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Le membre souffrant

MICMAU_Sept_1937_05_28.pdf

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Je voudrais ici rapprocher un petit effet d’une grande cause. Si j’ai signé ce manifeste à propos du bombardement de Guernica, ce ne fut pas sans balancer: Pourquoi ne protester que contre les atrocités d’un des partis aux prises? Le crime, en Espagne, est-il d’un seul côté? Trouverait-on un seul exemple d’un manifeste de gauche contre les assassinats, les viols et les sacrilèges de Barcelone et d’ailleurs?
J’ai pourtant signé et j’en donne ici la raison: autour de ce peuple basque profondément catholique, et aujourd’hui atteint aux sources mêmes de sa vie, dans ses enfants, s’empressent des communistes et des Anglicans. Il cherche, il appelle ses frères dans le Christ et ne les trouve pas. Il est bien temps de se demander s’il a mérité son malheur ou si on lui peut trouver quelque excuse! C’est ici que j’avoue ne pas comprendre la position du plus grand de nos maîtres. Même si les raisons qui ont fixé le choix du peuple basque n’étaient point de celles qui échappent en partie aux étrangers, nous n’avons qu’un droit qui se confond avec un devoir: nous pencher sur ses blessures. Pour le reste, Dieu seul est juge.
A un être gisant, accablé de coups, nous devons épargner les il fallait et les pourquoi. En ces jours de la fête du Corps du Christ, nous nous rappelons que lorsqu’un membre de ce corps est souffrant, tous les autres souffrent. Il ne faut pas que le jour où ce peuple basque s’éveillera de son cauchemar, il puisse attester que seuls les ennemis mortels de l’Eglise l’ont secouru; il ne faut pas qu’à ses yeux le prêtre, le pharisien qui passent sans tourner la tête soient des catholiques; ni qu’on lui fasse croire que sur le turban du Bon Samaritain, il y a un marteau et une faucille.
Voilà ce qui m’a décidé. J’ai souffert de sembler apporter de l’eau, ou plutôt du sang, au moulin communiste, de paraître fournir des armes aux hommes qui, depuis vingt ans, en Russie, ont montré le cas qu’ils faisaient de la vie humaine, eux qui en fait de crimes n’ont de leçon à recevoir de personne.
Mais un peuple chrétien gît dans le fossé, couvert de plaies. Devant son malheur, ce n’est pas faire le jeu du marxisme que de manifester au monde la profonde unité catholique. Voici le cep et voici les pampres. L’un des rameaux est menacé de périr et toute la vigne souffre.
Enfin, de quelque côté que nous penchions dans cette guerre atroce, quelles que soient nos préférences, il ne semble pas que les catholiques soient libres de ne pas désirer une médiation; et c’est pourquoi j’ai accepté d’adhérer au Comité fondé à ce propos par Jacques Maritain. A une de nos réunions, Madaule, dont on sait que le cœur est à gauche et tous les vœux pour Madrid disait: "Chacun de nous doit se faire violence pour ne pas souhaiter l’écrasement du parti qu’il déteste." Et je sentais bien, et j’admirais toute sa volonté tendue dans un effort que Dieu voyait. Et ce que Dieu voyait aussi ce soir-là, c’était tous ces chrétiens venus d’horizons opposés et qui pourtant n’avaient qu’un cœur: "Partout où sera le corps, là s’assembleront les aigles."

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