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Guerre d'Espagne (1936-1939)
Texte
Ressource textuelle
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Nous vivons dans des temps où la victime du moment fait oublier la victime de la veille, où un crime chasse l’autre. Il faut que nous sachions garder fidélité à une cause même si elle n’est plus à l’ordre du jour. On ne parle plus beaucoup des Basques depuis quelque temps. Il n’empêche que le problème basque demeure posé, et qu’il reste actuel, tant que l’Espagne n’aura pas retrouvé la paix.
Aujourd’hui, nous pouvons affirmer que dans l’univers catholique, et d’abord en France, les Basques ont gagné la partie devant l’opinion. Nous ne nous serons pas battus pour rien, et les injures reçues ne pèsent guère devant le résultat obtenu. Ces jours derniers, à une première réunion pour constituer le Comité international d’amis des Basques, la présence de l’archevêque de Paris, de l’évêque de Dax et d’autres personnalités dont il ne nous appartient pas encore de donner le nom, témoignait que la fraternité catholique, longtemps hésitante à cause de tant de calomnies répandues, s’affirme maintenant sans réticences en faveur des amis fidèles que possède la France sur la frontière des Pyrénées.
Durant les dernières vacances, en première page d’un grand quotidien modéré comme La Petite Gironde, une enquête très favorable aux Basques, de M. Pierre Dumas, a pu paraître durant plusieurs jours sans soulever de protestations. D’un certain nombre d’erreurs, qui naguère encore couraient la presse française, aucun journal n’ose plus aujourd’hui se faire l’écho.
Personne n’ignore plus en France qu’avant la guerre civile, non seulement aucune alliance n’existait entre les catholiques basques et les communistes, mais que, sur le terrain électoral comme sur celui des œuvres sociales, ils demeuraient des adversaires irréductibles. Attaqués par les rebelles, dès le premier jour, les Basques se sont trouvés à leur corps défendant au côté des gauches espagnols, de même qu’en septembre, une agression de l’Allemagne nous aurait placés, avec l’Angleterre conservatrice, dans le même camp que les Soviets.
Aucun catholique n’ignore plus que l’obéissance au pouvoir établi, au pouvoir légal, fût-il le pire, demeure la règle de l’Église, et que seule la passion politique pouvait faire un crime aux catholiques basques d’avoir refusé de se révolter. Même si l’on considère que l’état intérieur de l’Espagne rendait légitime le soulèvement militaire et l’appel à l’étranger, même dans cette hypothèse, aucune loi divine ni humaine n’obligeait en conscience les Basques à prendre parti contre le gouvernement officiel de Madrid auprès duquel étaient accrédités les ambassadeurs du monde entier. Les rebelles, et non les fidèles, ont à se défendre et à présenter leurs arguments. Nous admettons que ces arguments méritent d’être considérés. Mais ce que nous n’admettons pas, c’est que les Basques aient commis un crime en voulant demeurer hors du conflit.
D’ailleurs, par quel miracle eussent-ils pu se résoudre à soutenir les ennemis de leurs libertés? Au moment d’obtenir de la République l’autonomie dans le cadre de la nation espagnole, leurs aspirations allaient être satisfaites. Il était inhumain d’attendre d’eux et stupide d’espérer qu’ils mettraient leurs forces au service de ceux qui souhaitent d’anéantir ces libertés auxquelles ils tiennent plus qu’à leur vie. Aucun Français raisonnable ne croit plus aujourd’hui qu’on pouvait raisonnablement attendre d’eux une telle attitude. Pas plus d’un peuple que d’un individu, nous ne saurions exiger qu’il se trahisse lui-même.
Et sans doute on objectera qu’ils ont tout perdu, qu’ils ont été écrasés. Défaite qui n’est qu’apparente. Les Basques l’ont tout de même emporté. Ils ne furent jamais si près de la victoire. Le gouvernement d’Euzkadi réside à Paris et ce n’est pas un gouvernement fantôme car il s’occupe des milliers et des milliers de Basques de tout âge et de toutes conditions qui ont franchi les frontières; il veille sur des milliers d’enfants.
