Le Mauvais génie de l’improvisation
Date : 24/05/1940
Éditeur : Temps présent
Source : 4e année, n°130, p.1
Relation : Notice bibliographique BnF
Type : Billet
Le Mauvais génie de l’improvisation
Entre le dessein qu’un homme a conçu et son accomplissement, il règne toujours cet écart qu’imposent les imprévisibles résistances du réel. Chez notre ennemi, cet écart est presque toujours réduit à l’extrême. II fait exactement ce qu'il a décidé de faire.
Pourquoi? parce qu'il n’improvise jamais. Aussi pressé qu'il puisse être, il n'entreprend rien dont il n'ait poussé la préparation à l'extrême. Sa guerre-éclair ne déchire l'horizon. qu'après des années de guerre larvée. Elle jaillit d'une persévérante mise au point. Un travail de termites et de taupes accompli dans les nations visées suscite ces brusques effondrements qui stupéfient le monde. Quand il commence une guerre, c'est qu'il l’a croit virtuellement gagnée.
L'économie des moyens, voilà ce qui nous reste à apprendre. Non qu’il s’agisse d'imiter des méthodes criminelles, mais il ne faut plus nous fier à notre génie de l'improvisation; il ne faut plus nous mettre dans le cas de n'avoir rien à attendre désormais que des ressources de ce génie.
Sont-ce là de trop dures paroles dans des jours d’indicible angoisse? Elles prouvent que notre espérance n’est pas atteinte. Ce cri dont les voûtes de Notre-Dame ont retenti dimanche, ce n'était pas la France seule qui le poussait. Toute la chrétienté en péril priait dans la vieille nef indestructible comme la foi de ses bâtisseurs. Nous croyons que ce cri a réveillé le Dieu endormi à la poupe, mais dont le cœur veille. Nous ne voulons plus être des hommes de peu de foi. Nous croyons que les vents, les flots et les conquérants lui obéissent. Nous croyons que nous ne périrons pas.