Ce qui ne doit pas périr

S'il est nécessaire que chacun batte sa coulpe, c'est pour que, la guerre gagnée, nous ne recommencions pas de nous entre-dévorer. Il suffirait qu'un seul parti fût persuadé, et voulût persuader les autres de son infaillibilité, pour que la discorde refit de nous cette nation divisée contre elle-même et destinée à périr.
C'est dans une connaissance de nos torts individuels et collectifs que réside notre dernier espoir de paix intérieure. Le rapprochement germano-russe devrait faciliter pour la gauche et pour la droite françaises l'aveu d'une commune erreur. L'immense péril que représente pour nous cette conjuration donne à la fois tort et raison aux deux partis; car les uns avaient raison de vouloir l'empêcher coûte que coûte, mais les autres n'ont pas tort de leur faire grief d'y avoir échoué; à quoi les autres peuvent à bon droit les rendre en partie responsables de cet échec. Et ainsi sur tous les points du débat, les adversaires n'en finiraient pas de se renvoyer la balle...
Et c'est pourquoi mieux vaut interrompre la partie qui recommencerait bientôt de tourner à la bagarre, et poser la question sur un autre plan.
Lorsque M. Mourras et M. Léon Blum disent: “la France”, ils désignent d’un même nom deux univers opposés; mais la question est de savoir s’il existe quelques traits communs entre ces notions contradictoires; et ne s'en trouverait-il aucun, et ne pourraient-ils s'accorder que sur cette formule négatives; ce qui, à aucun prix, ne doit périr, que ce serait déjà un point de départ, non certes pour une alliance, mais pour une entente contre la mort.