Linge sale
Date : 18/11/1938
Éditeur : Temps présent
Source : 2e année, n°53, p.1
Relation : Notice bibliographique BnF
Type : Billet



Linge sale
La charité chrétienne a parfois d’étranges détours, et la prudence aussi, qui est une vertu. Un charmant professeur au Collège de France, M. Bernard Fay, avait envie de dire leurs quatre vérités à quelques écrivains français. Mais c’est une belle âme et il craignait de leur faire de la peine. Il résolut donc d’aller chercher au Canada le plaisir de dire tout haut à Montréal ce qu’à Paris il pense… très bas.
Malheureusement, comme on écrit, dans les romans policiers, l’ “Argus” veillait, et nous qui sommes ses camarades, nous n’ignorons plus rien aujourd’hui de ce qu’il a raconté aux Canadiens, touchant le “roman-spasme” français.
En ce qui me concerne, je lui pardonne bien volontiers, et je trouve même assez comique ce qu’il a osé dire de mon œuvre. Mais bien que je nourrisse peu d’illusions sur les hommes, j’avoue que je n’eusse jamais cru qu’il se trouverait chez nous un écrivain, un membre de l’Université, pour se livrer, à propos d’un de nos confrères, et devant un auditoire étranger, à une allusion abominable: “M. X… a deux instincts, l’un dont je ne parlerai pas…”
Le journaliste canadien note que l’auditoire “laissa fuser quelques rires contraints”: ce fut, sans doute, à l’endroit de la conférence où M. Fay accusa Bernanos de s’être livré à une “infamie” et, en effet, c’était assez drôle.
C’est la première fois que je consacre mon billet à une question de cet ordre. J’aurais pu faire l’honneur à M. Fay, professeur au Collège de France, d’un quotidien à gros tirage. Mais notre homme est catholique et nous sommes ici en famille. Que les lecteurs de Temps Présent veuillent donc me pardonner ce linge sale.