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La vigne et la maison par Jean Balde

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La Vigne et la Maison, que vient de couronner le jury du prix Northeliffe, est une œuvre toute pénétrée de passion secrète et retenue. La nature y est mêlée si étroitement aux cœurs qui la reflètent que, dans notre souvenir, l'héroïne Paule Dupouy ne se sépare pas de son domaine aux portes de Bordeaux : Les Tilleuls, pris entre la Garonne limoneuse et de bleuâtres coteaux. "La façade qui regardait l'eau avait, les jours gris, un air de tristesse. Un cordon de glycine courait au-dessus du rez-de-chaussée. Le jardin, humide, étouffé d'arbres, était séparé du chemin de halage par une haie d'aubépine..." C'est là qu'une orpheline de vingt ans luttera toute seule contre les ruses des paysans garonnais dont Mme Jean Balde a tracé des silhouettes inoubliables parce qu'elles ne sont pas des charges. Et nous assistons aussi aux péripéties du combat sans répit que soutient le propriétaire girondin contre la grêle, la gelée, le black-rot et la cochylis ! Mais, plus que sa terre, le cœur de Paule est sans défense. Dans cet étroit monde provincial, le plus hiérarchisé qui soit, elle aimera, elle sera aimée, elle souffrira. La façade solennelle de Bordeaux, au bord de sa rade, immense et courbe, domine cette lutte dont Paule doit sortir vaincue en apparence — puisqu'elle se résigne à épouser un homme qui n'a que son estime — victorieuse pourtant : elle ne se croit pas plus forte que le monde ; elle consent, aux lois inéluctables. La prose de Mme Jean Balde est celle d'un poète ; du poète admirable des Mausolées, mais sa vision est fort aiguë : ce romancier de la vie intérieure, ce cœur passionné de solitude a hérité de son grand'oncle Blade une sorte de bonhomie malicieuse qui le détourne à la fois d'embellir les êtres et de les dénigrer. Son roman, où la douleur s'apaise dans le sacrifice, garde toujours ce ton mesuré, cette modération qui est notre vertu, en Gironde. Et enfin voici un très beau livre qui est aussi un livre honnête. Un de nos maîtres nous enseigne qu'avec de beaux sentiments on ne fait que de la mauvaise littérature. La Vigne et la Maison échappe à cette sentence ; œuvre toute humaine et toute chaste, à la fois haute et vraie, qui contentera également les artistes les plus exigeants et les amateurs de lecture "saine et attrayante". Elle marque sur tout ce qu'avait écrit Jean Balde, un progrès certain. La bonne fortune que j'ai eue de lire en manuscrit La Survivante, qui doit paraître à la rentrée, confirme mon sentiment sur Jean Balde, qui sera un dos meilleurs romanciers de sa génération. Mais pour nous, Bordelais, nous rouvrirons toujours celui de ses livres que vient de couronner le jury anglais, lorsque nous voudrons respirer l'odeur des vignes quand elles fleurissent et celle de notre fleuve jaune, peuplé de goélettes et d'oiseaux de mer. — (Plon.)

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