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Faiblesse et force des jeunes catholiques

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Les milliers de jeunes hommes qui vont se réunir à Paris en telle Pentecôte de 1936, auront à prendre conscience à la fois de leur faiblesse apparente et de leur force réelle.
Leur faiblesse? C'est que groupés en dehors de ce qu'aujourd'hui on appelle les masses, ils s'opposent par leur formation intérieure à cette puissance nouvelle. Les masses exigent une adhésion qui est un renoncement à soi-même, une absorption de tout l'être par la collectivité. Au contraire, devant les problèmes de notre temps, chaque catholique accoutumé à l'examen de conscience, réagit selon ses lois. Et sans doute ils se sentent frères et plus que frères: pampres de la même vigne qui est le Christ. Mais fussent-ils aussi nombreux que les grains de sable de la mer, ils ne formeront jamais cette masse aveuglement soumise aux mythes qu'on lui propose.
Autre raison de faiblesse: en face de cette puissance toute neuve qui monte, ils incarnent pour l'adversaire une force du passé. Le monde est incapable de discerner en eux ce qui les fait vivre: la Vérité éternellement jeune; l'enfance éternelle de Dieu. Ce qui frappe l'adversaire, ce sont toutes les scories accumulées au long des siècles, cette épaisseur de cendres sur le feu que le Christ est venu allumer ici bas. Nous sentons aujourd'hui profondément ce que Berdiaeff veut dire lorsqu'il écrit que sur le plan temporel, et dans la mesure où l'Eglise est une société humaine, le Christianisme a été contaminé par l'Histoire.
Nos jeunes gens sont les héritiers de dix-neuf siècles au long desquels le catholicisme a été souvent exploité au profit d'intérêts et de passions hypocrites. Qu'un miracle continu de charité et de pauvreté ait toujours fait contrepoids, dans l'Eglise militante, à cette “contamination”, tous les hommes sincères le reconnaissent. Il n’empêche qu'en face d'une autre jeunesse qui leur crie: “le monde commence aujourd'hui...”, la jeunesse catholique, plie parfois sous le poids d'un héritage où trop d'humain s'est mêlé au divin.
J'ai écrit un jour, après avoir suivi un procès en Cour d'assises, qu'il n'était rien d'aussi horrible que la justice séparée dé la charité. En donnant au mot justice son sens social, nous devons dire aujourd'hui que la charité séparée de la justice n'est pas non plus toute la charité.
Ici apparaît la grande force de nos jeunes catholiques; ils détiennent un secret que les autres ne possèdent pas. Cette sèche et implacable justice de la Révolution, il leur appartient de la pénétrer d'amour. Et cette charité dont tant de bonnes âmes bourgeoises étaient possédées, il leur appartient de la pénétrer de justice.
Ils sont mêlés comme le sel incorruptible à ces masses bourgeoises facilement endormies, et leur enseignent la justice. Ils sont mêlés aux masses populaires pleines de revendications et de rancunes et ils y entretiennent invisiblement un secret d'amour.
Et sans doute, Dieu n'a besoin de personne pour que sa volonté soit faite sur la terre. Mais enfin c'est sa volonté que sa créature soit l'instrument de son Amour, et qu'elle soit libre de se prêter à cette tâche sublime ou de s'y refuser et de préférer ses passions. Si bien que la force de nos militants catholiques réside justement dans leur vie personnelle, dans la vie intérieure qu'ils n'ont pas sacrifiée à l'idole de ce temps; cette idole, nous en connaissons le nom: ici la Classe, ailleurs la Race ou l'Etat; le nom diffère, mais c'est toujours le même Minotaure qui, à toutes les époques, s'est nourri de l'adolescence dès nations.
Même sur le plan temporel, la France a besoin, aujourd’hui d'une jeunesse catholique vivante: les jeunes croyants constituent la plus pure conscience du pays. Puissent-ils être comblés par l'Esprit, eux et leurs chefs spirituels; en cette Pentecôte de 1936. Car jamais il ne fut plus difficile pour un catholique d'unir la vertu de prudence à la vertu de courage, d'être audacieux sans être téméraire, généreux, sans être dupe.

Espérons que toutes les questions qui les tourmentent seront traitées en pleine lumière. Le temps n'est plus des propos bénisseurs, des compliments échangés, des coups d'encensoir, des courbettes et des hyperboles. En tout cas, il est un bienfait qu'ils sont certains d'acquérir durant le congrès qui s'ouvre, c'est un surcroît de vie, un enrichissement intérieur, un afflux de cette grâce qui a vaincu le monde.

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