Patrice de la Tour du Pin

Dans un journal belge, Cassandre, M. Robert Poulet s'inquiète des écrivains français mobilisés, et se demande, avec une délicatesse ravissante, si quelques-uns d’entre eux n'ont pas été nommés encore “chevaliers de la croix de bois”. Dieu seul sait si parmi les morts de “la soi-disant bataille d'entre Rhin et Moselle”, comme s'exprime M. Poulet, il n'en est aucun qui ne chantera qu'au ciel le poème que Herr Hitler ne lui pas permis d’écrire sur la terre.
Pour moi je n'ai eu écho d’aucun autre malheur que de celui du poète Patrice de La Tour du Pin.

Nous savons qu'il est blessé. J'espère qu'à l'heure où j’écris ce billet, il a pu donner des nouvelles aux siens.
Il est apparu dans sa génération comme le plus inspiré. La quête de joie, son premier titre, nous apportait un charme inconnu. J’ai eu quelque peine à suivre ce chasseur de canards sauvages dans les arcanes des poèmes qui ont suivi cette quête. Mais ils ont évidemment jailli d'un cœur de noble, au sens absolu —c'est-à-dire d’un cœur plein de Dieu.
Son ami, Anne de Biéville, m'écrit du front: “Blessé à la tête, après avoir permis à quelques-uns de ses hommes de se replier, il fut fait prisonnier le 17 octobre. Il ne restait plus une balle dans le petit détachement dont l’héroïsme a été raconté, dans les journaux allemands, avec admiration.”
Comme poète, il était déjà connu en Allemagne. Il l'est aujourd'hui comme soldat. Nous pensons avec orgueil et avec tendresse à cet ami de notre fils; et nous évoquons ce visage si beau qu'ombrage un double laurier.