La Nuit de mai
Date : 17/05/1940
Éditeur : Temps présent
Source : 4e année, n°129, p.1
Relation : Notice bibliographique BnF
Type : Billet
La Nuit de mai
Après vingt-cinq ans, le même drame, les mêmes protagonistes. Le temps ne se mesure qu'à la mise au point apportée à la pluie de fer, au déluge de feu. L'animal tank a évolué, a atteint la perfection de son espèce. Comme dans ces cauchemars où le chemin de notre fuite aboutit au cœur même de l'incendie à quoi nous pensions échapper, nous sommes à notre insu revenus sur nos pas et par un détour d'un quart de siècle, nous revoici au bord de l’immense charnier.
Ce serait trop simple que de hausser le ton, que de parler de la France éternelle. Mais si les pauvres mots ne peuvent plus rien, le silence nous aidera parce qu'il est prière. Combien d’hommes aujourd’hui prient et ne savent pas qu’ils prient! Combien poussent dans les ténèbres un gémissement qu'aucune oreille ne perçoit, et ne se doutent pas que leur cri retentit au delà de la mort!
Il faudrait s'efforcer aujourd'hui de penser par masses, s'imposer cette discipline, détourner son attention des individus, étudier la carte de Belgique et non les portraits de ceux que nous aimons... Impossible! ce sont des visages qui nous apparaissent, des voix d'enfants qui nous appellent, et quelques-unes tiennent du fond de notre jeunesse, comme si les morts de mai 1940 réveillaient en nous les endormis des printemps funèbres d’autrefois.