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Le Cruel Martyre du peuple basque

BnF_L'Odre_1938_06_15.pdf

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Les orphelins de Guernica, de Durango, de Barcelone ne peuvent pas confondre la cause de leur Dieu crucifié avec celle du général Franco

Le silence s’est fait sur le peuple basque. L’attention s’est détournée de lui. Il existe tant d’autres victimes en cet an de grâce1938! Un martyre chasse l’autre…[1]
Mais entre tous les peuples assassinés, le Basque seul partage avec son Maître le privilège d’être insulté sur la croix. A ceux de ses adversaires qui le condamnent de bonne foi, nous demandons de lire et de méditer cette nouvelle édition du livre de Victor Montserrat: “Le Drame d’un Peuple Incompris”.
Je n’ai rien à ajouter à cet exposé de faits “qui parlent d’eux-mêmes” comme on dit! Qu’il me soit permis seulement d’attirer l’attention du lecteur catholique sur un point de doctrine: les chrétiens doivent l’obéissance au pouvoir établi, légal, aussi faible et aussi mauvais soit-il; or, tous les ambassadeurs étrangers étaient accrédités auprès du Gouvernement de Madrid.
Pour un catholique, les circonstances peuvent-elles rendre légitime un mouvement insurrectionnel? Nous l’admettons. Après deux ans d’une tuerie atroce, pendant lesquels l’Espagne a été saignée à blanc, ruinée, livrée à des puissances étrangères, utilisée comme cobaye par des aviations rivales, j’admire que des hommes sérieux continuent à professer que l’insurrection militaire était le meilleur parti à prendre, le plus raisonnable, le plus sage et le plus chrétien. Mais enfin, acceptons que la rébellion puisse devenir quelquefois un devoir saint et sacré. Il n’en reste pas moins que le refus de rébellion contre le gouvernement ne saurait, en aucun cas, être reproché à un peuple chrétien. Un partisan catholique du général Franco est obligé de lui chercher des excuses. Un peuple chrétien n’a pas à s’excuser de n’avoir pas voulu se révolter. Et comment le peuple basque l’aurait-il voulu, aurait-il même pu le vouloir? La République allait reconnaître son autonomie dont les militaires étaient les adversaires déterminés.
On ne nous a jamais rien répondu sur ce point parce qu’il n’y a rien à répondre –ou plutôt on a répondu par des calomnies : le peuple basque aurait partie liée avec Moscou avant la révolte militaire. Ici le livre de Victor Montserrat apporte toute la lumière. A peu près seul en Espagne, le clergé basque avait suivi les directions pontificales et opposé aux organisations communistes et anarchistes un syndicalisme catholiques vivants et prospère.
Tout de suite, dès le lendemain de l’insurrection, cette Chrétienté basque a été traitée en ennemie par les rebelles. On ne lui a pas laissé de choix; elle a été précipitée dans la guerre; et dès les premières semaines, elle a eu ses martyrs –ses prêtres martyrs.
Claudel ferait bien d’ajouter à son poème franquiste, un verset en l’honneur de Don Martin Lecuona, de Don Gervasio de Albizu, fusillés à Galarreta, près d’Hernani (Don Lecuona fut le fondateur de la J.O.C. en Euzkadi). Il pourrait aussi honorer la mémoire de Don Alejandro Mendicute, de Don Joaquin Arin, de Don Leonardo de Guridi, de Don José Penagaricano, de Don Celestino de Onaindia (qui mourut en récitant le Te Deum), de Don José de Adarraga, de Don José de Ariztimuno, du Père Roman de San José, prieur d’Amarabieta.
Croyez-vous donc, cher et grand Claudel, qu’il n’y ait eu en Espagne que seize mille martyrs? Vous osez écrire, parlant de ces seize mille:

Les portes du ciel ne suffisent plus à toute cette cohue bon gré mal gré…

Du moins ceux-là furent-ils assassinés par une populace furieuse et aveugle qui ne se réclamait pas du Christ. Des milliers d’êtres humains ont été les cibles d’aviateurs italiens et allemands qui agissaient froidement, sans colère, en service commandé, aux ordres du chef catholique de “l’armée sainte”. C’est une autre sorte d’horreur que celle qui vous inspire ce beau poème incomplet, intitulé Aux Martyrs Espagnols; comme si les martyrs étaient d’un seul côté, les bourreaux d’un seul côté…
Il existe du moins un crime que les plus abjects assassins de Barcelone n’auront pas commis; ils n’ont pas compromis le Christ. Combien d’années, de siècles, faudra-t-il à l’Église d’Espagne pour se dégager de l’effroyable équivoque, et pour que les fils des femmes assassinées à Guernica, à Durango, à Barcelone et dans toute l’Espagne apprennent à ne plus confondre la cause de leur Dieu crucifié avec celle du général Franco?

Notes

  1. Ces lignes paraissent en préface à une réédition du livre de M. Victor Montserrat: Le drame d’un peuple insurgé; la guerre en pays basque, qui reparait chez Payré.

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