Des amitiés fidèles les entourent dans le monde entier. La hiérarchie catholique, un moment influencée par les manifestes passionnés d’une partie de l’épiscopat espagnol trop engagé dans la guerre civile, ne traite plus son peuple fidèle en suspect. Nous savons que le Père commun les porte aujourd’hui dans son cœur et que l’archevêque de Paris se tient à leurs côtés. Quelle que soit l’issue de la guerre civile, personne ne doute plus que le vainqueur ne fondera rien de durable sans rendre aux Basques leurs libertés. Quant à nous, nous sommes assuré qu’en soutenant cette cause, c’est la France que nous avons servie. Elle a besoin, sa sécurité exige que sur la frontière des Pyrénées les forces allemandes et italiennes, plus ou moins camouflées, cèdent la place aux possesseurs légitimes, dont les frères sont Français –peuple petit, sans doute, mais tout de même le plus fort de l’Espagne, le plus pur de race, le plus riche non seulement en esprit, mais aussi matériellement: l’Euzkadi produisait, à la veille de la guerre civile, soixante pour cent du fer de la Péninsule; il frétait la moitié des bateaux battant pavillon espagnol, il fournissait plus d’un quart des comptes courants de la Banque d’Espagne.
L’Église basque dirigée par un clergé social dévoué aux œuvres populaires, opposait au communisme cette justice, cette charité, cet amour qui sont les seules armes efficaces du chrétien. Nous sommes en droit d’affirmer aujourd’hui que c’est dans la mesure exacte où les provinces basques auront reconquis leurs libertés que l’Espagne retrouvera la paix véritable. Ces libertés seront la pierre de touche d’un bon gouvernement, de même que leur suppression serait le signe d’un pays livré à la force, c’est-à-dire condamné à de nouvelles et interminables convulsions. Le rétablissement de l’Euzkadi dans ses droits marquera enfin l’entrée de l’Espagne dans la paix.
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Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1938-12-30
Title
A name given to the resource
La Victoire des Basques
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Paris-Soir
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
MEL_0595
Relation
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<a href="http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34519208g" target="_blank">Notice bibliographique BnF</a>
Source
A related resource from which the described resource is derived
16e année, n°6012, p.2
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
François MAURIAC
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
Pdf
Language
A language of the resource
Français
Subject
The topic of the resource
guerre d’Espagne, peuple basque, Espagne, catholicisme social, communisme
Description
An account of the resource
François Mauriac prend du recul sur la défaite militaire des Basques pour relever leur victoire dans l’opinion publique. Il apparaît que leur refus de se soulever contre le gouvernement républicain était justifié par la promesse que leurs libertés allaient être reconnues. Il appuie le gouvernement basque en exil à Paris, ainsi que le clergé basque dont les idées sociales étaient un rempart contre le communisme. Pour lui, la paix en Espagne ne s’établira que lorsque les Basques auront récupérés leurs droits.
Type
The nature or genre of the resource
Chronique
catholicisme social
communisme
Espagne
guerre d'Espagne
Peuple basque
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Title
A name given to the resource
Guerre d'Espagne (1936-1939)
Texte
Ressource textuelle
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Dans un discours prononcé à Bilbao (1), le ministre de l’Intérieur du gouvernement de Salamanque attaque avec violence Jacques Maritain et la Croix. Il me fait aussi l’honneur de me nommer. Je voudrais, à ce propos, essayer de dissiper quelques équivoques et marquer ma position et celle de mes amis, dans le conflit qui divise l’Espagne.
Mais il faut d’abord avertir le ministre espagnol qu’ici, en France, Jacques Maritain, tendrement aimé de ses amis, est aussi respecté de ses adversaires. Pour beaucoup qui peuvent ne pas entrer dans ses vues sur le Thomisme, ni approuver toutes ses initiatives et toutes ses démarches, il est demeuré, il restera toujours ce “bien-aimé Jacques”, à qui Ernest Psichari écrivait en 1914: “Ce que tu as fait pour moi, les prières par lesquelles tu as fléchi le Bon Dieu, tes paroles persuasives, l’exemple plus persuasif encore de ta vie si noble, si épurée par la Grâce, ta fraternelle affection qui me soutenait constamment dans la voie royale de la vérité, tout cela ne peut être pesé avec les pauvres mesures humaines, il faudra bien que tu en trouves la récompense ailleurs que sur cette terre…”
Jacques Maritain n’est pas un “converti juif”, comme l’assure le ministre de Salamanque. S’il l’était, il ne me paraîtrait pas moins digne d’être admiré et d’être aimé, mais enfin il ne l’est pas. Nous croyons, pourtant, que celle à qui Dieu l’a uni, dut l’aider à devenir ce chrétien exemplaire qui, comme son Maître, ne fait pas acception des personnes, mais vénère dans toute créature une âme rachetée, et sur les visages de toute race, discerne la ressemblance du même Père. II en est plusieurs aujourd’hui, qu’on pourrait croire désespérés, qui savent que rien n’est perdu pour eux tant qu’il existera, dans une maison de Meudon que Dieu habite, cet homme et cette femme dont le regard et la voix leur apportent plus qu’une promesse: la présence visible de la Miséricorde.
