur de la mort, et que l'auteur est sacrilège qui, en nous l'imposant, extorque nos larmes. Quand les héros classiques ne meurent pas dans la coulisse comme Hermione ou Britannicus, au moins se percent-ils le sein avec discrétion et finissent-ils proprement d'une mort aussi conventionnelle que leur couteau de carton.
S'il a subi l'influence naturaliste, M. Saint-Georges de Bouhélier nous offre surtout un échantillon curieux du romantique au moment où il se mue en symboliste. Brunetière aurait pu le classer dans ses vitrines, sous l'étiquette “ métamorphose”, pour servir à l'histoire de l'évolution des genres. Le romantisme du Carnaval des enfants se trahit surtout dans la manie des contrastes. Autour de ce lit d'une mourante qui fut une amoureuse et qui est encore jolie, voici ses sœurs, les deux tantes de Rouen, vieilles filles laides, sèches, féroces, venues pour payer les dettes et pour secourir la pauvre famille; mais elles dévoileront aux enfants le passé galant de leur mère, sépareront ces êtres qui s'aimaient, et feront ainsi mourir leur sœur. Voici encore, à ce chevet d'agonie, l'éveil de l'amour: Hélène la fille aînée (Mlle Bovy), et Marcel, jeune répétiteur (Fresnay), qui, avant même l'enterrement, s'enfuieront vers la “Vie”. Voici enfin, sous le déguisement de Pierrot, le voisin Masurel, dernier amoureux de l'agonisante. Ici, le contraste tourne au symbole: le triste magasin où le drame se joue est adossé à un bal dont, pendant les trois actes, nous entendrons inlassablement l'orgue moudre de vieilles valses. “Le quartier est en folie, c'est le temps du carnaval.” Vous ne doutez pas que les masques en farandoles choisiront, pour envahir la maison, la seconde du dernier soupir. Et cela signifie —ô symbole profond! — que chacun, ici-bas porte son masque et que tout est carnaval! Cependant le vieux “noncle” et la petite Line disent des choses naïves et sublimes, comme on les aimait en ce temps-là, sur la pitié, sur la beauté, sur la bonté... Que ce serait beau si tout le monde était bon! Que ce serait bon si tout était beau! Il n'y a que l'amour! Il n'y a que la mort! Notons en passant l'intérêt “d'époque” qu'offre une telle pièce: le gris et le noir des vêtements, le blanc des draps et des tasses dans l'ombre, l'atmosphère épaisse de “tragique quotidien”... C'est signé Eugène Carrière et, hélas! cela ne fait plus recette à la salle des ventes.
Pourtant, il y a ici mieux que des symboles prévus et que de gros contrastes. Enlevons du Carnaval des enfants tous les effets, tous les tics d'une époque dont Ibsen, puis Maeterlinck furent les dieux; reste le second acte où les beautés abondent et dont le tragique, en dépit des hoquets de la hideuse agonie, est profondément humain. Ces masques qui tombent, cette fille soudain haineuse devant l'infamie découverte de sa mère et qui, ne songeant qu'à son propre bonheur détruit, tourne le dos à la mourante et tend les bras vers le fiancé détourné; —cette mère désespérée, mais qui ne renie rien de sa passion ni de ses amours honteuses, torturantes et délicieuses; ce désir de la femme, cette vocation amoureuse survivant à la vie même, cela est d'un pathétique inévitable et tel sans doute que seul un abonné de la Comédie-Française peut y résister.
Et enfin, non seulement cet acte, mais les deux autres aussi, même aux plus mauvais endroits, sont pénétrés, sont imprégnés de poésie et c'est par là surtout que ce Carnaval des enfants si démodé (comme tout ce qui a été d'avant-garde) a pourtant des chances de survivre. Qu'appelons-nous ici poésie? Une transposition du réel; et, derrière les pauvres laideurs des êtres et des choses, la présence des âmes. L'interprétation est assez bonne avec Mmes Ventura et Bovy, MM. Léon Bernard et Fresnay dans les rôles principaux.
