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Christianisme
Texte
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Le meilleur témoignage
Car c'est vraiment, Seigneur, le meilleur témoignage
Que nous puissions donner de notre dignité...
Baudelaire.
Flaubert n'ambitionnait aucune autre gloire que celle de démoralisateur. Les romanciers d'aujourd'hui accusés, chaque jour, de corrompre la jeunesse, s'en défendent si mollement qu'on pourrait croire qu'ils partagent en effet, l'ambition de leur grand aîné, et qu’ils donnent en secret raison à ceux qui les dénoncent. Pour mon compte, depuis que de pieux journaux me harcèlent, à peine ai-je agité les oreilles, comme les mules de mon pays, à la saison des mouches.
Mais peut-être le temps est-il venu de rappeler quelques vérités premières ; et d'abord celle-ci : impossible de travailler à mieux faire connaître l'homme, sans servir la cause catholique. Entre toutes les apologies inventées depuis dix-huit siècles, il en est une, dont les Pensées de Pascal demeurent la plus haute expression, qui ne finira jamais de ramener les âmes au Christ : par elle est mise en lumière, entre le cœur de l'homme et les dogmes chrétiens, une étonnante conformité.
Le roman, tel que nous le concevons aujourd'hui, est une tentative pour aller toujours plus avant dans la connaissance des passions. Nous n'admettons plus que des terres inconnues enserrent le pays du Tendre, sur la vieille carte dressée par nos pères. Mais à mesure que nous nous enfonçons dans le désert, l'absence de l'eau plus cruellement nous torture, nous sentons davantage notre soif.
Il n'est pas un romancier — fût-il audacieux, et même plus qu'audacieux — qui, dans la mesure où il nous apprend à nous mieux connaître, ne nous rapproche de Dieu. Jamais un récit, ordonné-tout exprès pour nous montrer la vérité du christianisme, ne m'a touché. Il n'est permis à aucun écrivain d'introduire Dieu dans son récit, de l'extérieur, si j'ose dire. L'Etre Infini n'est pas à notre mesure ; ce qui est à notre mesure, c'est l'homme ; et c'est au-dedans de l'homme, ainsi qu'il est écrit, que se découvre le royaume de Dieu.
Un récit qui veut être édifiant, fût-il l'œuvre d'un excellent romancier, nous laisse l'impression d'une chose arrangée, montée de toutes pièces, avec le doigt de Dieu comme accessoire. Au contraire, nul ne peut suivre le Chéri de Colette ni atteindre, à travers quelle houe ! ce misérable divan où il choisit de mourir, sans comprendre enfin, jusqu'au tréfonds, ce que signifie : misère de l'homme sans Dieu. Des plus cyniques, des plus tristes confessions des enfants de ce siècle monte un gémissement inénarrable. Aux dernières pages de Proust, je ne peux plus voir que cela : un trou béant, une absence infinie.
Qu'est-ce d'abord qu'un chrétien ? C'est un homme qui existe en tant qu'individu ; un homme qui prend conscience de lui-même. L'Orient ne résiste, depuis des siècles, au Christ que parce que l'Oriental nie son existence individuelle, aspire à la dissolution de son être, et souhaite de se perdre dans l'universel. II ne peut concevoir que telle goutte de sang ait été versée pour lui, parce qu'il ne sait pas qu'il est un homme.
C'est pourquoi la littérature, en apparence la plus hostile au christianisme, demeure sa servante ; même ceux qui' n'ont pas fini par « s'écrouler au pied de la croix », à l'exemple des écrivains que Nietzsche dénonce, même ceux-là ont servi le Christ, ou plutôt le Christ s'est servi d'eux. Une France, telle que la rêvent M. Jean Guiraud l'abbé Bethléem, une France où n'existeraient ni Rabelais, ni Montaigne, ni Molière, ni Voltaire, ni Diderot (pour le reste, consulter l'Index) serait aussi une France sans Jean Guiraud et sans abbé Bethléem parce qu'elle ne serait pas une France chrétienne. Les humanistes ont hâté, sans le vouloir, le règne du Christ, en donnant à l'homme la première place. Ils ont assigné la première place à la créature qui porte partout, sur son visage auguste, dans son corps, dans sa pensée, dans ses désirs, dans son amour, l'empreinte du Dieu tout-puissant. Le plus souillé d'entre nous ressemble au voile de Véronique et il appartient à l'artiste d'y rendre visible à tous les yeux, cette Face exténuée.
