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Title
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Théâtre
Description
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Le théatre
Texte
Ressource textuelle
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Le soir de l'armistice, outre les raisons communes à tous les citoyens de danser en rond aux carrefours, il en était de particulières à chacun d'eux; et tel jeune écrivain s'est dit ce jour-là: “Marcel Proust va pouvoir nous donner la suite de Du côté de chez Swann”; ou encore: “Jacques Copeau va rouvrir le théâtre du Vieux-Colombier.”
Pendant la guerre, de fameux comédiens, de qui les méthodes ne ressemblent en rien à celles de Copeau, avaient monté, en dépit des circonstances, des spectacles si riches et si magnifiques, qu'ils nous donnèrent la nostalgie de cette sainte pauvreté mise naguère par le directeur du Vieux-Colombier au service de Molière et de Shakespeare. Chez Gémier, qui réagit, lui aussi, noblement contre la basse industrie des scènes du boulevard, — le metteur en scène se met en scène: le Marchand de Venise, Œdipe roi de Thèbes, ne sont plus que des prétextes à mouvements de foules, luttes, jeux de l'arc, danses; des attractions nous détournent de haïr Shylock ou de pleurer avec Œdipe; l'exhibition étouffe la poésie. Au contraire, la doctrine de Copeau tient dans cette formule: dégager par la simplicité de la mise en scène la pure configuration des chefs-d'œuvre. Plus d'exigeantes vedettes ni de décorateurs présomptueux, mais sur un tréteau nu, une fervente compagnie où chacun à sa place ne souhaite rien que servir. De ce que Copeau par de telles méthodes réalisa, les spectateurs de la Nuit des rois, en 1914, avaient gardé un souvenir fidèle; aujourd'hui, le Conte d'hiver leur donnera la même joie.
Une fervente compagnie que le directeur tient en main comme un chef d'orchestre ses musiciens, cela d'abord est nécessaire: un adolescent soumis et qui n'obéit pas à son propre sens, trahira moins le poète que le célèbre acteur soucieux de sa gloire et de ses effets. Les contemporains de Molière attribuaient d'abord ses succès à sa maîtrise sur une troupe disciplinée: “On a vu, par le moyen de Molière, ce qui ne s'était pas encore vu et ce qui ne se verra jamais: c'est une troupe accomplie de comédiens formée de sa main, dont il était l'âme... (1)” Et l'homme de Stratford, appelé Shakespeare, — ou, selon M. Lefranc, William Stanley, comte de Derby, — fut d'abord servi par une troupe de comédiens passionnés.
Ce Conte d'hiver dont la lecture nous enchante, à la scène, — fût-elle du Vieux-Colombier, — déconcertera toujours un Français. La notice du programme appelle notre attention sur l'unité tout intérieure de l'œuvre; confessons qu'elle nous échappe et que ce conte nous semble fait de deux pièces juxtaposées, un drame de la jalousie, puis une comédie poétique où triomphent le printemps, l'adolescence, l'amour; drame et comédie réunis par le plus apparent artifice. Léontès, roi de Sicile, soupçonne injustement Hermione, sa femme, et le roi de Bohême, Polixénès; il emprisonne, puis juge et condamne l'innocente, après avoir fait jeter sur une rive déserte la petite fille qu'elle a mise au monde. Son autre enfant, Mamilius, meurt de douleur; la reine elle-même passe pour morte; voilà le drame. Seize ans après, la petite fille abandonnée, qui, sous le nom de Perdita, a été recueillie par des bergers, est aimée du fils du roi; l'histoire de cet amour, parmi de printanières fêtes et d'étourdissantes clowneries, c'est la comédie qui nous fait oublier les premiers actes, bien que tout se dénoue dans le royaume de Léontès et que la reine Hermione sorte de sa retraite pour pardonner à son époux et bénir Perdita. Cette composition dérange nos habitudes; sans doute avons-nous fait depuis deux siècles de grands progrès pour bien comprendre Shakespeare. Nous sommes tout de même les descendants de ce traducteur de Pope qui, en 1738, après avoir déclaré dans sa préface: “Quelques belles que soient les choses, nous y voulons absolument de l'ordre...”, ajoutait avec candeur: “Je me suis donc trouvé dans la nécessité de diviser le poème de M. Pope en quatre chants, de rapprocher des idées trop éloignées, et de recoudre certains morceaux qui paraissaient détachés de leur tout...” Des gens capables de mettre d'autorité, en quatre chants, les Principes de la morale et du goût du sage Pope, comment traiteront-ils Shakespeare? Et, de