M. Kistemaekers, avec son aimable pièce En bombe, nous fait choir de ces hauteurs sublimes et nous ramène aux préoccupations ordinaires des gens de théâtre: mari qui fuit femme jalouse, —femme jalouse qui se venge avec le meilleur ami du mari, —noceur qui rentre complètement saoul et qui recommence de boire du Champagne à six heures du matin, —domestique philosophe et ramasseur de mégots lettré, etc.; —enfin, toute une série de clichés d'un effet sûr. Mais redoutons que le succès de En bombe détourne M. Kistemaekers des grandes machines patriotiques où des personnes, qui ont eu le courage d'“y aller voir”, assurent qu'il est incomparable.
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1923-03-17
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Le Carnaval des enfants, pièce en trois actes de M. Saint-Georges de Bouhélier, à la Comédie-Française - En bombe, pièce en trois actes de M. Kisïemaekers, au théâtre Michel
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32e année, n°11, p.365-367
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François MAURIAC
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<a href="http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34350607j/PUBLIC" target="_blank">Notice bibliographique BnF<br /></a>Extrait sur Saint-Georges de Bouhélier repris p.133-135, in <em>Dramaturges</em>, Paris : Librairie de France, 1928.
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La Couturière de Lunèville a suscité dans le public et parmi la critique une sorte de stupeur. Ce qui rend cette pièce si différente de ce que nous sommes accoutumés à voir au théâtre, c'est qu'elle donne à penser; elle a une signification: dans le métro du retour, et môme encore le lendemain au réveil, nous nous interrogeons au sujet de cette couturière.
Séduite, puis abandonnée à dix-sept ans, Anna Tripied, devenue une célèbre étoile de cinéma, retrouve au bal de l'Opéra son séducteur qui ne la reconnaît pas. L'actrice fameuse décide alors qu'elle vengera l'obscure Anna Tripied, et elle a vite fait d'affoler le bon jeune homme, de lui faire manquer un riche mariage, de le ruiner et de l'acculer au suicide. Mais, sous l'apparence de la star, elle ne se rend si haïssable que pour ramener l'ingrat à la petite couturière toujours amoureuse qu'elle est encore et qui est revenue chez le garçon. A l'insu de ce benêt, elle jouera donc les deux rôles, attentive à guérir dans l'un tout le mal qu'elle fait dans l'autre. Ainsi est-elle sa propre rivale et mène-t-elle le jeu si loin qu'un soir le malheureux décharge son revolver sur la courtisane. Bien qu'il la rate, il tue tout de même la méchante femme; et il ne reste plus que l'ancienne couturière que son amant épousera.
Le fin du fin de cette donnée a enchanté les critiques sérieux qui, depuis des lustres, n'avaient rien eu de si délicieux à se mettre sous la dent. Ils se sont demandé s'il était vraisemblable que le jeune homme ne reconnût pas la même femme sous la robe de l'ouvrière et sous les déguisements de la star, —comme si un Shakespeare s'était jamais soucié de cette sorte de vraisemblance, lorsqu'il cherchait à atteindre la plus profonde réalité. Et voici bien, je crois, le défaut essentiel d'un tel ouvrage: M. Alfred Savoir a eu le souci d'en rendre acceptable la donnée grâce à un réalisme superficiel, alors qu'il y fallait une atmosphère de songe et la plus libre fantaisie. M. Savoir, visiblement, a eu peur de son public et l'a flatté comme il a pu. Et c'est vrai que livrer en pâture à ce monstre, au moment de sa digestion, une pièce qui l'incitera à un effort de pensée, c'est pour un auteur dramatique jouer gros jeu. Au sortir du Vaudeville, toute cette foule de spectateurs (qui parlait surtout anglais et espagnol) dut donc s'interroger : “Quand j'aime un être, qu'aimé-je en lui? Une apparence qu'il se donne ou que je lui prête? Mon désir, qui poursuit un objet, atteint-il seulement une image? Créons-nous à propos d'une femme un être qui ne nous fait souffrir que parce qu'il n'existe pas?...”
