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André Beaunier, Figures d’autrefois

BnF_Revue des Jeunes_1918_03_25_2.pdf

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M. André Beaunier dispose de la machine à explorer le temps. Dès qu'il a donné, dans l’Echo de Paris, sa petite [giffle] quotidienne aux socialistes, il s'évade –et son lecteur à sa suite– vers d'aimables époques où le roi de France tenait sous main les affaires d'Allemagne en aussi grande difficulté qu'il se pouvait. Alors le cauchemar boche ne troublait personne. Chacun, selon son goût, s'occupait de faire son salut ou de danser en rond –mais les libertins eux-mêmes finissaient presque tous pénitents et contrits. M. André Beaunier reçoit beaucoup de livres– ce qui est commun,– mais il les lit: et c'est là l'étonnant! Il extrait des meilleurs la substantifique moelle. Par lui, nous apprenons à connaître les humanistes dévôts de qui M. l'abbé Henri Brémond s'occupe en son Histoire littéraire du sentiment religieux en France. M. Beaunier nous avertit que bien qu'austère et copieuse, cette histoire est aussi fort divertissante. Je le crois bien! L'abbé Brémond excelle à nous amuser avec ses sujets graves: c'est là sa tâche et son plaisir. M. Beaunier lui reproche doucement de tant redouter de nous ennuyer qu'il en devient frivole “en considération de nous”. Pour moi, j'excuse cette façon d'avoir l'air de traiter légèrement les choses sérieuses. Je dis d'“avoir l'air”; car M. l'abbé Brémond n'est pas un érudit pour rire. Mais il affecte un dandysme intellectuel fort piquant et inattendu chez un si docte abbé. Je me promets de revenir quelque jour sur le cas de cet hagiographe pince-sans-rire que sa science, son caractère n'empêchent pas d'être ce qui s'appelle un auteur gai.
M .André Beaunier a bien de la chance! Ses figures d’autrefois, faites pour nous délivrer du présent, demeurent un ouvrage d'actualité. Il y traite, en ses meilleures pages, de Venise –si chère à nos cœurs dans le péril qui la presse– et de ces premiers pèlerins Villehardouin, le seigneur d'Anglure, Gilbert de Lannoy et d'autres. Ils y allaient vénérer des reliques et ne savaient pas encore que les couchants sont beaux sur l’Adriatique ni qu’on y gagne des fièvres très distinguées. Commynes n'y connut que des émotions de politique. M. André Beaunier nous présente le frère de Diderot, un chanoine de Langres qui, fort heureusement pour son salut éternel, ne ressemblait en rien à son cadet. Adélaïde Dufrénoy, M. de Marville, le chevalier de Florian, la comtesse d'Albany, Lakanal, ont tous de fort plaisantes histoires. Pour finir: “Les costumes de M. de Chateaubriand” excitent la verve de M. André Beaunier. Maurras et Lemaître ont mis à la mode un ton de persiflage dès qu'il s'agit du père de l'affreux Romantisme. Pourtant l’auteur des figures d'autrefois, en une page qui est la plus subtile et la plus charmante de tout le livre, excuse le goût de déguisement du pauvre René. “Les costumes sont des essais d'oubli” nous dit-il... “Comme il subissait profondément l'émoi de toutes les minutes il cherchait à se divertir. Cette alarme perpétuelle est ce qu'il pomme son ennui. Les minutes lui apportaient l'amusement, et la déception; les minutes écoulées lui étaient un sujet de chagrin. La fuite du temps le désespérait; mais contre ce désespoir, il se réfugiait dans le désir d'une continuelle nouveauté... Ainsi, à propos de bottes, M. André Beaunier nous donne du génie de René, la plus exacte formule...

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