Non, nous ne sommes pas des corrupteurs, nous ne sommes pas des pornographes. Si nous comprenons, si nous désirons que des barrières soient dressées autour de nos livres pour en défendre l'approche aux êtres jeunes et faibles, nous; savons d'expérience que le même ouvrage qui aide au salut de beaucoup d'âmes, en peut corrompre plusieurs autres. Cela est vrai, même de l'Ecriture. N'est-ce pas l'erreur initiale de beaucoup d'éducateurs, de croire qu'en ne parlant pas des liassions, on les supprime ? Nourri entre les murs d'un couvent, sans livres, sans journaux, ne doutez pas qu'un adolescent les découvre toutes, car il les Porte toutes en lui. Il n'y a pas, hélas ! que le Royaume de Dieu qui soit au-dedans de nous.
Et sans doute, malheur à l'homme par qui le scandale arrive. Un écrivain catholique avance sur une crête étroite entre deux abîmes : ne pas scandaliser, mais ne pas mentir ne pas exciter les convoitises de la chair, mais se .garder aussi de falsifier la vie. Où est le plus grand péril ; faire rêver dangereusement les jeunes hommes ou, à force de fades mensonges, leur inspirer le dégoût du Christ et de son Eglise ? Il existe aussi une hérésie de niaiserie ; et Dieu seul peut faire le compte des âmes, éloignées à jamais par... mais non, donnons l’exemple de la charité. Efforçons-nous même de comprendre nos accusateurs. Ils continuent, dans l'Eglise, une tradition, et sans remonter jusqu'aux Pères, souvenons-nous de ce qu'écrivait Nicole, à la grande fureur de Jean Racine « que les qualités (de romancier et d'homme de théâtre) qui ne sont pas fort honorables au jugement des honnêtes gens, sont horribles étant .considérées d'après les principes de la religion chrétienne et les règles de l'Evangile. Un faiseur de romans et un poète de théâtre est un empoisonneur public, non des corps mais des âmes des fidèles, qui se doit regarder comme coupable d'une infinité d'homicides spirituels. »
Faut-il en croire ce janséniste et M. Jean Guiraud devant - qui M. Henry Bordeaux lui-même ne trouve pas grâce ? Pour nous, nous avons décidé de faire un acte de Foi : nous croyons ne pas nous tromper si, étudiant l'homme, nous demeurons véridique. Nous nous vouons à la découverte intérieure. Nous ne dissimulerons rien de ce que nous aurons vu. Nous faisons nôtre cette grande parole d'un romancier russe que Jean Balde, à la fin d'un très beau rapport sur le roman, a eu raison de rappeler aux écrivains catholiques : « J'ai poursuivi la Vie dans sa réalité, non dans les -rêves de l'imagination, et je suis arrivé ainsi à Celui qui est la source de la Vie. »
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Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1927-01-08
Title
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Le Meilleur Témoignage
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Les Nouvelles littéraires
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
François MAURIAC
Source
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6e année, n°221, Une
Type
The nature or genre of the resource
Analyse
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Français
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
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Relation
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<a href="http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328268096/PUBLIC" target="_blank">Notice bibliographique BnF<br /></a>Repris p.73-82, in <em>Le Roman</em>, Paris : L'Artisan du Livre, 1928.<br />Repris p.281-284, in <em>Oeuvres complètes, VIII</em>, Paris : Fayard, 1950-1956.<br />Repris p.770-773, in <em>Oeuvres romanesques et théâtrales complètes, 2</em>, Paris : Gallimard, 1978-1985.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
MEL_0523
Christ
écrivain
Jansénisme
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baa8305c97a7bb3dd8d04d9dc3deafc6
Texte
Ressource textuelle