fait, Voltaire, le Français Voltaire, à qui, en France, nous ressemblons tous, s'en donna à cœur joie contre ce “huron” de Shakespeare (1). Mais le grand Anglais souffrit davantage de ceux qui prétendirent l'aimer. L'auteur de l'avertissement, en tête des œuvres complètes de Ducis, loue cet honnête homme d'avoir su dégager des traits simples et sublimes “de l'alliage impur qui déshonorait les ouvrages gigantesques et monstrueux du tragique anglais...” Il l'admire d'avoir purgé Shakespeare des défauts de la grossièreté et des vices de l'affectation! Ce bon Ducis, il est vrai, ménage le goût français jusqu'à donner à Othello une fin agréable et à épargner Desdémone. Sourions, mais ayons l'honnêteté de reconnaître qu'il reste bien aux spectateurs du Vieux-Colombier un peu de cette inintelligence. Je mets à part les beaux esprits que, dans Shakespeare, séduit ce qui déconcerte le commun, et par exemple toute la clownerie. Les facéties de Clown et du vagabond Autolycus qui, vers 1600, dilataient la rate du vulgaire au théâtre du Globe de Southwark, enchantent plusieurs de nos maîtres et de nos confrères; ces contempteurs du théâtre contemporain sont des fidèles du Médrano; le dégoût de la scène leur a donné le goût du, cirque et du music-hall. Le Vieux-Colombier est le théâtre des gens qui n'aiment pas le théâtre (tel qu'on le pratique aujourd'hui); en leur donnant une interprétation de Shakespeare, sans aucune coupure, Copeau légitime leur faible pour la “parade”, puisque le grand Anglais insère dans l'œuvre d'art la bouffonnerie, la mimique, la perpétuelle et folle invention du clown. Hors ces raffinés, le public de Copeau comprend d'honnêtes gens qu'attire la promesse d'un renouveau, mais enfin ils ont leurs habitudes; la mise en scène, bien loin qu'elle les empêche de goûter le chef-d'œuvre, les aide à le comprendre. Le “traiteau nu” de Copeau les condamne à un effort bien fatigant; rien ne les y avertit qu'ils ne sont plus à la cour de Léontès, mais dans un pays désert ou sur une place publique. Enfin, par tradition, ils admirent la machinerie*, et le décor riche; ils estiment un directeur de théâtre selon les frais à quoi il consent et selon sa somptuosité. Au puritanisme théâtral de Copeau, rien ne les avait préparés. Il n'y a pas si longtemps qu'un Jules Lemaître ne doutait pas que seuls la richesse, le luxe de la décoration pûssent exprimer la poésie d'un drame; en 1886, Porel donne à l'Odéon le Songe d'une nuit d'été et Lemaître crie au miracle devant “les poétiques décors”. Il accuse Porel de le vouloir faire mourir de plaisir, tant ce directeur prodigue “les étoffes précieuses et fait ruisseler l'or et les pierrerries sur la soie des costumes...” Les toiles peintes de l'Odéon l'aident à bien comprendre Shakespeare.
Sans doute, par d'heureux accords de tons et surtout par la science qu'il a de grouper harmonieusement les protagonistes, Copeau atteint parfois à de surprenants effets (par exemple au second acte, sans aucun accessoire, nous reconnaissons l'atmosphère de la chambre où la reine Hermione repose, les servantes laborieuses autour de la table moquent doucement l'enfant Mamilius; alors le petit garçon un peu boudeur s'éloigne et chuchote son conte triste à l'oreille de la reine ensommeillée). Malgré de telles réussites, le directeur du Vieux-Colombier ne peut tout à fait séduire qu'un petit nombre de délicats capables de ce renoncement au décor. Car il semble que ce ne soit pas le théâtre qui crée le public, mais le public crée le théâtre; nous avons, sur les boulevards, les scènes que nous méritons; celle du Vieux-Colombier est née d'une élite et Dieu veuille qu'en dépit de ses trois cents places, elle ne soit pas encore trop grande; d'autant que le choix des nouveautés promises nous surprend, non qu'il soit mauvais, mais qu'il est restreint! Quand nous lisons au programme les noms de G. Duhamel, de Jules Romains, de H. Ghéon, de Jean Schlumberger, d'A. Gide, de C. Vildrac, si volontiers nous accordons à Copeau que son théâtre n’est pas d'avant-garde, en revanche nous lui demandons de reconnaître que voilà bien ce qu'on appelle un théâtre de famille. Ce caractère limite beaucoup, selon nous, l'importance d'un tel essai de rénovation dramatique. Une pleïade d'artistes, où d'ailleurs le talent abonde, et qui déjà possédait une revue et une librairie, s'enrichit encore d'un théâtre; mais nous aimerions qu'il ne fût pas seulement l'annexe d'une librairie et d'une revue.
