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Jean Balde

Référence : MEL_0837
Date : 13/05/1938

Éditeur : Temps présent
Source : 2e année, n°28, p.1
Relation : Notice bibliographique BnF
Type : Billet
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Jean Balde

Vendredi dernier, nous avons accompagné au cimetière de la Tresne la dépouille de mon amie Jean Balde, l’auteur de la Vigne et la Maison, du Goéland, de la Reine d’Arbieux ; mais le nom que je lui donnais, ce jour-là, était celui de la jeune fille que j’ai connue, qui s’appelait Jeanne Alleman.
Une grande âme –et ce n’est pas à la légère que je la salue ainsi– du nombre très restreint des grandes âmes qui justifient le monde, alors qu’une fois passé notre jeunesse, tant de tristes découvertes en nous et autour de nous risqueraient de nous faire perdre cœur.
Toute sa vie, Jean Balde a lutté, elle s’est débattue, elle a souffert, elle n’a jamais désespéré, nous donnant jusqu’à la fin l’exemple de tous les courages: le courage des conquérants, et plus encore, celui des patients, acharnée à sa tâche, indifférente à sa fatigue, portée en avant par l’élan de son âme. Elle es tombée vraiment quand elle n’aurait pu faire un pas de plus.
Et nous la laissions s’épuiser. Elle était de ces créatures qui donnent à leurs amis l’impression qu’elles n’ont besoin de personne, qu’elles ont plus de force qu’eux tous.
Et il est vrai que Jean Balde était forte. La très grande grâce qui était le secret de cette force, elle me l’a confiée peu de jours avant sa mort. “Toute ma vie, me disait-elle, aux heures les plus dures, j’ai senti que quelqu’un m’aimait, je me suis sentie aimée… Et même maintenant, ajoutait-elle, dans ces heures atroces, qu’ai-je fait pour mériter d’avoir encore ma mère à mon chevet?”
Ce jour-là, elle a soupiré devant moi: “J’aimais tellement la vie!” Comment les poètes n’aimeraient-ils pas la vie? Le don poétique de notre amie prenant sa source dans son amour des êtres et des choses de son pays, dans cette adoration de la lumière girondine… Mais elle savait qu’il existe une autre lumière que celle qu’elle voyait naître sur le château de la Tresne
Elle ne parlait pas volontiers le langage de la dévotion, je ne me rappelle pas qu’elle ait jamais cherché à nous édifier. Mais les moindres mots qui venaient d’elle sur ce sujet ne nous en atteignaient que plus profondément. Le jour du mercredi saint. C’est-à-dire le mercredi 13 avril 1938. elle me dit: “Je me répète sans cesse la parole de Jésus crucifié au bon larron: “Aujourd’hui même tu seras avec moi dans le Paradis” Et elle répétait: “Le Paradis! le Paradis!” “Et son pauvre visage ravagé était déjà baigné, inondé, de cette lumière qu’elle possède, qu’elle contemple aujourd’hui et à jamais.

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François MAURIAC, “Jean Balde,” Mauriac en ligne, consulté le 24 avril 2024, https://mauriac-en-ligne.huma-num.fr/items/show/837.

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  1. MICMAU_Temps présent_1938_05_13.pdf