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Moscou, dont beaucoup d’ouvriers français se détournent, trouve de grandes consolations du côté de l’élite. Moscou attire plusieurs Messieurs écrivains, fort délicats et subtils –et le premier de tous, M. André Gide, que le plan quinquennal plonge dans le plus curieux délire. Au vrai, ce délire ne rappelle en rien la ferveur bolcheviste de quelques personnes de la meilleure société et dont le cas est beaucoup plus simple: à ces gens du monde, gavés de tout ce qui s'achète, il reste d'aspirer au luxe gratuit des attitudes avantageuses et des audaces qui ne coûtent rien. Mais il est délicieux de les observer lorsqu'il s'agit pour eux de se marier ou de marier leurs enfants: bien loin de chercher des alliances à l'extrême-gauche, avec quelle furie, au contraire, ces bolchevistes du monde s'acharnent à décrocher, à la fois, le plus beau nom et la plus grande fortune possible! S'il leur arrive de céder sur le premier de ces articles, pour ce qui touche à l'argent, ils ne transigent jamais.
Les gens de lettres de l'élite, lorsqu'ils se tournent vers Moscou, cèdent à un attrait plus profond. Comblés, eux aussi, de tous les avantages d'une grande fortune acquise, ayant toujours vécu d'une vie préservée, retranchée, au milieu de toutes les délices de la Culture, peut-être ont-ils souffert, dans le secret, d'une mauvaise conscience? La faim et la soif de justice que le Christ met au cœur de tout homme venant en ce monde, admettons qu'ils en aient subi le tourment. Il serait injuste de refuser toute noblesse à la crise qui les tient. Mais cette faim et cette soif toutes seules n'eussent pas suffi à leur donner l'amour du bolchevisme, et les en eût bientôt éloignés. J'imagine de plus humbles mobiles.
Mon dernier enfant ne pouvait apercevoir un de mes amis indochinois sans se jeter passionnément dans ses bras: “C'est que tu l'aimes bien?”, lui demandai-je. “Oh! non, me répondit-il, mais c’est qu’il me fait si peur…” La fascination que subissent quelques-uns de nos beaux esprits n'est peut-être pas d'un ordre très différent. Vous rappelez-vous ces premiers dessins de Jean Cocteau, dans le Potomak, où l'on voyait l'honnête ménage Mortimer fasciné par des monstres appelés Eugènes? Tels, ce petit groupe de beaux esprits, ces grands bourgeois de lettres, vêtus comme de luxueux voyageurs, et munis des mirobolantes valises de Barnabooth, chiffrées N.R.F., s'approcher à pas comptés de l'ogre bolcheviste avec force salamalecs, et lui adressent des louanges dont l'une au moins nous aide à voir clair dans cette étrange aventure. Ils professent que ceci d'abord les attire au communisme: c'est qu'il est le Progrès, –article de foi qui, à leurs yeux, ne souffre pas la discussion. Et sans doute, serions-nous mal venus de leur en tenir rigueur, puisqu'il faut toujours partir d'un acte de foi, si M. André Gide, relevant cette phrase d'un Révérend Père: “Il existe des principes immuables sur lesquels le doute n'est pas permis...”, n'ajoutait qu'on ne peut rien imaginer de plus creux que celte phrase “ni de plus bêtement sonore”. Or, lui-même ne nous permet pas de mettre en doute: 1. que l'humanité progresse; et 2. que cette progression se manifeste singulièrement dans le bolchevisme. Son assurance va jusqu'à trouver fort bon que cette marche en avant “bouscule un peu ces excellentes âmes”. Ce sont les chrétiens russes qu'il désigne ici. M. André Gide ne veut pas qu'ils aient été persécutés. Il en parle sur ce ton léger que les massacres inspirent toujours à une certaine espèce d’honnêtes gens. “Le sang qui a été versé était-il donc si pur?”, s’écriait gentiment le girondin Barnave, au lendemain des tueries de Septembre. M. André Gide (qui a le toupet d’affirmer que seule, ou presque, la religion persécute) ne va pas si loin que Barnave: simplement, il refuse l’existence aux martyrs de l’orthodoxie russe. On ne leur a rien fait, selon lui, que de défendre à leurs prêtre “de malaxer le cerveau des enfants” (comme il ose écrire).