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Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1920-03-07
Title
A name given to the resource
Réouverture du Vieux-Colombier
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Revue hebdomadaire
Source
A related resource from which the described resource is derived
29e année, n°10, p.127-130
Type
The nature or genre of the resource
Chronique dramatique
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
François MAURIAC
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
Pdf
Language
A language of the resource
Français
Relation
A related resource
<a href="http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34350607j/PUBLIC" target="_blank">Notice bibliographique BnF<br /></a>Repris sou le titre "Le Vieux-Colombier" p.154-157, <span>in<span class="apple-converted-space"> </span><em>Dramaturges</em>, Paris : Librairie de France, 1928.</span>
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
MEL_0658
Subject
The topic of the resource
Copeau, Shakespeare, Voltaire
Description
An account of the resource
Après une fermeture de cinq ans, le théâtre du Vieux Colombier ouvre ses portes avec une représentation du <em>Conte d’hiver</em>.
Jacques Copeau
Shakespeare
Voltaire
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Title
A name given to the resource
Christianisme
Texte
Ressource textuelle
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Après la mort de Blaise Pascal, et même après que fut publié le manuscrit des Pensées, si son génie était hors de discussion, il demeurait tout de même, aux yeux de beaucoup, l'homme d'un parti. I1 fallut le coup d'œil de Voltaire pour discerner dans le grand homme de Port-Royal, dans l'ennemi des Molinistes, le chef qui, bientôt, rallierait toutes les forces, vives du catholicisme français. Voulant abattre « l'infâme », Voltaire vit bien quelle tête sublime devait recevoir le premier coup. Ce n'est pas que d'abord il n'ai haï en Pascal le janséniste, l'insulteur des Pères à qui il était redevable d'avoir fait de si solides humanités. Il se souvenait avec gratitude du collège de Clermont et connaissait sa dette envers les P. P. Porée, Tournemine et Toulié. Il aimait justement dans les jésuites ce qui les rendait haïssables à Pascal et les approuvait de ce que la religion devenait, grâce à eux, plus souple, moins sûre de soi. Dans Le Siècle de Louis XIV, il prétend les absoudre de tout ce dont les accuse Pascal ; « Il est vrai que tout le livre, portait sur un fondement faux : on attribuait adroitement à toute la Société les opinions extravagantes de plusieurs jésuites espagnols et flamands. On les aurait déterrées aussi bien chez les casuistes dominicains et franciscains... Mais il ne s'agissait pas d'avoir raison, il s'agissait de divertir le public. » Rien ne fut jamais si odieux à Voltaire que les terribles robins jansénistes du Parlement. Là, d'ailleurs, peut-être manqua-t-il de flair. Car ce qu'il appelait « l'infâme », cette religion tant haïe, portait en elle (du moins en France) un germe mortel qui était justement le jansénisme, et du point de vue de Voltaire, une habile politique du pire eût peut-être été de ne pas le combattre. Outre qu'il y a sans doute une hérédité janséniste dans quelques-unes des formes du modernisme, on ne saurait trop répéter que, triomphante, la doctrine de Port-Royal eût fait le désert dans l'Eglise : car comment vivre sous la loi de la terreur et du désespoir ? Si notre Pascal, qui a osé écrire : « On n'entend rien aux ouvrages de Dieu, si on ne prend pas pour principe qu'il a voulu aveugler les uns et éclairer les autres », et encore : « il y a assez de clarté pour éclairer les élus et assez d'obscurité pour les humilier. Il y a assez d'obscurité pour aveugler les réprouvés et assez de clarté pour les condamner et les rendre inexcusables... » Si Pascal, tout de même, a pleuré joie, c'était qu'il avait eu, par le miracle de la sainte Epine et par sa nuit du lundi 23 novembre 1654, l'assurance d'être éternellement choisi, d'être gracié (ce terme judiciaire pourrait venir du mot « grâce » au sens de Jansénius). Oui, Voltaire, pour détruire plus sûrement le Christianisme, aurait dû soutenir cette doctrine effroyable qui incitait M. de Saint-Cyran à se féliciter ainsi de la mort en bas-âge de sa propre nièce : « Il arrive rarement qu'un « seul se sauve dans une grande et nombreuse famille, et la succession des damnés de l’autre monde est quelquefois, de père en fils, aussi longue que la durée de la famille : ce qui arrive presque toujours dans les maisons des riches, et peut-être nuls ne se sauveront, s'ils demeurent dans le train du monde, que ceux qui meurent en bas-âge. » (Recueil de plusieurs pièces pour servir à l'histoire de Port-Royal, Utrecht, 1740.)
