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Qui perd gagne

MICMAU_Temps présent_1938_01_07.pdf

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Oui, en Yougoslavie, en Roumanie, en Espagne, à Tokyo, partout Rome-Berlin gagne. Mais il nous reste ceci: la France, en dépit de son désordre intérieur, représente de nouveau, aux yeux des peuples, un idéal —non pas un idéal révolutionnaire— un idéal humain.
Malgré ses échecs répétés sur le plan diplomatique, on recommence à dire d’une certaine façon et sur un certain ton: “La France”. Ceux qui naguère se réjouissaient de ses malheurs, s’inquiètent maintenant de sa force diminuée. Derrière les minorités triomphantes, il y a les peuples, ces masses d’ouvriers, de paysans, d’étudiants, de professeurs dont la vraie pensée est inconnue. Certes, nous leur donnons trop de raisons de douter de notre sagesse, mais c’est pour eux-mêmes qu’ils tremblent lorsqu’ils tremblent pour nous.
Ce serait assez qu’il n’y eût que le sort de la France engagé, pour que la partie qui se joue tînt tous les Français en état d’alerte et d’éveil; mais des millions d’hommes, qui ne croient plus à notre sagesse, croient encore à l’idéal humain qui s’incarne en nous. Dans notre humble sphère, nous en avons chaque jour des preuves nous, les écrivains français, et depuis cette année surtout.
Lisant ce matin, dans le Figaro, l’article de Claudel sur Philippe Berthelot, ce que j’éprouvais ressemblait bien à de l’orgueil. Cette prose nourrie de tous les sentiments et de toutes les pensées que l’amitié et la foi inspirent à un grand poète paraissait là, dans ce quotidien, comme un article ordinaire, courant: nous sommes assez riches, nous n’y regardons pas de si près.
Mais la littérature a une valeur de signe. Elle témoigne de la vie intérieure d’un peuple. Où en est la littérature allemande? la littérature italienne? Je ne dis pas qu’elles n’existent plus. Mais vivent-elles comme la nôtre? Répondent-elles, comme la nôtre, à une aspiration universelle?
En 1937, nous avons perdu sur tout le front diplomatique. Mais il y a des gains invisibles, des victoires secrètes dont l’effet n’apparaît pas d’abord. Et c’est notre gloire et c’est notre force que les gouvernements ne se puissent dresser contre nous sans atteindre, sans blesser le cœur même de leurs peuples.

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