Mais élevons le débat et confessons, avec le bon Père dont M. Gide se moque, qu’il existe des principes immuables; il en est un, en particulier, que je voudrais énoncer le plus simplement qu’il me sera possible: chacun de nous sait qu’il pourrait devenir moins mauvais qu’il n’est. Aucun homme qui ne possède cette certitude: il détient le pouvoir de devenir meilleur. Et qu’on ne vienne pas protester que le “meilleur” reste sujet à discussion. J’affirme qu’il n’est personne au monde qui ne voie ou qui, du moins, n’aient vu très clairement le point précis sur lequel il doit se vaincre pour devenir, sinon un saint, du moins un honnête homme, au sens le plus haut. Je pose en principe que cette connaissance a poussé en nous de si profondes racines que nous avons beaucoup de mal à l’en détacher. Il n'a pas fallu moins d'un demi-siècle à M. Gide pour substituer, à cette vue claire qu'il avait du progrès intérieur, sa foi naïve dans le progrès matérialiste.
Laissons là le point controversé de savoir si l'humanité suit une marche ascendante. Mais il ne s'agit, en tout cas, que d'une espérance, non d'une certitude. La passion avec laquelle certains hommes l'embrassent est en raison directe de celle qu’ils ont mise à détruire en eux ce tribunal de la conscience qui condamnait tous les crimes. Le progrès humain tel qu'ils le célèbrent les charme surtout parce qu'ils en attendent un renversement des valeurs, conforme à celui qu’ils ont tenté de réaliser en eux. Ils ont un intérêt profond à confondre le progrès avec ce désordre, dont ils ont besoin pour passer inaperçus. Cette loi morale, qu’ils bafouent et qu’ils nient, ils espèrent ne pas mourir sans avoir salué l’aurore d’un monde nouveau, où elle ne sera plus inscrite dans la tradition des hommes. Que naisse enfin cette société où le cerveau et le cœur des enfants auront été si profondément “malaxés”, qu'ils auront perdu tout pouvoir de discerner le bien du mal! Quelle admirable espérance, pour ces beaux esprits, que celle société nouvelle où il ne sera plus donné à personne d'avoir des remords, puisque le nom même des vices y sera oublié! “Je voudrais crier très haut ma sympathie pour l’U.R.S.S., écrit M. Gide dans la Nouvelle Revue française, et que mon cri soit entendu; ait de l'importance. Je voudrais vivre assez pour voir la réussite de cet énorme effort; son succès, que je souhaite de toute mon âme, auquel je voudrais pouvoir travailler; voir ce que peut donner un état sans religion, une société sans cloisons. La religion et le famille sont les deux pires ennemies du Progrès.”
Religion, famille: le progrès intérieur ne trouve, nulle part, aide meilleure; c'est donc qu'il n'est pas simplement différent du progrès général de l'humanité tel que le conçoit M. Gide, mais qu'il en est l’ennemi. Nous voyons clair maintenant. Il serait vain de vouloir prouver à ce néophyte que la dictature bolcheviste est une des plus accablantes que l'humanité ait jamais subies: que lui importent les contraintes extérieures? La seule contrainte qu'il redoute, cette loi morale que fortifient, contre nous-même, la religion et la famille, il la croit vaincue, enfin; victoire que, selon lui, on ne saurait payer trop cher! Il existe donc un endroit du monde où l'homme, quoi qu'il fasse, ne peut plus commettre le mal, puisque le lien et le mal y ont été supprimés par simple décret. O merveille! “Connais-tu ce pays? C'est là que je voudrais vivre...”
