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La Guerre

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A quoi servirait de se crever les yeux? La guerre est désormais dans le droit fil de notre destin. Entre la guerre et nous, il n’y a plus rien que cette supputation de l’homme enfermé à Berchtesgaden qui interroge ses conseillers militaires, pèse ses chances.
Il voudrait être sûr que la France est aussi malade et aussi divisée que la presse française le laisse entendre. C’est un doute où aucun Allemand ne s’attarde longtemps lorsqu’il observe la “nation pourrie”. Et comment n’en croirait-il sur ce point les Français eux-mêmes?
Reste l’Angleterre. Elle demeure l’obstacle qu’il ne désespère pas de surmonter. C’est l’occasion qu’il guette et que le compère Staline, à propos de l’Espagne, essaye vainement, ces jours-ci, de provoquer; n’y aurait-il dans le bloc franco-anglais qu’une fissure, la hache allemande y pénétrera.
Il attend qu’elle se produise, il la croit inévitable, et que lui importe d’attendre si le temps travaille pour lui? Il travaille pour lui et non pour nous. Autant que nous nous armions, il s’armera davantage encore, mais surtout, il mettra la main, sans coup férir, en Europe centrale sur ce qui lui manque encore pour soutenir une guerre longue.
C’est ce que M. Eden avait compris. L’Angleterre et la France auraient pu, sans risque, tenir en respect une Allemagne qui ne se sait armée que pour les rapides coups de force. Notre faiblesse va la mettre en passe de détenir assez de pétrole et de blé et de tout ce qui est nécessaire à un grand peuple engagé dans une guerre d’usure —et ce sera alors l’échéance…
Mais il faut tout dire: n’existe-t-il pas, et au ministère même, chez nous, des hommes qui concluent de cet état de choses que mieux vaut courir notre chance dès maintenant? La guerre éclate toujours, hélas! de ces volontés convergentes, des deux côtés de la frontière…
Telle est la vérité nue. D’un charnier à un autre charnier, l’humanité n’apprend rien, ne retient rien. La nouvelle guerre est toujours la plus stupide, la moins excusable. Nous y courons les yeux ouverts.

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