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Causer…

Référence : MEL_0832
Date : 08/04/1938

Éditeur : Temps présent
Source : 2e année, n°23, p.1
Relation : Notice bibliographique BnF
Type : Billet
Version texte Version texte/pdf Version pdf

Causer…

Le pays de Descartes passe pour un peuple ami de la logique: c’est une réputation usurpée.
Nous voulons l’union nationale, mais en nous réservant d’exclure telle catégorie de Français qui nous fait horreur.
Comme ces Français sont tout de même nombreux, puissants et organisés, il ne suffira pourtant pas de les excommunier pour être débarrassés d’eux.
Et nous voyons, en effet, que dans les pays voisins on a pris le parti logique de les supprimer “purement et simplement”. Mais les auteurs de cette suppression étaient les plus forts, ce qui simplifiait le problème.
Le drame français se ramène à ceci que chacune des deux factions, qui se haïssent trop pour faire trêve, est trop faible pour que l’une écrase l’autre. On dirait deux vieux coqs déplumés, exténués, furibonds, bec contre bec, condamnés à l’immobilité. Si nous sommes ennemis de la solution totalitaire qui consiste à chercher l’écrasement du parti adverse, ou si, plus ou moins sous le charme d’Adolphe et de Benito, nous nous rendons tout de même compte qu’en additionnant Doriot, Marin, Taittinger et Flandin, nous n’obtiendrons pas de cette masse de quoi écraser une mouche de gauche, le plus sage ne serait-il pas de chercher, au-dedans de chaque parti, des hommes avec qui des échanges seraient possibles, avec qui on pourrait causer.
Guehenno et Chamson, directeurs de Vendredi, Belin, de la Confédération Générale du Travail, pour prendre les premiers noms de gauche qui me viennent à l’esprit, sont des Français dont le caractère dominant est justement de l’être “à l’état pur”. C’est déjà quelque chose que de parler de la même langue, que d’avoir, en commun, une certaine idée de ce que représente la France dans le monde de 1938. Toutes les injures qu’ont subies les treize signataires du fameux manifeste ne tiennent pas contre deux heures de conversation confiante, d’estime réciproque, de recherche commune pour créer un climat favorable à la réconciliation des Français.
Les partis sont des cachots. Nous étouffons entre ces murailles. Derrière le mur, tu as des frères que tu pourrais comprendre et aimer, qui crèvent de solitude, qui sont plus près de toi, peut-être, que de leurs camarades de parti.

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François MAURIAC, “Causer…,” Mauriac en ligne, consulté le 19 avril 2024, https://mauriac-en-ligne.huma-num.fr/items/show/832.

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  1. MICMAU_Temps présent_1938_04_08.pdf