Mais le faible de Voltaire pour ses anciens maîtres et son horreur des Jansénistes n'eussent pas suffi à le déchaîner contre Pascal, s'il n'avait su prévoir les milliers d'âmes orientées, violentées dans les siècles futurs, par cette logique passionnée ; s'il n'avait compris que ce chasseur au service de « l'infâme » chasserait sur les propres terres de l'Encyclopédie, et qu'il ferait s'écrouler au pied de la croix du Christ des savants, des artistes, des philosophes.
Rendons-lui cette justice que, à part quelques propos aventurés touchant l'abîme et la folie de Pascal, Voltaire n'a jamais tenté de rabaisser un si superbe ennemi. « Il y a déjà longtemps que j'ai envie de combattre ce géant — écrit-il à Formont (juin 1733) — il n'y a guerrier si bien armé qu'on ne puisse percer au défaut de la cuirasse... » Ainsi s'avance vers le Goliath chrétien ce David gringalet armé de la fronde du bon sens. Il le toise et il l'admire. Admiration littéraire d'abord ; et s'il est vrai qu'un auteur n'admire que soi même dans les autres, n'y a-t-il pas déjà du Voltaire dans la verve des Provinciales ? Ces deux esprits irréductibles, la même terre latine les a nourris. A propos des premières « petites lettres », Arouet prononce le nom de Molière, ce qui est se reconnaître avec Pascal un père commun. Il accorde ailleurs à son ennemi « toutes les éloquences », et les manuels de littérature ont reproduit cent fois le jugement de Voltaire qui fait dater des Provinciales la fixation du langage.
Il ne méconnaissait donc .pas le génie auquel il consacra ses fameuses Remarques que l'on trouve jointes à ses Lettres Philosophiques, et dont Sainte-Beuve a dit, avec quelque exagération, mais en une image saisissante : « qu'elles prennent Pascal au vif sous le « cilice. » Pour mesurer la passion de Voltaire à cette époque, il faut se reporter à sa correspondance : « Va, va Pascal ! Laisse-moi faire ! — s'écrie-t-il dans une lettre à d'Argental (mai 1734) — Tu as un chapitre sur les prophètes où il n'y a pas l'ombre de bon sens. Attends ! Attends ! » (il faut avouer que ce Voltaire furibond est assez charmant.) En avril, il écrivait à Maupertuis « Savez-vous que j'ai fait prodigieusement grâce à ce Pascal ? De toutes les prophéties qu'il rapporte, il n'y en a pas une qui puisse s'appliquer honnêtement à Jésus-Christ. Son chapitre sur les miracles est un persiflage. Cependant, je n'ai rien dit, et l'on crie. » Voltaire, en effet, ne cache pas à Formont qu'il aura la prudence de ne pas toucher dans les Pensées aux sujets dangereux. « Je m'y prendrai avec précaution. Je ne critiquerai que des endroits qui ne seront pas tellement liés avec notre sainte religion qu'on ne puisse déchirer la peau de Pascal sans faire saigner le christianisme. » (Juin 1733.)
Mais ici, la prudence l'a servi, puisqu'elle lui a fait justement négliger les parties caduques de l'apologétique pascalienne (prophéties), pour s'attacher à l'essentiel, et que lui-même fait tenir à peu près dans ces deux propositions ; 1° Il ne suffit pas, comme le veut Pascal qu'une religion, tienne compte de la nature humaine pour être vraie ; 2° Cette double nature humaine qu’imagine Pascal et qui, selon lui, rend nécessaire le christianisme, n'existe pas. Sur la première au moins de ces propositions, un théologien serait d'accord avec Voltaire qui, d'ailleurs, s'en explique justement dans une lettre à son ancien maître, le Père Tournemine. Le vrai est que Pascal ne l'a pas non plus soutenue sous cette forme absolue.
