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Les Mauvais fils

Référence : MEL_0821
Date : 21/01/1938

Éditeur : Temps présent
Source : 2e année, n°12, p.1
Relation : Notice bibliographique BnF
Type : Billet

Description

En les comparant à des fils sans égards pour leur mère qui agonise, François Mauriac attaque les politiciens qui, sans se soucier de la France, se déchirent sous le regard des nations voisines.

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Les Mauvais fils

L’agonie du franc, la crise des alliances, le scandale des amis, l’attention énigmatique et redoutable des ennemis, c’est cela qui empêche les politiciens de se porter aux derniers excès. Ils ressemblent à ces fils ivrognes d’une mère agonisante qui se retiennent, qui sont obligés de se contenir à cause des voisins.
Et telle est l’histoire de Bonnet et de Chautemps après celle de Poincaré: dès que, grâce aux soins appropriés des hommes sages, la malade semble aller un peu moins mal, l’horrible famille recommence à faire des siennes, à casser la vaisselle, à vider les bouteilles, à porter les dernières hardes au mont-de-piété.
Ils ne vont pas jusqu’à l’assassinat. Ils sont obligés de supporter le médecin, d’obéir au médecin tant qu’il y a péril de mort. Toute la question pour eux est de savoir quand la vieille aura retrouvé assez de force pour supporter un nouveau pillage, de nouvelles batailles autour de son lit.
Ils ont cet air sournois des mauvais gars qui se sentent observés. On ne verrouille pas les portes, on n’obstrue pas les fenêtres d’une nation. Tous les peuples de la terre se demandent ce qui se passe chez cette vieille dame riche.
Son médecin, qu’il s’appelle Bonnet ou Chautemps, lui ordonne ce que le premier médecin venu lui ordonnerait: le calme, d’abord le calme; “le silence autour de la malade, s’il vous plaît!””.
Mais les fils, qui entourent le lit, ne regardent pas le pauvre visage adorable et ravagé ; ils ont mieux à faire: ils s’observent les uns les autres; ils se surveillent. Pris entre ce lit et la foule de ceux qui, du dehors, ne les perdent pas des yeux, ils hésitent, dissimulent. Socialistes, communistes, trotskystes, radicaux, jouent entre eux partie qu’il est difficile de comprendre et de suivre du dehors et qu’ils voudraient pouvoir jouer sans témoin, dans cette chambre de leur mère…
Ils voudraient pouvoir crier à cette Angleterre, à cette Allemagne, à cette Italie et aux petites nations qui, derrière elles, se pressent: “Mêlez-vous de vos affaires, laissez-nous nous haïr en paix…”
Mais ceux qui ont besoin que la France vive et ceux qui ont besoin que la France meure, ceux qui attendent tout de sa force, et ceux qui espèrent tout de son écroulement et de sa ruine, demeure le nez collé aux vitres, obstruent la porte…
Ses fils ravalent leur rage. Ils acceptent de mauvais grâce le médecin (après avoir mis à la porte le spécialiste que les amis de la famille avaient recommandé…). Ils le soutiendront ou ils ne le soutiendront pas : cela dépendra de la couleur des remèdes.

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François MAURIAC, “Les Mauvais fils,” Mauriac en ligne, consulté le 19 avril 2024, https://mauriac-en-ligne.huma-num.fr/items/show/821.

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  1. MICMAU_Temps présent_1938_01_21.pdf