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Robert et Marianne, de M. Paul Géraldy, à la Comédie française

Référence : MEL_0580
Date : 01/01/1926

Éditeur : NRF
Source : 13e année, n°148, p.122-123
Relation : Notice bibliographique BnF
Type : Chronique
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Robert et Marianne, de M. Paul Géraldy, à la Comédie française

Ce sera l'honneur de M. Paul Géraldy d'avoir fait la preuve qu'il n'est rien de plus inutile, au théâtre, que les “utilités” Déjà, dans Aimer, il avait jeté par-dessus bord les domestiques: dans Robert et Marianne, l'amant sacro-saint va rejoindre le service. Quel bonheur! Mais quel malheur que M. Paul Géraldy n'ait pas fait suivre à la mère de son héros le même chemin! Le charme de cette vieille dame souriante est si terrible qu'on serait enchanté de sa mort, si elle ne survenait à point pour gâcher le dénouement de la pièce.
Il n'empêche que nous avons admiré, au second acte, une scène qui suffit à placer Robert et Marianne fort au-dessus de ce que nous avons coutume de voir au théâtre. Voilà un auteur bien récompensé de l'audace qu'il eut de supprimer l'amant! L'amant disparu, deux époux restent face à face et le drame existe. M. Géraldy a compris qu'il ne s'agissait pas d'opposer “la bonté d'homme à la ruse de femme”, mais de confronter deux solitudes. Robert et Marianne sont inaccessibles l'un à l'autre parce qu'il est un homme et parce qu'elle est une femme. Sans doute est-il en proie à ses amis, à ses affaires, à son ambition, et elle n'a rien au monde que l'amour (n'étant ni mère, ni ménagère). Mais même si Robert n'avait pas été le Citroën lyrique, le Loucheur éperdu que nous montre M. Géraldy et s'il avait consacré ses jours et ses nuits au culte de Marianne, les époux n'en auraient pas été plus près l'un de l'autre, l'abîme n'aurait pas été franchi. Pour finir, il fallait bien que M. Géraldy ruinât son Citroën: fort, Marianne le fuyait; faible et vaincu, elle lui revient; mais approuvons les spectateurs qui, à la sortie, n'étaient pas très rassurés sur l'avenir de ce ménage.
C'est ennuyeux que les personnages de M. Géraldy parlent comme il écrit: je veux dire qu'ils parlent trop bien; ils parlent comme des livres. Les deux hommes d'affaires, unis par le noble lien d'une amitié virile, échangent, au premier acte, des impressions esthétiques qu'on admirerait dans la bouche de M. Paul Géraldy lui-même, mais qui, à la scène, irritent. Il reste à M. Géraldy de trouver son style pour le théâtre. De Robert et Marianne, nous obtenons cette sorte de plaisir que nous donnent toujours les ouvrages qui servent exactement le dessein de leur auteur. Travaillant pour la Comédie Française, M. Paul Géraldy a écrit une excellente pièce, mais dont on ne saurait même imaginer qu'elle pût être jouée ailleurs: chaque réplique est marquée au coin de cette distinction un peu forcée (ce je ne sais quoi de trop dans les manières d'une jeune personne parfaite, mais qui croit qu'il faut, en buvant, lever le petit doigt). Et tout de même, répétons que M. Paul Géraldy a écrit, au deuxième acte de Robert et Marianne, une scène magistrale.

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François MAURIAC, “Robert et Marianne, de M. Paul Géraldy, à la Comédie française,” Mauriac en ligne, consulté le 16 avril 2024, https://mauriac-en-ligne.huma-num.fr/items/show/580.

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  1. BnF_NRF_1926_01_01.pdf