* * *
Après ce témoignage rendu à nos amis, je voudrais donner à M. le ministre de l’Intérieur de Salamanque les raisons de notre attitude. Et d’abord, nous avons toujours cru que la pensée du catholique, à l’égard des choses temporelles, reste libre. Comme le disait Gabriel Marcel dans une conférence de Chrétienté: “Un catholique ne peut être obligé en tant que catholique de prendre parti pour tel ou tel clan en guerre contre un autre.” En ce qui me concerne, aux premières nouvelles du soulèvement militaire et des massacres de Barcelone, j’ai d’abord réagi en homme de droite; et de Vichy où je me trouvais alors, je dictai en hâte, par téléphone, cet article sur l’Internationale de la haine, dont quelques lecteurs du Figaro se souviennent peut-être. La présence des Maures, l’intervention massive des escadrilles et des troupes italiennes et allemandes, les méthodes atroces de la guerre totale, appliquées par des chefs militaires à un pauvre peuple qui est leur peuple, les souffrances des Basques coupables du crime de non-rebellion, posèrent aux catholiques français un cas de conscience douloureux. Ils n’ignoraient pas, en effet, que de l’autre côté de la barricade le gouvernement légal était soutenu par les forces conjuguées du marxisme et de l’anarchie.
Ce qui fixa notre attitude, ce fut la prétention des généraux espagnols de mener une guerre sainte, une croisade, d’être les soldats du Christ. Ici, je voudrais qu’on nous comprît enfin. D’aimables confrères ont écrit plaisamment que je regrettais qu’il n’y ait eu que quinze mille prêtres massacrés et que je trouvais que ce n’était pas assez. Parlons sérieusement: les sacrilèges et les crimes commis par une foule armée et furieuse, au lendemain d’une rebellion militaire réprimée, sont d’une horreur insoutenable. Nous disons seulement que les meurtres commis par des Maures qui ont un Sacré-Cœur épinglé à leur burnous, que les épurations systématiques, les cadavres de femmes et d’enfants laissés derrière eux par des aviateurs allemands et italiens au service d’un chef catholique et qui se dit Soldat du Christ, nous disons que c’est là une autre sorte d’horreur, dont vous avez le droit d’être moins frappés que nous ne sommes; mais il ne dépend d’aucun de nous que les conséquences n’en soient redoutables pour la cause qui devrait nous importer par-dessus toutes les autres, et qui est le règne de Dieu sur la terre.
* * *
Que M. le ministre de l’Intérieur n’aille pas croire que nous nous exprimons ici en partisan. Chrétiens, nous n’avons pas à nous faire juges des raisons qui ont pu décider certains de nos frères d’Espagne à prendre les armes contre un gouvernement qu’ils trouvaient injuste. Les conséquences terrifiantes de leur geste, il ne les avait pas toutes prévues. Nous comprenons aussi que l’Épiscopat et le Clergé aient peine à dominer un conflit dans lequel ils se trouvent si tragiquement engagés. Mais il reste ceci, il reste cet épouvantable malheur que pour des millions d’Espagnols, christianisme et fascisme désormais se confondent et qu’ils ne pourront plus haïr l’un sans haïr l’autre.
“Dans les circonstances difficiles où vous vous trouvez, écrivait le Saint-Père à l’Épiscopat mexicain, le 2 février 1926, il est plus que jamais nécessaire, vénérables frères, que vous et votre clergé tout entier, comme aussi les associations catholiques, vous restiez complètement à l’écart de tout parti politique, afin de ne fournir à vos adversaires aucun prétexte pour confondre la Religion avec une faction politique quelconque.”