Progrès intérieur de l'homme selon le Christ, progrès matériel selon le marxisme, nous en revenons toujours aux deux cités dressées l’une contre l’autre jusqu’à la consommation des siècles… J’ai foi en la puissance de celle qui parait la plus faible. Je pense à ces soldats de l'armée rouge qu'un rapport bolchéviste nous montre, au moment du sommeil, obstinés à faire le signé de la croix. Je relis ces lignes de M. Gide qui, dans le dernier numéro de la Nouvelle Revue française, précèdent presque immédiatement son acte de foi dans l’U.R.S.S.: “Il y a certains jours où si seulement je me laissais aller, je roulerais tout droit sous la table sainte...” Ici, le sentiment seul nous importe, bien que l'expression en soit basse, M. Gide ajoute que c'est la probité d'esprit qui le retient; mais nous croyons, avec Bourdaloue: “qu'il ne dépend pas de nous d'avoir ou de n'avoir pas cette lumière...”. Il y a des hommes qui seront éclairés et qui seront appelés, inlassablement, jusqu’à la fin.
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Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1932-09-10
Title
A name given to the resource
Les Esthètes fascinés
Publisher
An entity responsible for making the resource available
L'Echo de Paris
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
MEL_0446
Source
A related resource from which the described resource is derived
48e année, n° 19321, p. 1
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
François MAURIAC
Relation
A related resource
<a href="http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34429768r/PUBLIC" target="_blank">Notice bibliographique BnF</a>
Language
A language of the resource
Français
Subject
The topic of the resource
écrivain, famille, Gide, progrès, religion, URSS
Description
An account of the resource
François Mauriac critique les hommes de lettres, et en tout premier lieu Gide, qui sont fascinés par l’URSS. Jugeant le progrès intérieur plus important que le progrès matériel, il défend la famille et la religion, condamne la dictature communiste et n’a que sarcasmes pour l’idée d’un monde dans lequel la distinction entre le bien et le mal aurait été abolie.
Type
The nature or genre of the resource
Chronique
écrivain
famille
Gide
progrès
religion
URSS
-
https://mauriac-en-ligne.huma-num.fr/files/original/872c12772fedce3f359ced7c4e1241b4.pdf
eabc659465188557712408055d05b6b4
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Religion
Texte
Ressource textuelle
Text
Any textual data included in the document
Aussi méchant que soit le monde, il fait très vite confiance à ceux qui, d’un certain accent, lui parlent de “l’unique nécessaire”. Tels sujets qu’on pourrait croire indifférents au plus grand nombre, dans une société devenue païenne, éveillent, au contraire, l’intérêt et la sympathie. Impossible d’écrire les mots qui rendent un ton chrétien, sans que des inconnus se rapprochent –comme lorsque nous agitions l'avoine dans le crible et, du fond de la prairie, les chevaux galopaient vers nous.
Certaines paroles ont gardé tout leur pouvoir sur l'humanité affamée. Après un demi-siècle d'effort, la foi d'un peuple peut être en partie détruite; non l'espérance qui est indestructible. Quel écrivain traça jamais le Nom qui est au-dessus de tout nom et ne bénéficia pas de la tendresse que ces deux syllabes éveillent dans les cœurs les plus durs? “Vous serez en haine à tous à cause de mon nom” –c'est la promesse que le Christ fit à ses vrais disciples; mais l'homme de lettres chrétien, lui, bien loin de s'attirer la moindre haine, apparaît, à la plupart des hommes qui le lisent, dans le rayonnement de son Maître.
Si les philosophes de ce temps, à qui seule importe la recherche de la vérité, et qui ne se plaisent que dans cette recherche, méprisent les chrétiens de prétendre l'avoir découverte, il n'en va pas ainsi des cœurs simples et droits de tous les partis: ceux-là, lorsque nous leur affirmons que la vérité existe et qu'elle est Quelqu'un, respectent en nous leur foi perdue, et ce mystérieux bonheur auquel beaucoup ne renoncent qu’en soupirant.
