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Le Poignet tenu

MICMAU_Temps présent_1938_01_28.pdf

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Des étudiants catholiques sont venus me demander conseil au sujet d’une revue dont le projet est à l’étude et qui grouperait la plupart de celles où s’expriment déjà leurs associations diverses. Je crois loyal de publier sur les toits ce que je leur ai dit dans le secret du cabinet, et qui n’engage que moi-même.
C’est qui me frappe, c’est le contraste entre les publications si vivantes que les grands ordres religieux rédigent directement et l’atonie de celles qu’ils inspirent ou surveillent. Les Études, la Vie intellectuelle, les Études carmétaines sont au tout premier rang des revues qui paraissent aujourd’hui. On n’en saurait dire autant de ces recueils sages, appliqués et timides, rédigés par des enfants dont on tient le poignet.
Et un autre contraste me frappe: les ressources de tous ordres dont déborde la jeunesse catholique française, intellectuelle et ouvrière, et cette grisaille des bulletins où elle s’exprime.
Je crois donc que la première condition de vie pour la jeune revue en question serait qu’on fît confiance à ses rédacteurs ; qu’on leur reconnût, pour tout ce qui ne touche pas au dogme, à la discipline et à la morale, le droit de chercher, et celui même d’être imprudents, quitte à discuter avec eux, et dans la revue même, leurs opinions. Mais il faudrait, pour que ce fût possible, que la revue n’engageât que cette jeunesse, et non pas ses maîtres… Et c’est ici que je touche au point délicat qui est aussi, à mes yeux, le plus important: cette revue ne devrait pas représenter une zone d’influence; on entend bien ce que je veux dire.
Elle ne devrait être le pion noir ou blanc d’aucun échiquier. Comprenez-vous? M’entendez-vous? Moi, je m’entends.
La direction religieuse devrait être confiée à un ecclésiastique choisi par les étudiants eux-mêmes, avec l’approbation épiscopale, et porter moins sur la revue que sur ses rédacteurs, moins sur les textes que sur les âmes.
Psichari disait qu’il est redoutable d’écrire sous le regard de la Trinité. C’est en cette présence qu’une jeune revue catholique devrait être rédigée, mais par des hommes libres —et non par des garçons coiffés encore de leur casquette à liséré bleu ou à galon d’or.
J’exprime ici une opinion personnelle. Il se peut qu’elle soit téméraire et que mes conseils soient inapplicables. Mais ce dont je suis certain c’est que nous vivons dans un dur monde où il n’y a plus de place pour les enfants en lisière, et où ce qui devrait distinguer d’un jeune stalinien et d’un jeune fasciste un jeune catholique, c’est l’attitude dégagée, libre, fière de ceux qui sur toute question posée n’ont pas à demander la permission de penser ce qu’ils pensent.

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