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L'Âge heureux, comédie en 3 actes de M. Jacques Natanson, au théâtre de l'Œuvre - Un chien dans un jeu de quilles, comédie en un prologue et 3 actes de MM. André de Fouquières et Silva, au théâtre Fémina

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Avec plus de hardiesse que de tact, mais non certes sans habileté, M. Natanson traite, dans l'Age heureux de l'initiation amoureuse de trois adolescents. Ces élèves de “philo” passent les vacances de Pâques dans un hôtel où ils rencontrent, pour leurs plus grandes délices, une professionnelle vieillie sous le harnois et maternelle aux débutants, une jeune fille qui n'est qu'une demi-jeune fille, et enfin une jeune femme honnête de qui le mari est un maladroit de n'être pas là. Au premier acte, qui est le plus choquant, nous voyons l'un des trois garçons aider de tout son pouvoir à la chute de son jeune camarade. Puis la demi-jeune fille et la femme honnête martyrisent, chacune à sa façon, les deux chérubins et les lâchent. Ce duel “entre la bonté d'homme et la ruse de femme” ne manque pas d'attrait. Au dernier acte, le jeune amant se confie naïvement au mari de sa maîtresse et cette scène arbitraire, mais d’un effet sûr et où M. Lugné-Poé allie avec mesure le cocuage au stoïcisme, révèle plus sûrement que tout le reste, en M. Natanson, ce qui s'appelle aujourd'hui un homme de théâtre.
Sujet scabreux, disions-nous, mais tragique aussi, et il semble, que l'auteur ait eu parfois la tentation de le traiter en drame. Il y a bien de l'amertume dans cette pièce d'un très jeune homme qui prétend ramener toutes les femmes à trois types de noceuses. Les petits “philosophes” de M. Natanson auraient dû apprendre dans leur manuel de logique qu'il faut se défendre des généralisations hâtives. De ce qu'ils jouent imprudemment avec une petite vicieuse et féroce, ils sont des sots de conclure à la férocité et à la dépravation de toutes les jeunes filles. Même en ce siècle de shimmy et de fox-trott, il existe encore des sœurs de cette Jacqueline Pascal qui écrivait à son frère qu'elle ne voulait pas mettre de limite à la pureté ni à la perfection. Qui de nous, dans nos familles catholiques, n'a connu une Eugénie de Guérin? Dans quelle province n'avons-nous pas vu coudre, derrière sa vitre, Eugénie Grandet? La jeune fille chaste et “ intérieure” vit ailleurs que dans les romans bien pensants, et nous croyons qu'en France elle s'appelle légion. Il n'est pas besoin d'être né chrétien pour constater ce que le christianisme a fait de la femme et comme il l'a délivrée d'elle-même.
Enfin, pour que le sujet de M. Natanson nous parût traité honnêtement, il aurait fallu que l'un des trois collégiens fût chaste. L'auteur me répondra sans doute avec Stendhal que la chasteté est une vertu comique; mais il n'y a là qu'un mot; quand un garçon chaste semble ridicule, c'est à coup sûr qu'il n'est vertueux que par timidité, faiblesse, peur ou impuissance. Mais vertu, au sens latin, signifie force, courage. Un garçon plein de sang, maître de soi et qui se dompte pour une fin qu'il s'est assignée à lui-même, cela sans doute ne court pas les rues; il en existe cependant et la présence de l'un d'eux aurait relevé cette comédie dont le pessimisme est trop “d'après-dancing”.
M. Pierre Liausu, de qui le jeune talent s'est déjà révélé dans le Coeur des autres et dans la Grâce, exorcise la pièce de M. Natanson; il nous rend aimable un enfant précoce et passionné, follement sensible et à qui personne jamais n'enseigna qu'il existe autre chose au monde que des intrigues dans des couloirs d'hôtel.

MM. André de Fouquières et Silva, les auteurs de Un chien dans un jeu de quilles, doivent être beaucoup plus jeunes que M. Natanson, qui a vingt ans. Car leur pièce, non dépourvue de mérites, révèle une bien tendre inexpérience. Il faut pourtant les louer d'avoir su trouver un sujet; c'est l'éloge qu'on, a le moins souvent l'occasion de donner aujourd'hui à un auteur dramatique. M. de Fouquières imagine donc qu'un jeune homme sans fortune et sans agrément, Pastouille, décide qu'il jouira de ce qu'il aime, par procuration; il se sert d'un gentil imbécile de ses amis, comme Cyrano de Christian, et fait lui épouser la jeune fille que lui-même adore et à laquelle il ne peut prétendre. Mais voici la “trouvaille” de M. de Fouquières et Silva: Pastouille, installé chez son ami, veille à ce que les époux ne s'aiment pas trop tendrement. Cette politique de jaloux dans un jeune ménage quel joli sujet de comédie, mais qu'il était difficile! Les auteurs s'en sont tirés en ne le traitant pas.

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