La Face de la terre
Date : 08/12/1939
Éditeur : Temps présent
Source : 3e année, n°106, p.1
Relation : Notice bibliographique BnF
Type : Billet
La Face de la terre
Sans parti pris, et d’après les lettres reçues, les chrétiens m’apparaissent de beaucoup les moins concertés par ce monde où nous vivons. Le chrétien est l’homme qui retombe toujours sur ses pieds. Le sang d’Abel qui d'année en année, de mois en mois, ne cesse de monter, ce fleuve qui déborde ne le submerge pas. Pour lui, à toutes les abominations visibles correspond un accroissement de sacrifices, de vertus héroïques. Il sait qu'il existe une économie divine et la Grâce lui apparaît d’abord comme un équilibre.
Il se peut que, dans les périodes paisibles, le mal abonde autant que lorsque la guerre règne, et que pour être moins apparent, il n’en offense pas moins la pureté infinie. Il est vrai… Mais la peine que nous éprouvons à entrer dans ces vues, oserons-nous évoquer qu’elle nous rend parfois comme étrangers nos amis les plus chers?
En vérité, c’est la paix intérieure qui nous aide à accepter la guerre du dehors. L’état de Grâce est le seul état de paix sur lequel nous ayons pouvoir: lorsqu’il règne en nous, qu’avons-nous à nous troubler? Mauvais signe pour le chrétien que de n’être pas sensible aux secrète compensations de la Grâce, et lorsque le sang versé défigure à ses yeux le monde et y détruit la ressemblance divine. Aux jours où le Christ naissait, vivait, souffrait, la terre était déjà à l’effigie de César. Elle l’est encore. Mais ce qui déjà appartenait à Dieu reste à Dieu.