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Représentations théâtrales
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On peut ne pas approuver en tout les inventions de MM. Gémier et Baty pour mettre en scène l'Avare à la Comédie-Montaigne. Mais les artistes de ce théâtre, après ceux du Vieux-Colombier, méritent notre gratitude parce qu'ils ont délivré Molière d'une interprétation officielle et figée. Dans l'ombre de son temple, nous arrivions à ne plus voir le dieu. Des mains pieuses certes, mais audacieuses, le ravissent et nous le montrent dans un jour cru.
Le terrible homme que ce Molière! Il n'en veut pas seulement à nos ridicules, à nos vices: l'Avare est la tragi-comédie de la famille. L'Adolescence et l'Amour y bafouent un vieillard hideux. Harpagon est un père horrible et un sexagénaire à faire peur: “Tant mieux, morbleu!” crie-t-il à la proxénète qui lui souhaite de survivre à ses propres enfants. Ce bourgeois qui, en secret, s'engraisse d'usure, il y avait une espèce de sadisme à vouloir qu'il fût amoureux. Ses mignardises autour de sa belle, ses grimaces passionnées, nous ne connaissons rien au théâtre de si cruel. Dans ces familles bourgeoises du grand siècle, où l'autorité paternelle imposait une effrayante contrainte, on imagine les révoltes, les haines de père à fils, les crimes: il serait vraisemblable qu'au dernier acte, le fils d'Harpagon consultât la Brinvilliers. Derrière cette majestueuse façade dont nous sommes encore charmés, Mme de Montespan faisait dire ses messes noires; le poison secourait les héritiers impatients. Les farces de Molière corroborent les témoignages de Tallemant et de Saint-Simon. Sans doute les institutions, par leur armature, défendaient-elles la société contre les passions de l'individu. La religion dispensait aux pécheresses à leur déclin ses cloîtres entr'ouverts sur le monde, ses illustres directeurs d'âmes; et au moins deux hérésies exerçaient le goût que l'on avait alors de la controverse. Ces institutions permirent à Molière de nous montrer dans sa laideur la bête humaine: avec quelle vérité! Car, la monarchie abattue, c'est bien l'homme de Molière que nous voyons à nu: Oronte, les marquis, calomnient la reine et émigrent; l'homme aux rubans verts rompt en visière à tout le genre humain; Tartufe, l'incorruptible, organise les massacres et la fête de l'Être suprême; Harpagon dénonce sa propre famille, spécule, achète des biens nationaux. Désormais déchaîné, l'homme se révèle grotesque et de la même façon qu'il le paraissait à Molière: en prétendant corriger la Nature. Il semble d'abord que le Jacobin et Molière soient d'accord sur un point. Molière est révolutionnaire parce qu'il veut qu'on laisse faire la Nature et qu'il exècre toute contrainte: la dévotion, le monde, l'autorité du père de famille et du mari, la science du médecin. Mais il se sépare des Jacobins en ceci qu'il ne croit pas que l'homme soit né bon et trouve excellent qu'un sage tyran le jugule:
Nous vivons sous, un prince ennemi de la fraude.
Ennemi de la fraude, mais ami des louanges, de celles surtout qui flattent ses amours et l'on sait du reste que l'auteur d'Amphytrion s'entendait à encenser des adultères augustes. En somme, il rejette toutes les contraintes morales, et semble compter sur l'autorité politique pour maintenir l'ordre. Tout de même, cette contradiction chez lui est choquante: il bafoue des disciplines que rendent pourtant nécessaires les vices de cette humanité dont il nous divertit. Sans doute, il y a de la bonhomie dans Molière; il se peut que ses farces ne prétendent qu'à nous faire rire, à moins qu'à force de calembredaines, il veuille nous obliger d'accepter ce qui, sans elles, paraîtrait intolérable. Dans l'Avare, surtout, il est visible que le comique tend à nous masquer le goût d'un remède, amer.
En vain M. Dullin, qui est un admirable Harpagon, se livrait à mille gambades et jouait à chat perché sur les fauteuils, il ne put nous donner le change; les contemporains non plus ne s'y trompèrent pas. Bossuet, avec bien de l'exagération, dénonça les “impiétés et les infamies” dont sont pleines les comédies de Molière: la religion prétend corriger la Nature, et elle est en cela l'ennemie de Molière au même titre que la médecine, d'où l'anathème fameux de Bossuet: “La postérité saura peut-être la fin de ce poète-comédien, qui, en jouant son Malade imaginaire ou son Médecin par force, reçut la dernière atteinte de la maladie dont il mourut deux heures après, et passa des plaisanteries du théâtre, parmi lesquelles il rendit presque le dernier soupir, au tribunal de Celui qui dit: “Malheur à vous qui riez, car vous pleurerez.”
