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Pour que ça change

Référence : MEL_0936
Date : 03/05/1940

Éditeur : Temps présent
Source : 4e année, n°127, p.1
Relation : Notice bibliographique BnF
Type : Billet
Version texte Version texte/pdf Version pdf

Pour que ça change

“Nous nous battons pour que ça ne change pas”; c’est ce que pensent plus ou moins confusément ceux qui, du coté allié, opposent aux puissantes idéologies adverses cet instinct de conservation, dont il ne faut pas sousestimer la puissance.
Mais nous doutons qu’un grand peuple se puisse soumettre de bon cœur à la terrible discipline de la guerre, s’il n’est pas soutenu par l’espérance que “ça changera”, s’il n’a pas devant les yeux l’image d’un monde plus habitable, plus juste, s’il garde au fond de lui le soupçon que certaines tyrannies sortiront fortifiées de l’épreuve qu’il subis.
Et de même, au dehors, les nations encore hésitantes, certaines d’entre elles, du moins, comment ne seraient-elles pas attirées du coté où on leur montre une Europe renouvelée à leur profit? Qu’auraient-elles à gagner du coté où l’on se bat “pour que ça ne change pas”? Cela seulement les peut retenir: la crainte que l’Allemagne ne manque son coup, –et aussi peut-être le sort que leur réserverait finalement une Allemagne victorieuse (car lorsqu’elle est la plus forte, à quelle tentation a-t-elle jamais su résister…)?
Les gouvernements alliés ont donc à persuader leurs propres peuples en armes que “démocratie oblige”, au sens où l’on disait naguère que “noblesse oblige”; et que se battre pour la personne humaine, comme on le répète depuis sept mois, cela signifie: “se battre pour une société où chaque homme pourra devenir lui-même, où s’allégera chaque jour le poids des vieilles fatalités économiques qui l’écrasent, où les murs du bagne matérialiste seront abattus.”
Et ils ont à persuader les nations neutres que les démocraties, les “ploutocraties” ne se ruinent pas, qu’elles ne cèdent pas au réflexe stupide du catoblépas rongeant ses propres pattes par égoïsme aveugle et pour que “cela ne change pas”, –qu’elles ont au contraire dans l’esprit la vision d’une économie nouvelle de l’Europe, même si d’importants sacrifices devaient être exigés des vainqueurs.

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François MAURIAC, “Pour que ça change,” Mauriac en ligne, consulté le 18 avril 2024, https://mauriac-en-ligne.huma-num.fr/items/show/936.

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  1. MICMAU_Temps présent_1940_05_03.pdf