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La Victoire des Basques

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Nous vivons dans des temps où la victime du moment fait oublier la victime de la veille, où un crime chasse l’autre. Il faut que nous sachions garder fidélité à une cause même si elle n’est plus à l’ordre du jour. On ne parle plus beaucoup des Basques depuis quelque temps. Il n’empêche que le problème basque demeure posé, et qu’il reste actuel, tant que l’Espagne n’aura pas retrouvé la paix.
Aujourd’hui, nous pouvons affirmer que dans l’univers catholique, et d’abord en France, les Basques ont gagné la partie devant l’opinion. Nous ne nous serons pas battus pour rien, et les injures reçues ne pèsent guère devant le résultat obtenu. Ces jours derniers, à une première réunion pour constituer le Comité international d’amis des Basques, la présence de l’archevêque de Paris, de l’évêque de Dax et d’autres personnalités dont il ne nous appartient pas encore de donner le nom, témoignait que la fraternité catholique, longtemps hésitante à cause de tant de calomnies répandues, s’affirme maintenant sans réticences en faveur des amis fidèles que possède la France sur la frontière des Pyrénées.
Durant les dernières vacances, en première page d’un grand quotidien modéré comme La Petite Gironde, une enquête très favorable aux Basques, de M.Pierre Dumas, a pu paraître durant plusieurs jours sans soulever de protestations. D’un certain nombre d’erreurs, qui naguère encore couraient la presse française, aucun journal n’ose plus aujourd’hui se faire l’écho.

Personne n’ignore plus en France qu’avant la guerre civile, non seulement aucune alliance n’existait entre les catholiques basques et les communistes, mais que, sur le terrain électoral comme sur celui des œuvres sociales, ils demeuraient des adversaires irréductibles. Attaqués par les rebelles, dès le premier jour, les Basques se sont trouvés à leur corps défendant au côté des gauches espagnols, de même qu’en septembre, une agression de l’Allemagne nous aurait placés, avec l’Angleterre conservatrice, dans le même camp que les Soviets.
Aucun catholique n’ignore plus que l’obéissance au pouvoir établi, au pouvoir légal, fût-il le pire, demeure la règle de l’Église, et que seule la passion politique pouvait faire un crime aux catholiques basques d’avoir refusé de se révolter. Même si l’on considère que l’état intérieur de l’Espagne rendait légitime le soulèvement militaire et l’appel à l’étranger, même dans cette hypothèse, aucune loi divine ni humaine n’obligeait en conscience les Basques à prendre parti contre le gouvernement officiel de Madrid auprès duquel étaient accrédités les ambassadeurs du monde entier. Les rebelles, et non les fidèles, ont à se défendre et à présenter leurs arguments. Nous admettons que ces arguments méritent d’être considérés. Mais ce que nous n’admettons pas, c’est que les Basques aient commis un crime en voulant demeurer hors du conflit.
D’ailleurs, par quel miracle eussent-ils pu se résoudre à soutenir les ennemis de leurs libertés? Au moment d’obtenir de la République l’autonomie dans le cadre de la nation espagnole, leurs aspirations allaient être satisfaites. Il était inhumain d’attendre d’eux et stupide d’espérer qu’ils mettraient leurs forces au service de ceux qui souhaitent d’anéantir ces libertés auxquelles ils tiennent plus qu’à leur vie. Aucun Français raisonnable ne croit plus aujourd’hui qu’on pouvait raisonnablement attendre d’eux une telle attitude. Pas plus d’un peuple que d’un individu, nous ne saurions exiger qu’il se trahisse lui-même.

Et sans doute on objectera qu’ils ont tout perdu, qu’ils ont été écrasés. Défaite qui n’est qu’apparente. Les Basques l’ont tout de même emporté. Ils ne furent jamais si près de la victoire. Le gouvernement d’Euzkadi réside à Paris et ce n’est pas un gouvernement fantôme car il s’occupe des milliers et des milliers de Basques de tout âge et de toutes conditions qui ont franchi les frontières; il veille sur des milliers d’enfants.
Des amitiés fidèles les entourent dans le monde entier. La hiérarchie catholique, un moment influencée par les manifestes passionnés d’une partie de l’épiscopat espagnol trop engagé dans la guerre civile, ne traite plus son peuple fidèle en suspect. Nous savons que le Père commun les porte aujourd’hui dans son cœur et que l’archevêque de Paris se tient à leurs côtés. Quelle que soit l’issue de la guerre civile, personne ne doute plus que le vainqueur ne fondera rien de durable sans rendre aux Basques leurs libertés. Quant à nous, nous sommes assuré qu’en soutenant cette cause, c’est la France que nous avons servie. Elle a besoin, sa sécurité exige que sur la frontière des Pyrénées les forces allemandes et italiennes, plus ou moins camouflées, cèdent la place aux possesseurs légitimes, dont les frères sont Français –peuple petit, sans doute, mais tout de même le plus fort de l’Espagne, le plus pur de race, le plus riche non seulement en esprit, mais aussi matériellement: l’Euzkadi produisait, à la veille de la guerre civile, soixante pour cent du fer de la Péninsule; il frétait la moitié des bateaux battant pavillon espagnol, il fournissait plus d’un quart des comptes courants de la Banque d’Espagne.

L’Église basque dirigée par un clergé social dévoué aux œuvres populaires, opposait au communisme cette justice, cette charité, cet amour qui sont les seules armes efficaces du chrétien. Nous sommes en droit d’affirmer aujourd’hui que c’est dans la mesure exacte où les provinces basques auront reconquis leurs libertés que l’Espagne retrouvera la paix véritable. Ces libertés seront la pierre de touche d’un bon gouvernement, de même que leur suppression serait le signe d’un pays livré à la force, c’est-à-dire condamné à de nouvelles et interminables convulsions. Le rétablissement de l’Euzkadi dans ses droits marquera enfin l’entrée de l’Espagne dans la paix.

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