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Complices et victimes

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Un Weidmann qui met l’absolu dans le mal et n’assigne plus de limite au crime bénéficie d’un pouvoir presque surnaturel sur les gredins médiocres dont la piste coupe la sienne. Il les attire, les absorbe, les engloutit. Il impose, par sa seule approche, à des petits voleurs, à des modestes maîtres-chanteurs, un rôle dont l’horreur les dépasse.
A peine ont-ils touché la main de Weidmann… Les voici enchaînés au crime. Plus aucune aide à attendre de la société; nul secours humain. Un maître les tient qui n’a plus rien à perdre. Et leur obéissance même à ses pires desseins ne les met pas à l’abri de ses coups. Leur soumission ne les absout pas du crime de savoir, du délit d’avoir vu... Le maître a intérêt à les abattre et ils le savent.
Il leur reste de le fuir. Mais leur destin est à jamais rivé au sien. Dès qu’on a tenu Weidmann, on les a tenus aussi. La police n’a pas eu à se déranger: il lui a suffi de tirer sur la chaîne.
Inutile exemple: les grandes villes, ce soir encore, seront peuplées de complices et de victimes. Comme si l’histoire de Weidmann ne remplissait pas les colonnes de tous les journaux du monde, de mauvais garçons recevront d’affreux mots d’ordre; les femmes jeunes et belles suivront un inconnu, monteront avec lui dans une auto, le cœur aussi léger que pouvait l’être celui de Joan de Koven, la petite danseuse… Non, aucun exemple ne sert, aucun secours ne vient du dehors. La grâce perdue, c’est le bouclier rejeté, c’est l’armure qui ne nous défend plus. Le péché, un certain péché surtout, annihile l’instinct de conservation, précipite la pauvre chair dans le piège tendu. Que le crime puisse avoir un visage jeune et beau, un tendre regard, des mains caressantes, les victimes de Weidmann l’avaient vu peut-être; elles l’avaient oublié: ce n’est pas l’amour qui est aveugle, mais le désir. Le péché nous crève les yeux.

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