Mauriac en ligne

Search

Recherche avancée

Scripto | Transcribe Page

Log in to Scripto | Recent changes |
Notice: Array to string conversion in /sites/mauriaconline/www/web_main/plugins/Scripto/views/shared/index/transcribe.php on line 348
Array
| View file

Le Miracle de la J.O.C. (1)

MICMAU_Sept_1937_02_12.pdf

« previous page | next page » |

Current Page Transcription [edit] [history]

La déchristianisation des masses aux XIXe siècle est le coup le plus terrible que l’Église ait subi depuis l’hérésie de Luther: tous les catholiques s’accordent sur ce point, mais alors pourquoi ne saluent-ils pas tous d’un même cœur le miraculeux épanouissement d’une jeunesse ouvrière chrétienne au sein de notre prolétariat presque entièrement marxiste?
Nous disons bien: miraculeux. Ces jeunes ouvriers s’avancent à contre-courant: ils disent non aux idéologies triomphantes, non à leurs intérêts matériels, à leurs passions de classe, à leurs passions tout court. Ils cèdent à une préférence de leur cœur, ils ont retrouvé la source perdue.
A Lourdes, les foules tombent à genoux pour bien moindres miracles. Il n’est rien qui devrait aujourd’hui nous étonner davantage que la J.O.C., rien si ce n’est l’indifférence que certains des nôtres lui témoignent, si ce n’est cette méfiance, cette hostilité…
L’autre soir à la Mutualité, Malraux, qui peut-être m’avait reconnu au fond de la salle, par-dessus les milliers de poings tendus qui nous séparaient, me posait la question: "Le clergé espagnol a eu ce peuple entre les mains… qu’en a-t-il fait?"
Laissant de côté le problème espagnol, je voudrais répondre à Malraux: "Voyez ce qui se passe chez nous. La renaissance chrétienne dans la jeunesse ouvrière demeure d’abord, à nos yeux, un coup surprenant de la Grâce. Mais le jeune clergé, les jeunes religieux de France ont magnifiquement coopéré à la Grâce."
C’est à une certaine bourgeoisie catholique et à la presse qu’elle soutient, que Malraux pourrait adresser sa question qui, d’ailleurs, ne resterait pas sans réponse. La formule maladroite "il faut aller au peuple" n’en a pas moins durant tout le dix-neuvième siècle suscité d’admirables dévouements. Du côté marxiste, on peut affecter d’ignorer ou de compter pour rien l’école sociale catholique et l’enseignement des encycliques. Cette école existe: elle n’a pas seulement sauvé l’honneur catholique, elle n’a pas agi seulement dans les cœurs et dans les esprits, elle a collaboré efficacement à toutes les lois ouvrières.
Mais la J.O.C., c’est bien autre chose. Il ne s’agit plus de jeunes bourgeois qui vont au peuple: il s’agit de jeunes ouvriers qui vont au Christ. Le Christ ne leur est pas apporté du dehors par des représentants des classes privilégiées. Ils retrouvent en eux, à côté d’eux, au milieu d’eux, celui qui ne les avait jamais quittés. Ils le retrouvent dans ses prêtres, dont plus d’un sont des camarades sortis de leurs rangs et qui, avant d’élever le calice et de rompre l’hostie, ont soulevé le marteau.
Il faut que les catholiques de France prennent conscience de ce qui se passe en ce moment même au milieu d’eux : un extraordinaire miracle de Grâce, et qu’ils ne prêtent pas l’oreille à la calomnie: là où vit le Christ, il n’y a pas de place pour le matérialisme marxiste. Certes, la J.O.C. représente au milieu de nous une exigence de justice sociale que nous pouvons être tentés parfois de trouver gênante ou inopportune. Mais les catholiques ne sont pas libres de se résigner aux salaires souvent dérisoires de la jeunesse ouvrière, à la sous-alimentation des adolescents, au manque d’hygiène des ateliers, à l’horreur des taudis.
Au contraire, nous devons leur être reconnaissants, à nos jocistes, de nous rendre sensible ce lien qui unit, qui confond toutes les classes dans un seul amour. Leur mission auprès de nous est plus importante que celle que nous pourrions avoir au milieu d’eux. Il leur suffit d’exister, d’être ce qu’ils sont, pour que tel petit prêtre que je connais et qui lutte durement dans une banlieue hostile ne perde pas cœur. Le bien qu’accomplissent les militants jocistes dépasse les frontières de leur classe : les privilégiés du monde ramassent en secret les miettes qui tombent de la table des pauvres.

Current Page Discussion [edit] [history]