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Bons apôtres

Référence : MEL_0793
Date : 21/02/1936

Éditeur : Sept
Source : 3e année, n°104, p.2
Relation : Notice bibliographique BnF
Type : Billet

Description

Agacé par les réactions indignées qui ont suivi l’attentat dont fut victime Léon Blum, François Mauriac rappelle les violences subies par des hommes de droite et sa méfiance vis à vis du Président du Conseil qui a menacé d’opposer étudiants et ouvriers.

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Bons apôtres

Montaigne “haïssait cruellement la cruauté”. Nous aussi. Mais l'hypocrisie est pire. J'oserai exprimer ici le fond de ma pensée: l'exploitation immédiate, et sur tous les plans, de l'attentat contre Léon Blum, l'empressement à en tirer tout le profit possible, coupe court à mon indignation. Ce monde-là crève de joie, c'est clair. Tant mieux pour eux si les violences d'adversaires maladroits servent leurs desseins: ils ont le droit de se réjouir, niais non celui de déchirer leurs vêtements et de crier au blasphème. Car dans la chaîne sans fin de “coups et blessures” à quoi se ramène l'histoire sinistre des partis, ces vertueux citoyens ont leur bonne part de cadavres. Ils ont même perfectionné le “dent pour dent, œil pour œil”, puisque pour payer les éraflures et ecchymoses de M. Léon Blum, ce ne fut pas trop des deux yeux d'un jeune médecin, sans compter quelques blessés de surcroît.
C'est le jeu sans doute, cela fait partie du jeu; et aussi cette comédie de vertu outragée: les partisans qui y tiennent leur rôle ne sauraient pourtant douter une seconde que n'importe quel chef de la droite, reconnu au cortège funèbre de Barbusse, eût été immédiatement réduit en chair à pâté.
Nous ne sommes point ici suspect de sympathie ou d'indulgence pour certaines campagnes de presse. Nul ne doutera de la réprobation que nous inspirent des scènes comme celles qui, le jour des obsèques de Jacques Bainville, ont ajouté à notre profond chagrin. Mais la justice nous oblige de reconnaître qu'il est des excitations autrement habiles et efficaces que les appels au meurtre les plus forcenés. Et, par exemple, qu'un homme ose menacer les étudiants français de mobiliser contre eux quinze mille ouvriers français, cela déjà paraît intolérable à quiconque a le cœur bien placé; mais que M. Léon Blum soit, en effet, le maître d'organiser cette tuerie, qu'il détienne réellement ce pouvoir, voilà qui, dans les tristes conjonctures présentes, doit nous mettre en garde, et nous interdire de hurler avec les loups.

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François MAURIAC, “Bons apôtres,” Mauriac en ligne, consulté le 25 avril 2024, https://mauriac-en-ligne.huma-num.fr/items/show/793.

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  1. MICMAU_Sept_1936_02_21.pdf