De même que le théâtre de Molière nous révèle un siècle plus terrible et moins solennel qu'il ne paraît d'abord, dans celui de Labiche, ainsi que dans les opérettes d'Offenbach, nous admirons comme fut calomnié le Second Empire, le moins orgiaque des empires. Lemaître fut le premier frappé de la place qu'occupe la vertu dans les pièces de Feuillet, d'Augier, de Dumas fils. Les héros y méprisent l'argent, prennent l'amour fort au sérieux, relèvent la femme adultère, et vénèrent l'enfant, surtout s'il est naturel. Les passionnants mémoires de M. Augustin Filon nous ont fait connaître récemment cette cour de Compiègne, où tout respire l'honnêteté. Honnête Labiche! qu'il eût été étonné de l'honneur dont le comblent MM. Gémier et Baty qui, pour Vingt-neuf degrés à l'ombre, fignolent la mise en scène, et déguisent les acteurs, car Labiche ne se joue plus avec le costume moderne: il commence à “dater”, il “fait époque”. Nous avons ri de tout notre cœur: ses petits bourgeois sentencieux, vaniteux et froussards, demeurent fort divertissants, bien qu'il n'y ait pas une once de perversion dans cette malice.
Au théâtre Moncey, M. Maurice Maeterlinck vient de fournir un argument nouveau contre nos adversaires: les atrocités allemandes qu'il porte à la scène, pour vraies qu'elles soient, y paraissent invraisemblables, leur horreur dépasse le “grossissement” du théâtre. Dans un mélodrame, elles feraient crier à l'exagération le public du paradis. Les officiers ennemis que nous montre M. Maeterlinck, sont des monstres au point qu'on n'en revient pas de ce qu'il les ait peints d'après nature et, pour ainsi dire, photographiés. Les Allemands n'ont pas su garder dans leurs atrocités cette mesure qui les rendrait supportables au théâtre, et c'est sans doute leur faute plus que celle du peintre si nous ne pouvons plus les voir, même en peinture. Il eût été si inutile d'ajouter à l'horreur qu'il faut croire que le Bourgmestre de Stilmonde ne nous révèle rien que de vrai. Nous assistons à l'arrivée des Allemands dans une petite ville flamande. Un de leurs lieutenants est le gendre du bourgmestre. Un officier allemand ayant été assassiné, un vieux jardinier est, contre toute vraisemblance, accusé du crime. Il faut qu'à la fin du jour le bourgmestre le livre au peloton d'exécution ou se livre lui-même. Nous voyons, d'un acte à l'autre, ce bourgeois pacifique et timoré se hausser au plus sublime héroïsme. Le commandant allemand exige que ce soit le gendre qui préside à l'exécution du beau-père. Après cela, nous avions besoin de nous détendre et comptions sur la farce promise. Le Miracle de saint Antoine est, de ce point de vue, fort décevant. Saint Antoine vient ressusciter une vieille demoiselle et les héritiers le livrent au commissaire. Ces deux actes n'ajouteront rien à la gloire de M. Maurice Maeterlinck.
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Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1921-02-12
Title
A name given to the resource
L'Avare, de Molière - Vingt-neuf degrés à l'ombre, de Labiche, à la Comédie-Montaigne - Le Bourgmestre de Stilmonde; Le Miracle de saint Antoine, de M. Maurice Maeterlinck, au théâtre Moncey
Publisher
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Revue hebdomadaire
Source
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30e année, n°7, p.239-242
Type
The nature or genre of the resource
Chronique dramatique
Creator
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François MAURIAC
Relation
A related resource
<a href="http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34350607j/PUBLIC" target="_blank">Notice bibliographique BnF<br /></a>Extrait sur Molière repris p.5-7, <span>in<span class="apple-converted-space"> </span></span><em><span>Dramaturges</span></em><span>, Paris : Librairie de France, 1928.</span>
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
Pdf
Language
A language of the resource
Français
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
MEL_0674
Subject
The topic of the resource
Molière, théâtre de boulevard, nature humaine, Grand Siècle, Allemagne, acteurs
Description
An account of the resource
Une riche semaine de théâtre marquée par l'implacable description de la nature humaine que propose Molière et les bouffons divertissants de Labiche.
