Parole de traître
Date : 01/04/1944
Éditeur : Les Lettres françaises
Source : 3e année, n°15, p.2
Relation : Notice bibliographique BnF
Parole de traître
Le cadavre de Jean Giraudoux n’était pas encore froid que déjà M. Robert Brasillach avait découvert le moyen de s’en servir. Il se vante, dans la Gerbe, d’avoir déjeuné avec Giraudoux et avec “mon seul ami allemand Karl Bremer” (mais l’important, M. Brasillach n’est pas que vous ayez aimé un seul allemand, c’est que vous les ayez servi tous).
Comment ne dormirait-il pas sur ses deux oreilles? Il sait bien qu’on ne voit pas deux fois le rivage des morts et que Giraudoux ni Bremer ne reviendront pour lui donner un démenti: “Vous voyez, semble-t-il nous dire, je ne suis pas quelqu’un de si mal puisque Giraudoux n’avait pas honte de s’asseoir à la même table que moi…”
M. Brasillach s’imagine-t-il que nous allons le croire sur parole? Non, Giraudoux n’a pu s’abaisser jusqu’à rompre le pain avec l’homme libéré par les Allemands pour diriger Je Suis Partout, avec le rédacteur en chef d’une feuille qui n’a jamais cessé de couvrir d’outrages les écrivains fidèles à la France et de les désigner à l’occupant. Non, le déjeuner avec Giraudoux n’a pas eu lieu.