Mauriac en ligne

Search

Recherche avancée

Lettre inédite de François Mauriac (à Raymond Guérin)

Référence : MEL_0112
Date : 15/01/1928

Éditeur : La Revue libre de Bordeaux
Source : 1re année, n°1, p.3
Relation : Notice bibliographique BnF
Type : Lettre
Version texte Version texte/pdf Version pdf

Lettre inédite de François Mauriac (à Raymond Guérin)

De Paris nous avons eu la joie intense de recevoir cette lettre de notre illustre compatriote. C’est durant une de ces soirées, où j'avais réuni mes collaborateurs, que lecture leur en fut donnée. Je voyais l'expression irradiée de leur visage, je sentais l’émotivité absolue de leur cœur, composantes d'une allégresse, attribuée à la réconfortante sollicitude de M. Mauriac. C’est au nom de tous mes camarades, que je tiens à le féliciter et à le remercier humblement de nous avoir soutenu plus, de nous avoir élevé à un poste de confiance, celui d’éclairer, d’intensifier le génie du terroir, ce à quoi nous tâcherons d’être dignes dans l’avenir.

R. G.


A Raymond GUÉRIN

J'ai trop erré, à votre âge, sur les trottoirs de ce Bordeaux désert, pour ne point me réjouir du secours que vous apportez, aujourd'hui, aux jeunes bordelais de ma race. Une revue vivante, où je me serais délivré de mes désirs, de mes songes, c'était un bonheur qu'à vingt ans je n'aurais pu même imaginer. Dès que notre inquiétude a pris corps dans l'écrit le plus humble, déjà nous respirons mieux; mais l'essentiel est qu'il soit imprimé c'est-à-dire détaché de nous: Grâce à la “Revue Libre de Bordeaux”, mes jeunes compatriotes sauront, bien plus tôt que je ne l'ai su moi-même, tout ce qu'il nous est donné de créer avec le chagrin de chaque jour. Pourquoi détourner les jeunes gens d'écrire? Il faut que beaucoup s'y appliquent pour que quelques-uns soient élus. Et ceux qui ne le seront pas, il restera de s'être enchantés eux-mêmes.
Dans ma jeunesse, Bordeaux ne savait pas retenir ses meilleurs fils: André Lafon, Jacques Rivière, lassés de la ville, s'éloignaient du fleuve qu'ils aimaient, parce que sur ces rives, vouées au négoce, il n'y avait personne pour s’intéresser à leurs premiers balbutiements. C'est cela que j’attends de vous: captez des sources; beaucoup seront vite taries; mais quelqu'une deviendra peut-être un fleuve aussi vaste que celui qui, après s'être séparé de Bordeaux, rejoint l'Océan. Et surtout ne singez pas les Revues parisiennes. Reflétez dans vos poèmes et dans vos proses ces landes et ces vignes qui ne ressemblent à nul autre paysage; et les cœurs qui s'y forment et qui ne ressemblent pas non plus aux autres cœurs. N'oubliez pas les morts: apprenez aux bordelais que quelques-uns d'entre eux ne sont plus, dont les œuvres rendent témoignage au génie de notre race. Et soyez assurés que vos aînés suivent votre effort, avec l'amitié la plus attentive.

François MAURIAC

Apparement vous ne disposez pas d'un plugin pour lire les PDF dans votre navigateur. Vous pouvez Télécharger le document.


Citer ce document

François MAURIAC, “Lettre inédite de François Mauriac (à Raymond Guérin),” Mauriac en ligne, consulté le 18 avril 2024, https://mauriac-en-ligne.huma-num.fr/items/show/112.

Transcribe This Item

  1. BnF_Revue libre de Brdx_1928_01_15.pdf