Ils avaient surtout l'air de gens qui ne savent trop que penser et si M. Alfred Savoir a gagné tout de même la partie, il peut en rendre grâce à Mme Simone dont le “frégolisme” dépasse de beaucoup les changements de costumes: comment une actrice peut-elle d'une scène à l'autre se désincarner et se réincarner? En d'autres temps, on eût soupçonné là dedans quelque diablerie. Le plus bel éloge qu'on puisse donner à M. Jules Berry est de reconnaître qu'il se montra digne d'une telle partenaire.
Lorsqu'il y a tant de mauvaises pièces en France, c'est une étrange idée que d'en faire venir d'Espagne. Que Francis de Miomandre me pardonne, mais son Monsieur de Pygmalion ne valait pas d'être importé. Au lieu de traduire cette laborieuse farce, il eût mieux fait de la récrire en suivant sa fantaisie: nul doute que Miomandre aurait inventé de quoi nous distraire avec ce Monsieur de Pygmalion dont les fantoches sont si perfectionnés qu'ils sont quasi vivants, qu'ils ont tous les vices des hommes et qu'ils finissent par assassiner leur constructeur. Mais je n'entraînerai pas mes lecteurs à la suite de M. Jacinto Grau dans la forêt de symboles prévus qui, sur une telle donnée, foisonnent. Quelle pitié de voir dépenser tant de talent, tant de dévouement au service d'une si pauvre chose! La faiblesse de ces théâtres que nous aimons, c'est tout de même leur répertoire.
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1923-02-24
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La Couturière de Lunéville, comédie en quatre actes de M. Albert Savoir, au Vaudeville - Monsieur de Pygmalion, farce tragicomique en trois actes et un prologue de Jacinto Grau, traduction de Francis de Miomandre, au théâtre Montmartre
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32e année, n°8, p.484-486
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Comme il le dit lui-même d'un de ses personnages, nous savons que M. Romain Coolus a fort l'usage du demi-monde et que son dessein fut toujours de nous en donner au théâtre une peinture exacte et croustilleuse. Mais il me fait songer à ces ornithologues malheureux qui consacrent leur vie à l'étude d'une espèce d'oiseaux en voie de disparition: le volatile cher à M. Coolus se fait rare; on en signale quelques-uns encore, comme ces derniers aurochs, orgueil de la Russie impériale, et dont Lénine, qui ne souffre aucune aristocratie, a fait massacrer l'ultime troupeau. Notons que parmi ces survivantes, plusieurs se résignent à finir sous le harnois de la femme du monde et ceignent leurs cheveux blancs d'une couronne authentique.
Un auteur est libre de choisir son terrain; M. Coolus aurait pu écrire sur le thème de l'Autruche une comédie profonde: c'est l'histoire d'une jeune personne ambitieuse qui, pour faire son chemin, décide d'entrer comme femme de chambre chez une chanteuse de petite vertu, et naturellement elle en devient l'heureuse rivale. C'est un grand mystère qu'une femme, qui d'abord ne “valait” rien, “vaille” tout d'un coup l'auto, le collier de perles et le petit hôtel. Les fidèles de Proust se souviennent de ce qu'a inspiré au grand écrivain ce brusque changement de valeur (amours de Saint-Loup et de Rachel...). Mais M. Coolus s'enorgueillit d'une bien autre découverte, et dont mes lecteurs vont mesurer l'importance quand ils sauront que cet auteur assigne à une baignoire le rôle que tenait le destin dans la tragédie grecque. Nous avons donc vu émerger d'une vasque la belle tête de Mlle Carlotta Conti; car cette autruche, ce n'est heureusement pas sa tête qu'elle cache.
