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Le Port de Bordeaux

BnF_Art et médecine_1931_12.pdf

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Au coucher du soleil, des mots. En double page, le quartier voisin des quais, pris du haut de la tour Saint-Michel; le grand pont sur le fleuve énorme, sur “cette eau épaisse de la Garonne ou l’azur ne se reflète pas”; un aspect du port qui “a été conçu à une époque d’harmonie, de mesure, où marins et architectes avaient le sens des proportions justes”. (François Mauriac)

Les tunnels de Lormont à peine franchis, vois Bordeaux étalé, collé au fleuve énorme et sale, –ce port que j’ai cru fuir à vingt ans– mais ai-je jamais rompu une seule amarre? Il faudrait que Bordeaux m’apparût comme un port entre mille autres. Mais, de Brienne aux docks, chacun des clochers qui dominent l’arc immense et gris des maisons, fixe un moment de ma vie. Non loin du pont que le train traverse, à deux pas des quais, la flèche de Saint-Michel jaillit du vieux quartier où mes ancêtres maternels, les Abribat, avaient, rue Sainte-Croix, leur raffinerie. Un peu plus loin, un beffroi construit par les Anglais, la Grosse Cloche, vit à ses pieds les magasins où un autre grand-père “parti de rien”, s’enrichit à l’enseigne du “Magot”: tissus, châles de l’Inde. Si mon œil continue de suivre la courbe de la rade et s’arrête sur le vaisseau de Saint-André, je me souviens qu’enfant le bourdon de la tour Pey-Berland me tenait éveillé durant les nuits de Noël. D’un balcon proche de l’antique primatiale, par les beaux soirs d’été, je choisissais un martinet entre tous ceux qui criaient au-dessus de la ville encore brûlante, je m’efforçais de ne pas le perdre des yeux, de ne pas le confondre avec les autres, j’attachais mon cœur à cette flèche folle.

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“Le vent”, un des macarons qui ornent la façade de la Bourse. Page 15, “le chef-d’œuvre de Gabriel, la Bourse” qui “apparait, à l’extrémité du cours du Chapeau-Rouge, se détachant sur le fleuve fumeux, plein de voiles et de mats, pareille à ces architectures qui, dans les toiles du lorrain, sont dorées par le soleil déclinant sue la mer.”… “Cette bourse pourrait s’élever au bord d’une mer paisible, mais on ne l’imagine pas bravant les humeurs sombres de l’Atlantique”.