Et ici, je demande à ceux de nos lecteurs qui nous ont jugés sévèrement, de comprendre les raisons qu’ont les catholiques français, plus que d’autres peut-être, de redouter toute compromission de la cause du Christ avec celle des partis: depuis la Guerre, il s’est passé, dans la France catholique, un événement d’une portée immense et qui échappe aux observateurs du dehors. Les efforts des catholiques sociaux, les initiatives d’un épiscopat d’élite, ami des pauvres et constructeur d’églises, le dévouement d’un des meilleurs clergés qu’il y ait au monde ont porté leur fruit. Il existe une renaissance catholique de la classe ouvrière, il existe un syndicalisme catholique, il existe une jeunesse ouvrière chrétienne.
Des instituteurs et des institutrices de l’État trouvent dans le Christ le principe de leur dévouement aux petits que l’État leur confie . Une poignée dans la masse indifférente ou hostile? Sans doute, mais une poignée de sel: le sel de la terre! Dans les banlieues, des jeunes filles obscures se groupent “pour faire du chrétien”, comme me disait l’autre jour une assistante sociale d’Ivry. Nous ne pouvons décrire ici cette vie souterraine de la Grâce en France, telle que nous l’entrevoyons. Mais quand une dame hitlérienne me souffle, au dessert, que les peuples déliquescents doivent céder la place aux peuples forts, je repasse dans mon cœur les raisons de ma certitude que nous restons, en dépit de l’apparence, le peuple le plus fort, parce que nous sommes toujours, et plus que jamais, le peuple de Dieu.
Que le ministre de Salamanque me comprenne: ce n’est pas au moment où l’effort de tant de générations chrétiennes et de dévouements obscurs aboutit enfin, que sur l’humble plan où il nous est donné d’agir nous allons laisser compromettre l’Évangile. Que l’affreuse loi de la guerre vous ait entraînés à ces épurations dont Bernanos nous a décrit l’horreur dans un livre impérissable, à ces bombardements de villes ouvertes, qu’elle vous ait obligés de subir cette alliance monstrueuse avec le Racisme ennemi de l’Église, aussi redoutable, aussi virulent que le Communisme, encore une fois nous n’avons pas à vous juger ni à vous condamner sur ce point, parce que vos intentions peuvent être droites. Mais nous nous sentons responsables à l’égard de ce peuple fidèle que nous ne sommes pas libres de tromper. Jacques Maritain, en se dressant avec toute la puissance de sa dialectique et tout le feu de sa charité, contre cette prétention des généraux espagnols de mener une guerre sainte, a rendu à l’Église catholique un service dont la fureur qu’il suscite nous aide à mesurer la portée.
Nous ne nous croyons pas infaillibles, mais nous ne cesserons pas d’affirmer ce qui nous semble être vrai, à l’heure où la guerre civile touche peut-être à sa fin; car c’est lorsque tout paraîtra fini que le règne sans partage de la Force commencera. Et la Force qui se sert de l’Église, c’est le plus grand malheur qui puisse fondre sur un peuple chrétien. C’est aussi le plus grand crime, si la parole reste éternellement vraie que répétait au déclin de sa vie le vieil apôtre (celui dont la tête avait reposé sur la poitrine du Seigneur): “Mes bien-aimés, Dieu est amour.”
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Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1938-06-30
Title
A name given to the resource
À propos des massacres d’Espagne – Mise au point
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Le Figaro
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
MEL_0211
Source
A related resource from which the described resource is derived
113e année, n°181, p.1
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
François MAURIAC
Relation
A related resource
<a href="http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34355551z/PUBLIC" target="_blank">Notice bibliographique BnF</a>
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
Pdf
Language
A language of the resource
Français
Subject
The topic of the resource
peuple basque, christianisme, fascisme, catholicisme social, guerre d'Espagne
Description
An account of the resource
Prenant la défense de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_Maritain" target="_blank">Jacques Maritain</a>, attaqué par le Ministre de l'Intérieur du gouvernement de Franco à Salamanque, François Mauriac revient sur l'histoire de son engagement qu'il justifie par son refus que soient identifiés christianisme et fascisme et plaide en faveur des Basque, croyants fidèles qui avaient fondé un modèle de société fondé sur la renaissance catholique de la classe ouvrière.
Type
The nature or genre of the resource
Chronique
catholicisme social
christianisme
fascisme
guerre d'Espagne
Peuple basque