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Les Caves du Vatican, sotie par l’auteur de Paludes

Référence : MEL_0024
Date : 15/05/1914

Éditeur : Cahiers de l'Amitié de France
Source : 3e année, n°5, p.313-314
Relation : Notice bibliographique BnF

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Les Caves du Vatican, sotie par l’auteur de Paludes

Je crois bien qu'au moyen-âge, on appelait sotie une pièce bouffonne. Mais c'est à dessein que M. André Gide use de ce terme impropre pour désigner son nouvel ouvrage. Sans doute a-t-il peur que nous prenions trop au sérieux ce divertissement. Il s'est fait à lui-même la gageure d'écrire un roman policier qui vaudrait surtout par l'invention et l'ingéniosité de l'intrigue. Il s'est dit qu'en prêtant aux personnages de son imbroglio, de la vie, de la truculence, il ferait entrer dans la littérature le genre un peu décrié du feuilleton. Tout cela est vrai, pourtant je crois que nous devons chercher ailleurs le sens profond de ce livre. Gide, en écrivant les Caves du Vatican, a essayé de créer des êtres qui ne fussent pas lui-même. C'est un effort –malheureux– pour ne recommencer ni la Porte étroite ni l’Immoraliste. L'immoralisme et le renoncement furent les deux thèmes essentiels de sa littérature jusqu'à ce jour. Des Cahiers d’André Walter à la Porte étroite et des Nourritures terrestres à Amyntas et à l'Immoraliste, il les reprend inlassablement et sans les confondre jamais. Immoralisme, renoncement, c'est tout Gide. Sans doute se souvient-il d'avoir été un petit garçon huguenot –mais jeune homme, il a écouté les paraboles d'Oscar Wilde et Nietzsche lui a donné des yeux nouveaux pour considérer la vie. Gide est l'homme qui sert deux maîtres et bien d'autres encore. D'ailleurs, de l'immoralisme au renoncement il n'y a pas si loin. A celui qui a usé et abusé de la volupté, que reste-t-il, sinon de se limiter? “J'avais l'âge, écrit Gide dans Amyntas, où la vie commence à prendre un goût plus douteux sur les lèvres; où l'on sent chaque instant tomber d'un peu moins haut déjà dans le passé...”
Gide enfin s'est fatigué de se retrouver toujours dans tous ses livres: Rien n'est pire qu'un vieux Narcisse. Il a donc essayé de créer des êtres qui ne fussent pas lui-même. Isabelle marque un premier effort et déjà ce livre nous avait paru décevant. Les Caves du Vatican sont un plus décisif échec. Gide en doit avoir conscience, si nous en jugeons par les dernières pages si bâclées, par l'affectation du sous-titre: Sotie. Il veut persuader aux autres qu'il n'a prétendu que se divertir. Mais si tous ses personnages, assez drôlement coloriés, ressemblent à des poupées mécaniques, montées sur roulettes, je ne suis pas très assuré que Gide l'ait fait exprès. Le seul que nous sentions vivre a [le?] nom Lafcadio. Mais Lafcarlio, c'est l'immoraliste enfant. André Gide est toujours le prisonnier d'André Gide.

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François MAURIAC, “Les Caves du Vatican, sotie par l’auteur de Paludes,” Mauriac en ligne, consulté le 26 avril 2024, https://mauriac-en-ligne.huma-num.fr/items/show/24.

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  1. BnF_Cahiers_1914_05_15.pdf