Au sommet de l’arc, au centre même du port, les colonnes rostrales s’élèvent, marquant l’entrée des Quinconces où, pendant les foires de mars et d’octobre, l’odeur des pommes de terre frites, des beignets, était plus forte que les relents de goudron, de vase et de marée qui règnent sur les quais grondants. Les sifflets des manèges, les orgues de Barbarie rassuraient le collégien casanier que j’étais et leur tapage recouvrait les sirènes des bateaux en partance, le sourd tumulte du trafic, des manœuvres à bord et des appareillages. Depuis les chevaux de bois qui me donnaient un peu mal au cœur, je voyais une grande voile grise glisser sur un fond de banlieue et d’usines.
Je ne m’accoudais qu’un instant à la balustrade qui sépare la place des quais: je me penchais sur ces pavés gras, où les chevaux glissaient, au milieu des jurements des charretiers, mais je ne tardais guère à tourner le dos à la vie dure et mauvaise du port, et remontais, parmi les musées Dupuytren, les tentations de Saint-Antoine, les dompteuses de puces, les géantes, les Aérogynes et les Galatées vers la colonne des Girondins. Aucun architecte n’a osé réclamer la paternité de cette chandelle blanchâtre flanquée d’allégories mafflues, et qui déshonore la rade. Je me souviens du beau bassin rond qui autrefois, à cette même place, reflétait le ciel. Suivons toujours la courbe du port: à mesure qu’elle s’étend vers l’ouest, la ville me devient plus étrangère; là-bas ce sont les docks, le bassin à flot, où mon enfance ne s’aventurait guère. Non que le port ne fût toujours présent dans ma vie: je le sentais proche, comme un être immense et redoutable dont je fuyais l’aspect hostile. Mais le brouillard qui baignait les vieux quartiers était son haleine. L’haleine du monstre mouillait les trottoirs où je courais, le matin, vers la pension; les cris déchirants de ses bateaux me faisaient peur, et aussi le halètement de la locomotive qui trainait le long de la Garonne des wagons de marchandises. Pourquoi aurais-je hanté le port? C’était lui qui me hantait, qui m’obsédait.
D’ailleurs, à vol d’oiseau, quelques centaines de mètres m’en séparaient. Au bout d’une rue, que ce fût le Cours d’Alsace, le Cours du Chapeau-Rouge ou la rue Esprit-des-Lois, soudain j’apercevais une voile, elle bougeait, disparaissait derrière les maisons.
Parfois, collégiens, nous longions les quais, en promenade. Les hangars corrects, qui s’y élèvent aujourd’hui et qui empêchent de voir la rivière, n’existaient pas encore; barriques, caisses, ballots, tout s’entassait en vrac sur les pavés poisseux où stagnaient des flaques de vin. De lourds anneaux de fer rouillés retenaient des câbles dans lesquels je faisais semblant de m’entraver et mon œil sondait, entre la pierre du quai et le flanc calfaté du navire, l’abîme d’eau bourbeuse, cette eau épaisse de la Garonne où l’azur ne se reflète pas, d’un jaune horrible et telle que de s’y jeter ‘a toujours paru être le signe du désespoir le plus amer.
Les dockers roulaient des barriques dans nos jambes, les grues balançaient au-dessus de nos têtes des caisses peut-être mal attachées; et parfois la chaine s’abaissait sur nous, une mâchoire de fer semblait hésiter autour des écoliers et chercher une proie. Aux docks, il fallait se hâter de traverser le pont avant qu’il ait tourné pour laisser le passage à un navire. Les histoires de naufrage que nous avions lues revêtaient de poésie les transatlantiques et les bâtiments des Messageries Maritimes. Ils illustraient pour nous ces récits qui demeuraient la part la plus vivante de notre vie. Les chaloupes attachées à leurs flancs attestaient la réalité des naufrages. Je voyais Mme de Réan et Sophie précipitées dans un de ces canots. Ce vieux marin qui fumait sa pipe, c’était Pankroff, de l’Ile Mystérieuse. Plus tard, la poésie des docks se concentra dans les bouges où des marins étrangers jouaient aux cartes avec d’effroyables filles. Il ne faisait pas bon passer par là, disait-on, à la nuit tombée. Sur les quais, on était presque toujours suivi… Quand on allait au bal dans une maison sur le port, il fallait emporter son révolver…
En ce temps-là, les deux pylones du pont transbordeur inachevé ne s’élevaient pas encore. Ils se dressent, inutilisables depuis des années: des ingénieurs se sont trompés dans leurs calculs; Bordeaux est le seul port du monde où des Polytechniciens auront construit quelque chose d’inutile: ces pylones qui ne supportent rien, hors, parfois, un oiseau de passage.
D’ailleurs Bordeaux ne peut-il se passer de pont transbordeur? A-t-il tant de marchandises à transborder d’une rive à l’autre? Ville charmante et molle, Bordeaux n’a jamais pu franchir l’obstacle du grand fleuve au flanc duquel elle s’endort un peu. Napoléon a construit le fameux pont de pierre dont les arches nombreuses barrent la route aux voiliers, et les quartiers en amont du fleuve en ont perdu peu à peu toute vie. Mais la rive droite ne semble guère avoir tiré bénéfice de ce pont. Après un siècle, la Bastide demeure un grand faubourg. Sans doute, du côté de Lormont, les Chantiers de la Gironde continuent de travailler pour notre marine et il s’est élevé, de ce côté-là, assez d’usines de produits chimiques pour empoisonner les Bordelais qui possèdent un château sur ces coteaux heureux.
Il n’empêche que les quais construits sur la rive droite, lors de l’invasion américaine de 1918, supportent des files de grues endormies qui attendent la prochaine guerre pour se réveiller. Rien ne décidera Bordeaux à s’étendre sur l’autre rive et les pylones du transbordeur sont les deux bras inutilement étirés de la ville engourdie.