La Princesse Turandot de Carlo Gozzi (1730-1806) est un spectacle d'abord délicieux, mais dont les délices vont décroissant. Certes, on ne saurait d'abord rien imaginer de plus agréable que cette chinoiserie vénitienne; et même si nous avions perdu le don de nous émerveiller que nous avions enfants, il nous en reste encore assez pour adorer ce jeune prince Kalaf qui accepte l'épreuve redoutable de deviner les énigmes de la princesse Turandot. Cette cruelle princesse, fille d'Altoum, empereur de la Chine, et ennemie des hommes, n'épousera que le prince qui aura trouvé le mot de trois énigmes. Beaucoup déjà, ayant échoué, ont été livrés au bourreau. Kalaf triomphera après mille péripéties. Et l'on imagine assez ce que le génie de Copeau invente pour animer ces personnages de potiche et ces magots charmants, et ce qu'il sait faire d'un empereur de la Chine si fantaisiste que le gouverneur de ses pages a nom Brighella, son secrétaire Pantalon, et son chancelier Tartaglia!
Mais de ces sortes de divertissements, le charme est trop fugace pour qu'ils se soutiennent pendant cinq actes. A mesure que nous nous éloignons de l'enfance, nous n'acceptons que pour une heure d'être divertis de nous-mêmes. Un ouvrage ne retient plus longtemps notre attention que si nous y retrouvons nos passions et notre douleur. Un conte du genre de la Princesse Turandot, comme un ballet ou comme une pantomime, ne devrait pas excéder ce qu'il faut de temps pour une brève évasion hors de soi-même. Il n'est qu'un sujet sur lequel un auteur, s'il a du talent, ne risque pas d'être trop long, et c'est l'homme. L'admirable troupe du Vieux-Colombier incarne à la perfection tout un peuple de paravents, de potiches et de miniatures. Il faut surtout louer MM. Lucien Nat et Auguste Boverio et Mlle Suzanne Bing.
Mme Colette avait, l'an dernier, réussi ce qui rate presque toujours. D'un roman excellent, Chéri, elle avait tiré une bonne pièce. Moins heureuse cette année, elle a découpé dans la Vagabonde, avec les ciseaux de M. Léopold Marchand, quatre actes où presque rien ne reste de ce que nous avions aimé dans le roman. On a beau répéter qu'il n'est rien de si différent que les deux techniques du roman et du théâtre, les gens continueront de ne pas résister au plaisir de faire d'une pierre deux coups. Qu'une femme martyrisée par son mari quitte le domicile conjugal pour le café-concert, que tout l'y froisse et qu'elle y souffre de sa solitude, qu'elle finisse par céder à un amoureux de son monde et qu'elle rentre dans l'ordre bourgeois, il y a bien là matière à trois cents pages d'analyse, mais non à une action ramassée comme il est nécessaire sur les planches. Aussi tout se passe en conversations et explications fastidieuses (sauf au second acte, assez amusant, qui nous ouvre les coulisses d'un music-hall). Et enfin le rôle ne convient pas à Mme Cora Laparcerie qui a bien son mérite, mais qui n'est point faite pour tant de nuances. Et M. Harry Baur, bon comédien, n'est pas non plus du tout l'amoureux qu'il faudrait. M. Jacques Baumer est excellent dans le rôle du mime Brague.
Potiche, c'est l'histoire —ah! trop connue!— de la femme du monde qui, pour mieux observer son fiancé futur, tient le rôle auprès de lui d'une petite dame facile et, à ce jeu, décroche un autre mari que celui à qui elle se croyait destinée. Et ce serait moins que rien; mais la grâce de Mlle Cocéa, ses effarouchements, ses hardiesses, sa chanson, et la pointe d'ail de son accent languedocien dont elle ne fut pas si sotte que de se défaire, voilà de quoi consoler du pire vaudeville un critique morose. Il n'y a pas eu depuis longtemps au théâtre une fausse ingénue de cette qualité.
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Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1923-02-17
Title
A name given to the resource
L'Autruche, pièce en trois actes de M. Romain Coolus, au théâtre Michel - La Princesse Turandot, conte tragi-comique en cinq actes de Carlo Gozzi, au Vieux-Colombier - La Vagabonde, comédie en quatre actes de Mme Colette et M. Léopold Marchand, à la Renaissance - Pouche, comédie en trois actes de M. H. Falck, au théâtre de la Potinière
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Revue hebdomadaire
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MEL_0714
Source
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32e année, n°7, p.371-373
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Chronique dramatique
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François MAURIAC
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