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Nous sommes libres

Référence : MEL_0786
Date : 01/11/1935

Éditeur : Sept
Source : 2e année, n°88, p.2
Relation : Notice bibliographique BnF
Type : Billet
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Nous sommes libres

Nous avons le plaisir d’annoncer à nos lecteurs que M.François Mauriac va désormais collaborer plus fréquemment à Sept. Il a bien voulu nous promettre un article chaque quinzaine. C’est une bonne nouvelle non seulement pour Sept et ceux qui le suivent, mais pour tous les patriotiques de France, à qui il sera ainsi donné d'entendre l'un de leurs maîtres les plus aimés s'exprimer pour eux, en pleine franchise et liberté, sur tout ce qui intéresse une âme chrétienne.

En ce triste automne, la liturgie dont le langage éternel s'adapte mystérieusement aux circonstances, nous rappelle chaque jour de quel esprit nous sommes. En la fête du Christ-Roi, le dernier dimanche d'octobre, l'Eglise implorait le Père: “Accordez dans votre honte que toutes les familles des nations qui vivent en désaccord, à cause de la blessure du péché, se soumettent au très doux pouvoir de votre Fils bien-aimé...” Et elle invoquait le Christ: “Christ, princeps pacifer!

Et voici que les Béatitudes, aujourd'hui, retentissent de nouveau dans toutes les églises du monde. Les pauvres en esprit, les doux, ceux qui pleurent, ceux qui ont faim et soif de justice, les miséricordieux, les cœurs purs, les pacifiques, les persécutés pour la justice, y a-t-il de quoi faire, avec tout ce rebut, une civilisation selon le cœur des intellectuels français défenseurs de l'Occident?

Et pourtant, aux confins de ce Royaume de Dieu, si méprisé des hommes, s'étend la barbarie véritable, d'autant plus barbare qu'elle est plus savante et mieux armée. Non, l'Ethiopie n'est pas le seul pays d'esclaves. L’Europe d'aujourd'hui est couverte d'hommes asservis. La notion même de l'homme n'y est pas seulement menacée: on pourrait la croire déjà perdue.
Mais dans ces troupeaux humains, vêtus de chemises noires, brunes ou rouges, que la civilisation occidentale dresse les uns contre les autres, il ne subsiste d'hommes libres que les chrétiens —les seuls qui se trouvent dans cette condition dont parle Pascal où l'on ne saurait recevoir de mal ni de bien de la part des hommes: ceux-là seulement échappent à tout empire; une porte secrète de leur cœur ouvre sur le ciel.
Si la religion chrétienne était l'opium du peuple, elle n'aurait pas contre elle tous les tyrans du monde, ni tant de redoutables “civilisés”. Ils ne la haïraient pas tant, si elle ne nous avait rendus libres, à jamais.

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François MAURIAC, “Nous sommes libres,” Mauriac en ligne, consulté le 26 avril 2024, https://mauriac-en-ligne.huma-num.fr/items/show/786.

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  1. MICMAU_Sept_1935_11_01.pdf