La conformité entre la nature .humaine et catholicisme ne prouve pas la vérité de cette religion, ni qu'elle soit révélée, mais retient l'esprit et l'excite à chercher plus avant de ce côté, plutôt que d'un autre. Autant nous intéresse peu l'argument qui fut tiré plus des avantages moraux et sociaux du christianisme (car une erreur, fût-elle bienfaisante ne vaut pas qu’on lui sacrifie une minute de plaisir) autant nous frappe la correspondance de clef à serrure que Pascal, le premier, a montré entre notre nature et la doctrine de l'Eglise. Et l’on sait tout le parti qu'en ont tiré, de nos jours des apologistes, comme cet étonnant Chesterton, dont il faut toujours citer ce passage fameux : « Lorsque nous trouvons quelque chose de singulier dans le christianisme, c’est finalement qu'il y a quelque chose de singulier dans la réalité... »
Mais le plus piquant est de voir le futur auteur de Candide, et qui devait administrer aux optimistes de si belles étrivières, se choquer du tableau trop noir que Pascal nous trace de l'homme et dénoncer ce « misanthrope sublime ». Contre Pascal, Voltaire serait tenté de soutenir que ce monde est le meilleur possible ! C'est vrai qu'il est jeune alors, et que c'est le temps de la douceur de vivre ! Nul, en ces frivoles années, ne songe à rien prendre au tragique. Pourquoi se désespérer de ce que nous ignorons la nature de notre pensée ? Quant au silence éternel des espaces infinis, Voltaire ne doute pas que le progrès des lumières le rendra bientôt moins redoutable. Il ne voit aucune contradiction dans l'homme, traite de « galimatias » (c'est encore aujourd'hui le mot des critiques qui ne comprennent pas un texte) la pensée de Pascal touchant l’ordre charnel opposé à l’ordre des esprits, que dépasse infiniment celui de la charité. Ce fut un protestant français établi à Utrecht, M. Boullier, qui réfuta, avec beaucoup de force et de bon sens les objections de Voltaire. Au fond, elles n'avait pas même, ébranlé le colosse. Après Voltaire, Condorcet n'ajoutera que des ragots sur l'amulette de Pascal, ou cet « abîme à droite » n'est question que dans une lettre de l'abbé Boileau imprimée en 1737 ! Il restera plus tard à l'adversaire de se persuader que, au siècle de la science (comme si le siècle de Pascal n’avait pas été celui de la science !) Pascal se fût inscrit à la Libre Pensée — lui pour qui justement, 1a foi échappait à la raison, et qui avait, de son Dieu une connaissance toute intérieure : « Dieu sensible au cœur, non à la raison... ».
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Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1923-06-23
Title
A name given to the resource
Voltaire contre Pascal
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Les Nouvelles littéraires
Type
The nature or genre of the resource
Méditation philosophique
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
François MAURIAC
Source
A related resource from which the described resource is derived
2e année, n°36, p.2
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
Pdf
Language
A language of the resource
Français
Relation
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<a href="http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328268096/PUBLIC" target="_blank">Notice bibliographique BnF<br /></a>Repris p.45-54, <span>in<span class="apple-converted-space"> </span><em>Mes grands hommes</em>, Monaco : éd. du Rocher, 1949.<br />Repris p.349-352, in <em>Oeuvres complètes, VIII</em>, Paris : Fayard, 1950-1956.</span>
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
MEL_0516
Subject
The topic of the resource
Voltaire, Pascal, catholicisme, Dieu, Grâce, théologie, raison, philosophie
Description
An account of the resource
François Mauriac approuve Voltaire d’avoir reconnu dans Pascal la figure qu’il devait attaquer pour s’en prendre à la religion. Mais il se détourne bien vite de lui et de ceux qui ont prolongé sa critique au nom de la Raison : pour François Mauriac, Pascal n’est pas l’homme du terrifiant jansénisme, mais le croyant qui a perçu que la connaissance de Dieu ne pouvait s’atteindre que dans l’intimité du cœur.
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Voltaire