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A gauche, la place et l’église Sainte-Croix, vieux quartier où les ancêtres maternels de François Mauriac avaient leur industrie. “De Brienne aux docks, dit avec émotion le grand écrivain, chacun des clochers qui dominent l’arc immense et gris des maisons, fixe un moment de la vie.” Ci-dessus, les nobles flèches de la cathédrale Saint-André, à laquelle est attenante la tour Pey-Berland.


Elle n’a d’ailleurs pas non plus cherché à s’agrandir du côté de la terre; quand les Bordelais, en parlant de leurs quais, disent “la façade”, ils usent du terme le plus juste. Cette cité immense qu’admirent depuis le train, les voyageurs de Paris, n’est qu’un trompe-l’œil: derrière les Quinconces, voici ramassés sur un étroit espace le ravissant Théâtre, le Cours de l’Intendance, les Allées de Tourny, la place Gambetta. Puis plus rien: de vagues rues bordées de maisons sans étage rejoignent les boulevards extérieurs, sinistres, toujours vides, sauf une fois l’an, le mercredi des Cendres, lorsque de sordides cavalcades roulent vers Caudéran.

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A droite, la fontaine de la place de la Bourse. Ci-dessous, la grosse cloche. (L’aspect général de l’édifice rappelle un peu celui de la grosse horloge de Rouen). Encore un lieu plein de souvenirs pour l’écrivain: “Un beffroi construit par les anglais, la grosse cloche, vit à ses pieds les magasins où un autre grand-père, parti de rien, s’enrichit à l’enseigne du magot”.

Ce port du dix-huitième siècle, dont presque toutes les maisons sont de proportions parfaites et ornées de balcons du style le plus pur, avait été créé pour accueillir des galères, des frégates, des voiliers. Il est à la mesure des légers vaisseaux d’autrefois. Moins paresseux que je ne l’ai dit, Bordeaux, à mesure que les bateaux grossissaient, devenaient monstrueux, creusa son cheval. Il a lutté contre la vase du fleuve. Cet été encore, le fameux Atlantique, lui-même, qui a fait à Bordeaux, son port d’attache, l’affront de ne pas remonter au-delà de Pauillac, aurait pu, s’il y avait consenti, jeter l’ancre non loin des Quinconces. (Les assureurs ne l’ont pas voulu.) Spectacle étrange que celui de ces bâtiments énormes engagés dans un fleuve, comme s’ils subissaient l’attrait périlleux de la terre, comme s’ils voulaient s’y avancer, s’y enfoncer le plus possible, insolites, pareils à des goélands qui s’aventurent au-dessus des vignes et rasent les vagues immobiles des collines. Tel est le drame du port de Bordeaux: il a été conçu à une époque d’harmonie, de mesure, où marins et architectes avaient le sens des proportions justes. Cette relique de l’ancien régime, avec ses ferronneries, ses balustrades, s’épuise à tenir son rang dans un temps où il faut atteindre au gigantesque. Sans doute n’est-il pas au monde un port fluvial qui le dépasse en beauté.

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“… Au centre même du port, les colonnes rostrales s’élèvent, marquant l’entrée des quinconces… Les sifflets des manèges, les orgues de barbarie rassuraient le collégien casanier que j’étais et leur tapage recouvrait les sirènes des bateaux en partance… Depuis les chevaux de bois…, je voyais une grande voile grise glisser sur un fond de banlieue et d’usines.”