acteurs et actrices
Allemagne
Grand Siècle
Molière
Nature humaine
théâtre de Boulevard
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Title
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Représentations théâtrales
Texte
Ressource textuelle
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M. Henri Bataille atteint l'âge critique des écrivains de théâtre où ils croient qu'ils sont Shakespeare. Il faudrait à ce moment de leur vie les entourer d'une lance surveillance courtoise mais ferme, et leur interdire l'approche de certains sujets comme ce don Juan qui plus qu'aucun autre les attire. On souffre mal que sur ce visage qu'embellirent Molière, Byron, Mozart, Baudelaire, Mérimée, Barrés, un Bataille se pose et le corrompe. Miguel Manara, le don Juan de l'histoire, ne méritait pas cette injure. Dès trente ans, il renonce à la débauche, fonde un ordre pour assister les condamnés et recueillir leurs cadavres; enfin il fit une pénitence si admirable que depuis deux siècles, Rome s'inquiète de le canoniser. Devant son masque, à Séville, Barrés se rappela les traits de Pascal. Tant qu'il s'en donna à cœur joie, le héros s'intéressait aux corps mais aussi aux âmes: il aimait perdre les âmes et voler Dieu et c'est pourquoi il rôdait volontiers autour des couvents et les grilles sombres l'attiraient. Pécheur ou saint, le ruffian ne cesse d'être inquiet d'éternité. M. Henri Bataille, qui peut-être a le sentiment d'être épuisé et de n'en plus pouvoir, a-t-il cru que ce haut sujet le porterait et que la grandeur de son héros nous ferait illusion? Mais par un triste miracle, cet Espagnol, sensuel, dévot, et qui avait le goût du sang, se mue en un ennuyeux bavard qui, parlant à perdre haleine, au long de trois actes, atteint pourtant à ne rien dire. Il ne reste rien ni de la réputation de l'auteur, ni du personnage, ni de l'acteur, ni du plaisir des spectateurs: c'est enfin ce qui s'appelle un rôle écrasant. M. Henri Bataille lui-même a pris peur et a crié au secours vers le metteur en scène: les rossignols chantent dans un jardin d'Espagne; la cathédrale de Séville s'emplit des gémissements de l'orgue; l'homme à la rose porte un pourpoint d'argent et toutes les femmes comme Lola de Valence ressemblent à des bijoux roses et noirs. Mais quelle luxueuse monture embellirait jamais une pierre fausse? Alors M. Henri Bataille jeta le cri des auteurs de revue dans la détresse: “Faites donner les femmes nues!” Et deux femmes nues sont tout le mérite du dernier acte. Au premier, nous avions vu don Juan, déjà fourbu, confier à une doublure la séduction d'une dame sévillane; le mari jaloux tue la doublure qu'on enterre pompeusement sous le nom de don Juan, — ce qui permet au héros d'assister à ses propres obsèques. Cela prêtait à du comique, ou à du tragique, et la richesse même du sujet rend plus cruelle l'impuissance de M. Bataille à en tirer quoi que ce soit. Don Juan derrière un pilier compte ses maîtresses, celles qui pleurent et celles qui bâillent. Il fait peur à une petite nonne qui naguère l'aima, essaye de séduire en cinq minutes une enfant pénitente au confessionnal et s'entend appeler vieux dégoûtant; cette injure le décide à ne pas rentrer dans la vie et à faire le mort. Mais lorsque, au dernier acte, dans la pauvre auberge où il se cache, don Juan veut jeter le masque, nul ne le croit et il est réduit à payer cinq douros les faveurs d'une souillon. M. Bataille brûle ce qu'il adora; toutes ses autres pièces portent en exergue les vers de ce poète, dans un roman de Daudet:
Et de quelques lazzis dont la foule me raille.
Moi je crois à l'amour comme je crois en Dieu!
M. Bataille ne croit plus à l'amour et pour comble il prête à son romantique fantoche tous les ridicules d'un homme de lettres: don Juan écrit ses mémoires et veut violer une tombe pour les retrouver. M. Henri Bataille ne croit même plus à la littérature... Ce qu'il y a de pathétique dans l'Homme à la rose, c'est qu'on y sent partout l'auteur conscient du ratage, il se cache derrière l'accessoire, il décroche des apparitions, il prie M. de Curel de lui vouloir bien passer le squelette de l'Ame en folie; il veut faire rire par des anachronismes et don Juan tape à la machine ses mémoires: pas une larme, dans la salle, pas un rire — un immense ennui qu'atténuent décors et costumes.
M. André Brûlé a joué si longtemps Arsène Lupin qu'il ne peut plus s'arrêter: sous son pourpoint d'argent, il garde cet indéfinissable accent “apache et monde”. Ce n'est d'ailleurs pas désagréable, loin de là; et puis il inspire une sincère pitié: comme on comprend que le premier soir il ait crié grâce!
Mlle Ève Francis montre un goût étrange des contrastes, cette excellente artiste a la gloire d'être l'unique interprète de Paul Claudel. Elle passe de Claudel à Bataille avec une aisance miraculeuse. Ce brusque changement d'atmosphère ne lui coupe pas la respiration. C'est peut-être que de l'un à l'autre, il n'est de différence que le génie et qu'il y a aussi de la perversité dans Claudel. Nous aurons bientôt sujet d'étudier le cas de ce grand dramaturge.
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Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1920-12-25
Title
A name given to the resource
L'Homme à la rose, pièce en trois actes de M. Henri Bataille,
au théâtre de Paris
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Revue hebdomadaire
Source
A related resource from which the described resource is derived
29e année, n°52, p.474-476
Type
The nature or genre of the resource
Chronique dramatique
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
François MAURIAC
Relation
A related resource
<a href="http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34350607j/PUBLIC" target="_blank">Notice bibliographique BnF<br /></a>Repris p.16-18, <span>in<span class="apple-converted-space"> </span><em>Dramaturges</em>, Paris : Librairie de France, 1928.</span>
Format
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Pdf
Language
A language of the resource
Français
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
MEL_0669
Subject
The topic of the resource
théâtre, molière, Espagne
Description
An account of the resource
Sévère condamnation sans appel d’une nouvelle version de Don Juan que François Mauriac qualifie de ratage bavard et ennuyeux.
Espagne
Molière
Théâtre