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Ambassadeur de France

Référence : MEL_0402
Date : 09/05/1934

Éditeur : Le Jour
Source : 2e année, n°128, p.2
Relation : Notice bibliographique BnF

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Ambassadeur de France

Comme tous les beaux romans, “Ambassadeur de France”[1] ne livre pas vite son secret. Est-ce l'intelligence et les manières parfaites des protagonistes? Ou cet art de M. Bernard Barbey pour évoquer les atmosphères de Paris que nous aimons le mieux? Rien ne nous avertit d'abord que nous sommes embarqués dans une histoire funèbre.
C'est ici le conflit de la passion et de la gentillesse; un écrivain, Frédéric Alliscamps, glisse au désespoir, et sa femme Irène, après une année de séparation, quitte son amant pour venir au secours du mari en détresse. Irène, que tout le monde adore, est vraiment atroce de dévouement et de bonne grâce. Si elle n'avait répondu à l'appel de Fréderic, peut-être ne se serait-il pas tué. Mais cette femme dévouée et “toute à tous” qui a longtemps répandu, avec une charité égale, la pluie de sa gentillesse sur son amant, sur l'ami de son amant, sur la fille de cet ami, en concentre soudain le jet sur son époux qui n'a plus qu'à mourir.

*

La profonde beauté de ce livre tient dans cette peinture d’un grand esprit qui, sans heurt, presque sans incidents, va à la mort sous les yeux de sa vieille mère, d’un pasteur calviniste et d’une femme aimable. Seul l’amour l’eût sauvé, –l’amour de Dieu ou celui d’une créature. Mais entre le culte du pasteur Muller et les mortelles attentions d’Irène, Frédéric Alliscamps crie dans le noir. Et comme il est un auteur célèbre, sa notoriété lui rend, par contraste, la solitude plus amère. La protection de sa femme l’entoure au point qu’elle le relance jusque dans cet établissement des “Bains du Progrès”, où le vieux cerf aux abois se réfugie. Il n’échappera que dans la mort à cette pitié tenace.
Ce n’est point dans la manière de M. Bernard Barbey que de prendre parti pour ou contre ses personnages. Il semble pourtant témoigner quelque indulgence à son héroïne qui tue les hommes par la douceur. Veuve, peut-être reviendra-t-elle à son amant, à qui elle a déjà fait subir une savante préparation et qui, sans doute, finira, lui aussi, dans une baignoire, à moins qu’il ne se jette sous un autobus.
Nous ne ferons pas grief à M. Bernard Barbey de mettre en scène des hommes de lettres: l’essentiel est que, dans ce livre d’une éclatante maîtrise, les promesses de ses débuts trouvent leur accomplissement.

Notes

  1. Stock, éditeur.

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François MAURIAC, “Ambassadeur de France,” Mauriac en ligne, consulté le 25 avril 2024, https://mauriac-en-ligne.huma-num.fr/items/show/402.

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  1. BnF_Le Jour_1934_05_09.pdf