Lorsque le promeneur s’arrête à l’angle des Allées de Tourny et du Cours de l’Intendance, le chef-d’œuvre de Gabriel, la Bourse, lui apparaît, à l’extrémité du Cours du Chapeau-Rouge, se détachant sur le fleuve fumeux, plein de voiles et de mâts, –pareille à ces architectures qui, dans les toiles du Lorrain, sont dorées par le soleil déclinant sur la mer. Un des rares ports du monde où les palais et les vaisseaux se touchent, où les bâtiments immobiles construits par les architectes d’autrefois et ceux qu’édifient les ingénieurs d’aujourd’hui pour traverser l’Océan, confondent leurs pavillons, leurs attiques, leurs cheminées en une éphémère harmonie.
Cette Bourse, de Gabriel, pourrait s’élever au bord d’une mer paisible, mais on ne l’image pas bravant les humeurs sombres de l’Atlantique. Le paisible Bordeaux attire à lui les vaisseaux fatigués, le plus loin possible du golfe de Gascogne aux tempêtes effrayantes. A Bordeaux, l’Océan lointain ne se manifeste qu’au long de ces nuits dont j’ai gardé le souvenir, où les cheminées tombaient dans les rues; les contrevents claquaient, une porte s’ouvrait seule dans les greniers. On nous disait de prier pour les marins perdus.
Cette noble ville délicate et dont les proportions ne sont pas à l’échelle du monde moderne, fait commerce d’une merveille que les barbares d’aujourd’hui ne savent guère apprécier. Ces barriques, sur les pavés des quais, renferment le vin qui, entre tous les vins, exige pour être goûté une extrême finesse de goût, d’odorat, la plus savante éducation du palais. A chaque aristocratie qui meurt, Bordeaux s’appauvrit. La chute d’un trône, la disparition d’une cour impériale ou royale ébranle la ville de Louis XVI. La victoire des démocraties lui a été fatale. Les grands-ducs fatigués, les lords spleenétiques qui ne peuvent plus boire supportent encore un bordeaux très vieux, dépouillé de tout ce qui n’est pas “le bouquet”.
Hélas, ce n’est plus seulement de se vins que l’humanité se détourne. L’an dernier encore, aux docks, les poteaux de mine entassés composaient une étrange ville, à l’odeur de résine et de cendre: car beaucoup de ces pins avaient été incendiés et portaient encore sur leurs flancs la trace des flammes. Et moi qui connais le triste pays où ils ont germé, saigné, souffert, où ils ont été consumés, j’évoquais cette terre avare dont le sable se distingue à peine de la cendre. Sous le terrible soleil qui transformait en damnés les dockers demi-nus, sur ces pavés souillés de charbon et d’huile, tandis que criaient les sirènes, que haletaient les remorqueurs, je retrouvais en moi la secrète fraîcheur des sources dans les Landes; beaucoup de ces pins, dont les cadavres s’entassaient au bord du bassin à flot, avaient eu, pendant des années, leurs pieds caressés de fougères arborescentes. De rapides ruisseaux avaient reflété ces troncs écailleux, pareils à des poissons. Je les plaignais comme s’ils eussent été vivants, comme s’ils eussent été arrachés à leurs forêts innocentes par des négriers féroces, jetés dans les entreponts ensevelis au fond des mines anglaises, séparés à jamais du soleil, de l’humus et des sources.
Mais l’Angleterre n’a plus besoin de poteaux pour ses mines. La vieille grande dame ruinée était, depuis des siècles, la cliente de cette Aquitaine, sur laquelle elle avait régné. Que deviendrons-nous sans l’Angleterre? A ce malheur, s’ajoutent les désastres coloniaux, les drames du caoutchouc, du rhum. Triste Burdigala! Sa noble façade ravagée ne verra plus, de longtemps, les lustres s’illuminer derrière les vitres des salons aux boiseries merveilleuses. Armateurs, négociants luttent avec angoisse contre un monde nouveau, un monde inconnu, barbare, qui se passe de vin, qui s’est ravalé jusqu’à ne plus croire que le vin soit de première nécessité. Et la ruine du négoce entraînera la nôtre, car paysans, nous vivons de nos bois et de nos vignes.