Un homme, qui assure que la paix est au dedans de lui, de quel regard l'observent souvent les cœurs pleins d'inquiétude et de trouble! Car ceux qui croient n’avoir plus d’espérance n’ont presque jamais perdu toute espérance: et pour eux, sans qu’ils se l’avouent, un chrétien représente une possibilité de guérison, de pardon, d’ennoblissement; une renaissance éventuelle, une chance d’être purifié, dans un monde qu’ils imaginent soudain (quelle merveille!) tout pénétré, tout brûlant de grâce; un monde où l’amour s’est fait chair.
Mais quel péril pour l’écrivain croyant que cette facilité qu'il a de rendre le lecteur attentif et grave! L'idée qu'on se fait de lui, d’après certains moments de sa vie exprimés dans certaines œuvres, correspond-elle à ce qu'il est en réalité? Le monde, qui juge les autres hommes par ce qu’ils ont de pire, accorde souvent à l'artiste chrétien l'étrange faveur de ne voir en lui que les sommets; il suit la ligne de faîte de cette destinée; il s’en tient à ces grandes affirmations, à ces témoignages solennels de quelques livres et de quelques articles. Faire sans cesse le point, sans cesse mesurer cet écart entre l’image que nos lecteurs se font de nous et ce que nous sommes réellement, tel doit être notre souci constant, –si du moins nous appartenons à la race de ceux qui ont la terreur de n’être pas sincères. Par là, l'écrivain rejoint la grande tradition humaniste, celle de Montaigne; il s’agit, comme pour Montaigne, de se voir d’aussi près que possible; mais non, à son exemple, pour jouir de soi: notre but, c’est de nous garder d’un péril redoutable, –le plus grand des périls; car nous pouvons glisser, à notre insu, vers ce qui nous fait le plus horreur: un écrivain qui n’éprouve pas tout à fait les sentiments dont il témoigne en public, sans doute n’est-il pas encore un Tartufe; mais il a déjà fait quelques pas dans la direction de Tartufe.
Le libertin, sous les plumes de l’âge, fait horreur. Il faut oser regarder en face le monstre, aussi éloigné de nous qu’il apparaisse. Mais ne tenons pas un rôle, nous ne prenons pas une attitude. Nous ne devons rien écrire qui n’exprime notre secrète vie… Oui, une vie: mais n’est-ce pas dire: ce qui s’écoule, ce qui change? Alors que les œuvres jaillies du plus intime de nous-même nous fixent, nous immobilisent, aux yeux du lecteur, dans des sentiments extrêmes de joie, de ferveur, notre âme continue de vivre, elle bouge, elle ne ressemble plus tout à fait, ni à chaque instant, à ces reflets d’elle-même que sont nos écrits.
A ces moments-là, les doit-elle renier par scrupule de sincérité? Parce qu’elle a un peu dérivé, doit-elle en faire état pour confesser qu’elle n’est plus exactement aujourd’hui ce qu’elle fut hier? Nous pensons au contraire que son exigeante sincérité ne laisse aucune autre issue à cette âme que de redevenir telle que dans ses plus hauts moments; elle l'oblige à un effort, peut-être héroïque, pour rentrer dans les sentiments qu'expriment ses paroles et ses écrits. Si des grâces de lumière nous sont accordées, à certaines heures de notre vie, ce n'est pas pour que nous les épuisions d’un coup, mais pour que nous nous les rappelions aux instants de trouble, d'incertitude, –à l'heure des ténèbres.
Au vrai, gardons-nous de prêter, en nous, trop d'attention à ces apparentes intermittences de la foi, de l'espérance et de l'amour. C'est une facilité pour déchoir que certains se donnent, lorsque, sous le prétexte de sincérité envers soi-même, ils épousent, si l'on peut dire, leur propre changement, et, chaque jour, détruisent l'image que la veille ils se faisaient d'eux-mêmes.
