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Les bas-fonds du radicalisme

Référence : MEL_0412
Date : 11/04/1914

Éditeur : Le Journal de Clichy
Source : 8e année, n°494, p.1-2
Relation : Notice bibliographique BnF

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Les bas-fonds du radicalisme

Vous êtes un malin, M. Moitet, et rien ne vous embarrasse. Comme je vous rappelle que saint Jean-Baptiste de la Salle organisa au XVIIIe siècle l’enseignement gratuit pour les enfants du peuple, vous répondez: “Cela prouve que l’Eglise avait négligé jusque-là le rôle qui lui était dévolu…” Pourquoi ne reprochez-vous pas aussi à Branly d’avoir mis tant d’années à découvrir le principe de la télégraphie sans fil? Jean-Baptiste de la Salle ne possédait ni l’appui du pouvoir –ni cet argent des contribuables qui permet aux radicaux d’aujourd’hui de multiplier, en même temps que de coûteuses écoles, le nombre des illettrés. Il n’était pas aidé non plus par vos ancêtres, par ces encyclopédistes que vous devez aimer, par votre cher Voltaire dont vous êtes le fils spirituel, M. Moitet, et qui disait que “la canaille serait toujours la canaille et qu’elle ne serait jamais éclairée…” Après, le 26 avril, j’ose espérer que le suffrage universel vous laissera des loisirs pour discuter avec moi cette question et aussi une autre que vous soulevez à propos du gallicanisme. J’aurai beaucoup de facilité à vous prouver qu’une église nationale s’avilit, qu’elle devient un instrument entre les mains du pouvoir, qu’une des marques de la vérité catholique c’est, justement, son universalité.
Ne m’en veuillez pas, Monsieur, si les circonstances m’obligent à descendre de ces hauteurs et à vous rejoindre dans les bas-fonds du radicalisme. Oh! je sais que des crimes s’y perpètrent, dont vous aimeriez mieux ne pas parler. Vous baissez pudiquement les yeux. Vous procédez par allusion. Il y a un nom, surtout, qui vous brûle les lèvres et que vous n’osez pas prononcer: celui de Caillaux. Vous parlez avec une chrétienne indulgence “des faiblesses de certains hommes d’Etat.” Mais vous omettez de dire que parmi ces hommes d’Etat, le plus coupable c’est votre chef, c’est votre homme salué par vous dans le Réveil Municipal, acclamé au Congrès de Pau comme l’incarnation de l’idée radicale. Depuis ce lugubre été où, tenant dans ses mains les destinées de la France, Caillaux, à la suite de quelles combinaisons ignobles, avait livré une colonie française à l’Allemagne stupéfaite elle-même de cette conquête sans victoire, votre homme demeurait tapi dans l’ombre. Vous êtes allé l’y chercher, comme ces soldats romains qui découvraient Claude tremblant au fond des latrines, et le saluaient du titre d’empereur. Si nous étions seul à seul, mon bon M. Moitet, vous me diriez: “Que voulez-vous? Nous n’avons pas de chef. Songez que sauf Caillaux, nous n’avons pu trouver que Doumergue…”
Pauvre parti radical! Dans cette ignoble séance du vendredi 3 avril à laquelle j’ai assisté, grande fut ma stupéfaction de la voir applaudir frénétiquement le discours de Briand. Ne vous hâtez pas, mon cher M. Moitet, de reprocher à Wilm de dangereuses balades en automobile. Le parti radical n’est plus qu’un troupeau affolé –et tous ceux qui étaient à la Chambre vendredi dernier vous diront comme moi qu’il semble tout prête à se grouper autour de “l’endormeur”, du “charmeur”– de ce Briand que je méprise plus que vous le méprisez.
Et maintenant que les temps sont proches, affichez sur les murs de Clichy le bilan de la politique radicale dont vous réclamez: “L’abandon du Congo à l’Allemagne, l’humiliation d’Agardir, nos finances en désarroi, le commerce et l’industrie paralysés par les menaces fiscales, la magistrature avilie, les ministres au service d’un escroc; dites rien que de même qu’à Saint-Lazare il y a deux traitements, l’un pour Mme Caillaux, l’autre pour les femmes du peuple, il y a aussi deux justices radicales, l’une qui absout la félonie des puissants, qui renvoie sans punitions les soutiens de Rochette, les complices de ses escroqueries; l’autre qui chasse les religieuses des hôpitaux, qui envoie à la mort toutes les pauvres sœurs âgées ou infirmes ne pouvant supporter l’exil…
Vous prétendez passer l’éponge sur les dernières infamies radicales, avec ce mot “les hommes sont parfois faillibles.” Ignorez-vous que ces scandales ne sont pas des accidents mais des résultats? D’après vous, le ciel est vide. Dans notre courte vie, au nom de quoi nous défendez-vous d’assouvir nos instincts Monis et Caillaux complices d’un escroc. Mme Caillaux meurtrière, sont les frères et la sœur des apaches que vous avez l’illogisme de condamner. Le browning est le suprême argument de l’être humain dépouillé de toute foi, abandonné aux instincts de sa nature déchue.
Les faits en eux-mêmes ne seraient rien. L’effrayant, c’est qu’ils sont la conséquence logique de votre athéisme et de votre haine. Avec Dieu, avec Notre-Seigneur Jésus-Christ chassé de l’école, disparaissent aussi le devoir, la responsabilité, la charité, l’amour du prochain, le désintéressement. Le crime essentiel du Radicalisme, c’est de préparer, méthodiquement à tous les degrés de l’échelle sociale, une génération de débauchés, de voleurs et d’assassins.

[François Sturel]

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François MAURIAC, “Les bas-fonds du radicalisme,” Mauriac en ligne, consulté le 23 avril 2024, https://mauriac-en-ligne.huma-num.fr/items/show/412.

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  1. BnF_Journal de Clichy_1914_04_11.pdf