Mauriac en ligne

Search

Recherche avancée

L’Homosexualité en littérature
Réponse à une enquête

Référence : MEL_0512
Date : 15/03/1926

Éditeur : Les Marges
Source : t.35, n°141, p.204
Relation : Notice bibliographique BnF
Type : Enquête
Version texte Version texte/pdf Version pdf

L’Homosexualité en littérature
Réponse à une enquête

[…]
François Mauriac

1° Cette préoccupation depuis la guerre, s'est manifestée dans l’œuvre de Proust et dans celle de Gide;
2° Il est à craindre que la mesure ne soit pas comble: dans une très vieille civilisation où tout a été dit, redit, rabaché, beaucoup d’écrivains céderont à l’attrait de ces régions longtemps interdites, où ils n’eussent pas osé s’engager les premiers; mais maintenant ils n'ont plus qu'à suivre;
3° L'influence de ces sortes d'ouvrages sur les mœurs est certaine; non qu'ils puissent incliner à l'inversion ceux qui n'en ont pas le goût: car ce vice inspire trop d'horreur aux hommes normaux, et l'usage en demeure trop périlleux; ceux que de telles peintures troublent, c'est qu'ils étaient, à leur insu, atteint du même mal.
Beaucoup de ces malades qui ne se connaissaient pas, se connaissent aujourd'hui, grâce à Gide et à Proust. Beaucoup qui se cachaient ne se cacheront pas;
4° Est-ce nuisible à l'art? Non et oui. Cette préoccupation homosexuelle est d'abord une préoccupation sexuelle. Chercher à découvrir les motifs des actions des hommes par leur sexualité, cela est périlleux sans doute (et surtout que le Romancier se garde bien de mettre le nez dans la psychanalyse!) Mais que cela soit fécond nous n'en pouvons plus douter.
Pourtant, la grande folie des gens qui n'aiment pas les femmes –ou tout au moins qui ne s'intéressent pas à elles– c'est de prétendre à être romanciers. Cela demanderait de grands développements dont je vous fais grâce;
5° Certes il faut combattre cette tendance: mais dans la société d'abord avant de s'en prendre à la littérature: ne ressemblons pas à ce fiévreux qui s'irrite contre son thermomètre. Or, dans une société qui est, qui se veut de moins en moins chrétienne, ce que saint Paul appelle “des passions d'ignominie” les condamnerons-nous au nom de la Nature? Mais l'homme normal aussi pèche septante-sept fois contre la nature (saint Paul “leurs femmes ont changé l'usage naturel en celui qui est contre nature” épître aux Romains, I, 26). Tout est dans la nature mais la nature étant déchue, tout n'y est pas selon Dieu. Cela aussi demanderait de grands développements. Je ne vois pas dans une société païenne que nous ayons à “tolérer”, ou à “condamner” les invertis plus que les malthusiens ou que les gens qui ont des habitudes solitaires, ou que ceux qui usent mal de leurs femmes. Nous ne saurions en ces matières, admettre la compétence d'aucun autre tribunal que la Sainte Inquisition...

Apparement vous ne disposez pas d'un plugin pour lire les PDF dans votre navigateur. Vous pouvez Télécharger le document.


Citer ce document

François MAURIAC, “L’Homosexualité en littérature
Réponse à une enquête,” Mauriac en ligne, consulté le 24 avril 2024, https://mauriac-en-ligne.huma-num.fr/items/show/512.

Transcribe This Item

  1. BnF_Les Marges_1926_03_15.pdf