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A gauche, le cours du pavé des Chartrons qui dresse les belles façades de ses maisons Louis XVI (demeures de l’aristocratie) entre la place des Quinconces et le cours du Jardin public, non loin de la Garonne. Ici la statue de Montesquieu, elle rappelle que l’illustre auteur de l’esprit des lois naquit en Guyenne (au château de la Brède) et fut président à Mortier au parlement de Bordeaux.

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Un charretier sur le quai de Bacalan. “Parfois, collégiens, nous longions les quais en promenade… Les hangars corrects qui s’y révèlent aujourd’hui et qui empêchent de voir la rivière, n’existaient pas encore: barriques, caisses, ballots, tout s’entassait en vrai sur les pavés poisseux…” Page 23, au-dessus d’un pylone du transbordeur inachevé, une huilerie que la verve bordelaise a surnommé Notre-Dame-des-Cacahuettes.

Mais elle peut attendre des jours meilleurs, la vieille ville d’un vieux pays. Elle demeure détentrice d’une richesse qui ne lui sera pas ôtée. Derrière la noble façade, la forêt landaise attendra ce qu’il faudra et le ciel de Guyenne, les tièdes cailloux consommeront chaque année le miracle qui transmue le jus de la vigne blanche et rouge, en cette liqueur de soleil, en ce vin léger et bouqueté. Et plus le temps passera, et plus les nations oublieront le goût du bordeaux, et plus, dans les chaix ténébreux du port, il se débarrassera de sa verdeur, s’enrichira de vertus. En ces années de surproduction, les marchandises des autres ports s’abîment et pourrissent. Mais Bordeaux couve, sous ses voûtes illustres, des milliers de bouteilles qui auront passé le temps de la crise à atteindre la perfection par le dépouillement.
Ne plaignons pas trop la vieille ville de Montesquieu et de Montaigne, ni la race qui, alentour, cultive la vigne, cueille des pêches et des abricots, résine les pins, engraisse la volaille, recouvre de papier huilé les terrines où le confit de canard et d’oie embaume les grandes cuisines dans le parfum de sa suave graisse. La livre peut baisser et le dollar aussi, mais les aloses, au printemps, remonteront toujours la rivière, bien au-delà de Bordeaux, pour transformer le carême girondin en un temps de liesse.
J’ai vu des étrangers sourire de ce port désuet, de son outillage. “Si vous connaissiez les quais de Hambourg…” Comment leur rendre sensible cet accord entre l’architecture du XVIIIe siècle français et les vins glorieux dont le commerce anoblit ceux qui le pratiquent? Quand l’Amérique ne sera plus sèche et que la livre aura remonté, quand le monde, rendu à la mesure et à la raison, aura compris que les bateaux ne doivent pas être trop grands pour s’engager dans l’estuaire d’un honnête fleuve de chez nous, quand les nouveaux riches ruinés se seront de nouveau enrichis et, affinés par le malheur, ayant enfin accompli l’étape nécessaire, sauront préférer au Lafite à tout autre vin rouge, Bordeaux connaîtra de nouveau des temps heureux. Le plus beau port fluvial du monde en deviendra le plus fortuné. Des forêts de voiles, de mâts et de cheminées peupleront, jusque devant les Quinconces, la grande rivière jaune. Les Chiliens, les Argentins, les Créoles de la Martinique, les fils des rois nègres débarqueront de bateaux qui ne seront pas arrêtés à Pauillac, et, les poches pleines de piastres, ils iront, la terre à peine touchée, boire au Chapon Fin une bouteille vénérable, qui aura attendu sans faiblir le retour de l’âge d’or.

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