Peut-être, d'ailleurs, trop d'hommes d'aujourd'hui, hantés par la notion de durée, ont-ils perdu conscience de leur moi fondamental, de cette part d'eux-mêmes où, en dépit de leur ondoiement et de leur diversité, se fonde l'unité de leur être, —et qui fait d'eux une personne autonome, différente de toutes les autres. Arrivé à ce tournant de ma vie, et jetant un regard sur ce long ruban de route à travers mon passé, c'est toujours moi-même que j'y vois: cet enfant, c'est moi; cet adolescent, ce jeune homme, avance, la tête baissée, inquiet des mêmes problèmes, proie du même bonheur, du même tourment. C'est bien moins mon évolution qui me frappe, que ma fixité. Et de même, chez mes camarades. Ce que la plupart des hommes prennent en eux pour un courant, pour un perpétuel écoulement d'étals de conscience, ce ne sont que remous autour des mêmes obstacles avoués ou secrets, connus ou ignorés d'eux-mêmes. Un jeune écrivain a eu, ces temps-ci, la patience de chercher, dans la collection d'une revue d’étudiants, les articles et les notes que j’y publiai lorsque j’avais son âge, et il a beau jeu pour montrer que l’essentiel de mon œuvre tient dans ces balbutiement.
Oui, notre âme nous est donnée dès le départ; notre âme tout entière, qui échappe à la durée, parce que cette immortelle n’appartient pas au temps. Que ferons-nous de ce dépôt? Créer sa propre destinée ou la subir, rester le maître ou devenir esclave, ce choix dépend de notre vouloir, selon que nous saurons démêler en nous, et mettre au-dessus de tous les autres, cet instinct de l'âme, cet immuable désir de Dieu qui, à travers les fourrés d'ajoncs et de ronces, nous mènera jusqu'à l'eau vive.
Prendre le parti de son âme, c’est cela qui dépend de la volonté libre. Dès qu'un homme y consent, toutes ses fatalités fléchissent, et les passions vaincues, dépouillées de leur masque et de leur couteau, collaborent, elles aussi, au triomphe spirituel.
Comme il est vrai que la vérité nous rend libres! C’est le miracle des miracles: la Grâce a vaincu la Nécessité. Dans certains hommes, elle change jusqu'aux traits du visage: des yeux naguère petits et troublés s'ouvrent largement et s'emplissent de lumière; tel qui avait un affreux rire éclate soudain d'un rire clair et pur.
Echec? Réussite? Pour chacun de nous, la partie sera gagnée ou perdue, selon que nous aurons pris parti pour ou contre cette âme qui nous sera redemandée, –selon ce que nous aurons fait d'elle durant cette brève traversée d'un monde où il faut la porter; la garder intacte, la sauver à travers tant de flammes!
Pèlerin qui connaît le but où tend son amour, lui qui sait vers quelle Jérusalem il se hâte ou se traine, dans la joie ou dans les larmes, dans la paix ou dans l'angoisse, le chrétien le plus faible et le plus démuni se considère comme une créature toujours en marche, jusqu’à son dernier souffle: ce jour-là, –mais ce jour-là seulement, –on pourra dire de lui qu’il est un homme arrivé.
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Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1933-06-03
Title
A name given to the resource
Sincérité
Publisher
An entity responsible for making the resource available
L'Echo de Paris
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
MEL_0462
Source
A related resource from which the described resource is derived
49e année, n° 19587, p. 1
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
François MAURIAC
Relation
A related resource
<a href="http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34429768r/PUBLIC" target="_blank">Notice bibliographique BnF</a>
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
Pdf
Microfilm
Language
A language of the resource
Français
Subject
The topic of the resource
écrivain croyant, espérance, âme, Montaigne, foi
Description
An account of the resource
Etre sincère vis-à-vis de soi consiste, selon François Mauriac, à suivre son âme guidée par la foi, sans prendre en compte les fluctuations personnelles.
Type
The nature or genre of the resource
Chronique
âme
écrivain
espérance
foi
Montaigne